PADDUC phase 2
Contribution Climat Air Energie
Michel Stefani
Dans les années 70, la Corse a été dotée d’équipements permettant une production de base au moyen des centrales thermiques au fuel. Cette capacité de production lui assurera la maîtrise énergétique jusque dans le milieu des années 90 où la courbe de croissance des besoins va croiser celle descendante de la vétusté des moyens de production.
Le refus du Câble ICO, les tergiversations sur l’implantation de la centrale au GNL, l’adoption en 2001, contre notre seul avis, d’un plan énergétique à moyen terme inadapté, précipiteront la Corse dans la crise de 2005. Aujourd’hui la programmation retenue combine le renouvellement des centrales thermiques fuel/gaz, l’interconnexion et le développement des énergies renouvelables.
En huit ans, la situation a changé considérablement et l’Exécutif a été réactif et attentif aux évolutions que ces changements impliquent dans les domaines essentiels de l’investissement, de la programmation et du mix énergétique. Il s’agit bien d’une politique avec des axes directeurs et une vision à la fois sur le moyen et le long terme pour satisfaire aux besoins domestiques et industriels et aux exigences écologiques.
La Corse, ZNI, est plus carbonée que la moyenne française avec un écart de près de 2 tonnes. Il faut donc s’interroger sur les raisons qui en sont à l’origine et agir pour diminuer cette moyenne insulaire dans les domaines les plus sensibles de la production énergétique et des transports afin de réduire ces émissions de CO2.
L’énergie est indispensable à la plupart des activités humaines. Plusieurs sources énergétiques peuvent être utilisées : les énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon), l’énergie nucléaire et les énergies renouvelables (éolienne, solaire, hydraulique, géothermique, biomasse). Elles présentent des caractéristiques propres qui les rendent plus ou moins aptes à remplir les différents services qu’on attend de l’énergie.
On constate au niveau mondial une très grande diversité de situations concernant les usages et la consommation d’énergie. On constate aussi de très grands déséquilibres énergétiques, aussi bien quantitatifs que qualitatifs : les inégalités à l’échelle internationale vont en s’accentuant, la surconsommation côtoyant des pénuries criantes.
Dans la plupart des pays en développement l’accès aux services énergétiques les plus élémentaires (éclairage, cuisson, conservation des aliments, chauffage) n'est pas assuré. C’est un enjeu majeur du développement des sociétés. Or, la croissance des activités dévoreuses d’énergie au Nord et dans les pays émergents, et le gaspillage dans les pays riches, posent deux problèmes majeurs : l’épuisement des ressources énergétiques les plus faciles d’accès et les plus faciles à transformer (en particulier le pétrole) et corrélativement, le problème de la vie sur terre, menacée par l’accroissement rapide des émissions de gaz à effet de serre (gaz carbonique et méthane) responsables du réchauffement climatique.
L’empreinte écologique qui mesure l’incidence des activités humaines sur l’environnement, met en évidence le danger pour la planète de surconsommation des ressources énergétiques fossiles comme le pétrole et le charbon, et les inégalités qui existent, entre les pays riches et les pays pauvres. Le choix de l’Exécutif de faire fonctionner les centrales thermiques au gaz, dans un délai raisonnable, choix exprimé au moment de la commande de moteurs bi pour la centrale de Lucciana, répond à cette exigence.
Tout cela conduit donc à accentuer la recherche sur les énergies dites renouvelables qui utilisent des flux quasi inépuisables d’énergie peu polluante. On peut se féliciter de l’avance prise ici avec la grande et la petite hydraulique qui fait de la Corse la région la plus en pointe en ce domaine et qui nous conduit naturellement à soutenir la réalisation du barrage de l’Olivese.
De même, un effort important doit être fait en direction de la filière bois pour la structurer. La forêt corse dispose d’un potentiel de production important (1Mm3/an). 10 % de cette ressource seulement est exploitée. Une gestion durable permettrait à la fois de répondre aux besoins en bois d’œuvre et d’art mais également en production d’énergie. Le développement de la cogénération avec la SEM bois énergie fournirait le déboucher indispensable à cet objectif.
