Un choix politique déshonorant
La non élection de Michel Stefani à la présidence du Conseil de surveillance de la CCM a montré qu'une union, aussi indispensable soit-elle, ne peut être autrement que conflictuelle. Après des semaines de suspens la manœuvre de Paul Giacobbi s'est révélée bien plus stupéfiante qu'on osait l'imaginée.
La frange UMP, la plus anticommuniste dans l'entre deux tours des régionales, a été appelée à la rescousse de ce qui restera, en ce début de mandature, non pas un coup de canif au contrat d'union de la nouvelle majorité mais un choix politique déshonorant pour ceux qui en ont été les protagonistes.
Les représentant(e)s des listes Giacobbi, Zuccarrelli, Renucci au Conseil de surveillance de la CCM ont ainsi préféré le candidat fraîchement débarqué à gauche après un long voyage à droite plutôt que l'élu communiste connu pour son engagement de toujours dans le camp progressiste en faveur notamment du service public.
Cette trahison, le mot n'est pas trop fort, est d'autant plus paradoxale que depuis de nombreuses années, à Bastia et Ajaccio, radicaux, socialistes et communistes constituent des listes d'union de la gauche pour gérer ensemble ces municipalités dont les premiers adjoints sont des élus communistes.
Cela étant, au-delà du non respect des principes politiques, il y a la compagnie, ses 700 salariés et un rapport de la Chambre régionale des comptes dont on peut douter qu'il soit suffisamment pris en compte dès lors que se retrouve à la présidence un des dirigeants auquel l'analyse des magistrats impute certaines carences de gestion.
Au moment où le transport aérien connaît d'importantes perturbations, à l'image d'Air France, l'une des premières compagnies mondiales, le message, délivré par cette triste accession à la présidence, de la CCM, affaiblit la compagnie dont la situation capitalistique et la trésorerie sont préoccupantes.
Quelle crédibilité accordée, en effet, au premier dirigeant de la CCM après avoir entendu de la bouche du président de l'Exécutif que cette fonction était symbolique. Mieux encore Paul Giacobbi, représentant la CTC actionnaire majoritaire, a demandé aux actionnaires minoritaires de ne pas participer à son élection.
Au moment où ce dernier doit s'investir pleinement pour garantir l'avenir de la compagnie, préparer un appel d'offres dans le cadre du renouvellement de la délégation de service public, veiller à renforcer les liens partenariaux avec Air France cet épisode ne créait pas les meilleures conditions pour promouvoir un véritable projet d'entreprise.
Or, l'enjeu essentiel est bien celui-ci alors que la logique libérale de mise en concurrence sur toutes les lignes, avec des avantages non négligeables accordés aux lowcosts, s'accommode difficilement de l'existence de compagnies publiques comme de la satisfaction des besoins sociaux en période creuse. Pour autant, dans le secret de la Commission européenne, de nouvelles directives se préparent pour accélérer l'ouverture du ciel.
Régularité, ponctualité, capacités et sécurité toute l'année voila ce que sont les contraintes de service public qui permettent de surmonter le handicap de l'insularité. Par définition l'objectif premier n'est pas l'octroi de dividendes aux actionnaires mais les déficits non plus, pourtant la déréglementation offre aujourd'hui aux compagnies écrémeuses des pans entiers du service public en sacrifiant la péréquation au détriment des finances publiques.
C'est là, la raison des difficultés qui fragilisent la continuité territoriale par une surconsommation de la dotation devenue insuffisante en moins de six ans après avoir été, dans les 25 années précédentes, excédentaire. Dans ce contexte, bien rares seront ceux qui croiront qu'il n'y avait aucun avantage à ce que la CCM soit dirigée par un antilibéral.
Noël GRAZIANI