Ces orientations impliquent une gestion concertée avec la CTC, propriétaire de la forêt territoriale, les communes, les propriétaires privés qui détiennent 70 % de la forêt, les négociants en bois pour réduire les importations et les exploitants pour valoriser cette ressource locale et réduire l’impact environnemental du transport. Partant de là un schéma d’investissements permettrait de concrétiser une volonté partagée et appuyée sur l’engagement et le financement publics.
Face à des enjeux désormais planétaires (réduction des inégalités d’accès aux services de l’énergie, protection de l'environnement droit des populations dans une perspective de développement durable), deux priorités s’imposent : d’une part, la définition de stratégies mondiales pour réduire les inégalités et les tensions, d’autre part, la maîtrise des consommations d’énergie fondée sur la coopération et la solidarité, sur la participation des citoyens, des organisations syndicales et associatives, des collectivités et des Etats.
Les défis de l'énergie et du changement climatique ne peuvent être relevés qu'avec une profonde mutation des sociétés. Les priorités sont la réduction de nos consommations, une meilleure exploitation des énergies renouvelables et le développement des recherches sur toutes les options qui permettent d'atteindre ces objectifs. Je veux parler ici du soleil, du vent, de l’eau, de la géothermie, et de la biomasse (bois, déchets urbains et agricoles et cultures énergétiques).
Cependant, certaines de ces sources d’énergie sont dites intermittentes car on ne peut les stocker. C’est pour cela que la recherche en la matière, notamment avec des projets tels que MYRTE, sur la pile à hydrogène ou encore PAGLIA ORBA, doit être soutenue. C’est également pour cette raison, que le développement des Stations de Transfert par Energie de Pompage (STEP) doit être envisagé pour répondre à la demande de pointe et éviter la tension sur le réseau électrique insulaire.
L’utilisation des énergies renouvelables n'est pas récente (moulins, feu de bois, thermes...) Elles assurent un approvisionnement en eau et de la force motrice à des dizaines de millions de personnes dans les zones rurales des pays en développement. Leur faible impact sur l’environnement en fait des énergies d’avenir face au problème de la gestion des déchets des autres sources d’énergie (fossiles et nucléaire) et aux émissions de gaz à effet de serre.
Pour autant, l'extraction des ressources fossiles prospère. La production et la consommation du charbon explosent. Les compagnies exacerbent la concurrence entre elles. Les grandes puissances conduisent des guerres pour s’assurer du contrôle de l’approvisionnement et de l’acheminement vers les lieux de consommation. La guerre en Irak, celle plus récente en Lybie sont là pour le rappeler.
L'obligation de rationaliser le secteur de l'énergie s’affirme ainsi à tous les points de vue en opposition avec les logiques de marché dont il est esclave. Arriver à consommer moins et à consommer mieux suppose un nouveau rapport des hommes à la collectivité, à leur environnement et à la nature. C’est ce pari, à notre échelle que propose l’Exécutif avec sa feuille de route.
Les agro-carburants se sont développés à travers le monde, dans le contexte d'une double crise, énergétique et climatique. Toutefois, il semblerait que la véritable crise qui sous-tend leur développement à grande échelle soit celle du capital. Au cœur des agro-carburants surgissent des enjeux économiques énormes découlant du modèle capitaliste ainsi à l’origine de catastrophes écologiques et sociales.
Le fond du problème est donc bien celui-ci : changer de modèle de développement.
Aucune technique ne suffira à elle seule pour réduire les émissions de CO2 au niveau souhaitable. La solution passe par la combinaison de toutes les options dont le développement est techniquement et économiquement réaliste. La priorité est dans les économies d'énergie qui demandent d'importants investissements. Finalement, la technologie offre un potentiel élevé de réduction des émissions de CO2, mais cela exige des choix et des politiques de financement innovants. C’est dans le prolongement de cette réflexion que nous retenons la proposition de transfert de la TGAP.
Pour autant, on a pu constater un défaut de volonté politique, plus particulièrement des pays riches puisqu’il n'y a peu d'accord sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Dans ces conditions, malgré le léger recul des émissions mondiales de CO2 dû en grande partie à la récession économique, l'urgence climatique est toujours aussi présente.
En dix ans, la consommation mondiale de combustibles fossiles s'est accélérée et notamment celle du charbon, qui a doublé. Les énergies renouvelables ont fait une percée mais elles pèsent encore trop peu. Et pourtant, il faudrait que les besoins énergétiques des pays du Sud soient satisfaits avec ces sources d’énergie, or les plus grands besoins en la matière sont en Chine et en Inde, deux pays qui disposent d'importantes réserves de charbon.
Toutes les sources d’énergie ne sont pas équivalentes. Elles ont toutes des avantages et des inconvénients, variables selon leur nature et leur localisation. Le modèle actuel de consommation des pays riches, inscrit dans une logique de toujours plus de croissance, pour toujours plus de profits, ne permettra pas à tous les habitants de la planète de bénéficier du droit d’accès à l’énergie.
Même si les ressources renouvelables se développent à grande échelle, l’obligation pour les pays industrialisés de réduire leur consommation énergétique apparaît comme une priorité incontournable, comme le montrent la plupart des scénarios prospectifs à l’horizon 2050. A elle seule, la modulation de la part de chacune des ressources dans le bilan d’approvisionnement (un peu plus de nucléaire ou d’éolien, par exemple) est loin d’être suffisante pour éviter à la fois la pénurie d’énergie et un réchauffement climatique trop rapide et important.
Il faut maîtriser la demande et le volume d’énergie dépensée. La régulation de la consommation est une question certes de comportement individuel mais surtout de politiques publiques intelligentes. Les collectivités locales ont également des efforts considérables à accomplir, je pense notamment à l’éclairage public. Il s’agit d’économiser au mieux les énergies disponibles sans en priver ceux qui en ont un besoin vital.
Les deux déterminants principaux sont les secteurs du logement et des transports ou le choix des infrastructures entraîne des conséquences sur des dizaines, voire des centaines d’années. Les principaux partenaires de politiques nouvelles ne sont donc plus seulement les entreprises énergétiques mais les consommateurs, les citoyens, les collectivités locales ou territoriales et l’Etat. Tous ces acteurs doivent s’impliquer dans le choix et la mise en place d’une politique de maîtrise énergétique volontariste, fondée sur une décentralisation indispensable des décisions, des programmes et des investissements.
Le bâtiment est le secteur, avec celui des transports, le plus énergivore. En bâtissant des édifices sobres (bâtiments basse consommation ou à énergie positive) et en réhabilitant le parc ancien, ce secteur devient le fer de lance des économies d'énergie. En effet l’utilisation de nouveaux matériaux et de nouvelles technologies, comme les chauffe-eau solaire, panneaux photovoltaïque, micro-éoliennes..., permet non seulement d’économiser l’énergie mais concourt également à la création d’emplois. Lutter contre la précarité énergétique est indissociable de cette réflexion quand plus de 20 % de la population insulaire se débat dans les difficultés et regarde à deux fois avant d’allumer un chauffage, se soigner ou se nourrir.
Enfin, la modération doit prévaloir aussi dans les transports en tenant compte des besoins de mobilité des personnes, de l’efficacité économique et sociale et en combinant amélioration de l’offre de transports et multimodalité, notamment avec le développement du chemin de fer. L’articulation des politiques d’aménagement, de développement et de maîtrise des transports, préconisée nous convient en ce sens que ces politiques ne sont plus abordées séparément mais conjointement en fonction de la portée et de la durée des effets qu’elles peuvent produire.
Le terme de mobilité durable s’érige en rupture avec la démarche de planification des transports, prise uniquement sous l’angle de la croissance économique. En incluant des notions de protection de l'environnement, de démocratie participative, il implique de changer les règles et les processus de décisions afin qu’elles soient éclairées par l'évaluation des risques.
Surexploitation des ressources fossiles, dérèglement climatique et écologique, augmentation des inégalités sociales..., le constat est clair et appelle un nouveau mode de développement. Le concept de développement durable est né de cette prise de conscience il y a un peu plus de 30ans. Les solutions existent. Elles requièrent une éthique nouvelle, des politiques publiques exigeantes mais aussi l'engagement citoyen de chacun.