Sans mot dire
En septembre le préfet de Haute Corse signera le décret de mise en chantier de la nouvelle centrale de Lucciana. Sa livraison prévue en 2012 devrait permettre d'éviter une rupture comparable à celle de 2005 et d'attendre sans difficulté la réalisation du GALSI à partir duquel le prolongement Cyrène fournira la Corse en gaz pour le fonctionnement de ces deux centrales thermiques.
La centrale du grand Ajaccio devrait démarrer en 2015 2016 au gaz et entre temps celle de Lucciana entrera en service au fioul lourd avec des moteurs de nouvelle génération moins polluant et en tout état de cause selon les normes sanitaires et environnementales qui s'appliquent dans toute l'Europe.
Il y a par conséquent un double objectif d'une part, être au rendez-vous du GALSI et, d'autre part, dans la période transitoire de 3 ou 4 ans, faire en sorte que la Corse ne soit plus plongée dans le noir absolu.
Le plan énergétique, adopté en 2005 par l'Assemblée de Corse après une crise, sans précédent et révélatrice de l'obsolescence du parc de production, anticipait sur le raccordement au gazoduc en soulignant l'urgente nécessité de construire deux centrales thermiques dotées "de moteurs propres convertibles au gaz".
L'Etat qui exerce, en ce domaine, une compétence partagée avec la CTC a inscrit cette délibération dans sa programmation pluriannuelle des investissements (PPI) de 2006, compte tenu de l'urgence, et désigné EDF pour sa mise en œuvre. L'entreprise industrielle, puisque son statut a malheureusement changé, fonctionne selon les principes de la mise en concurrence et recherche, à partir de la commande passée par les pouvoirs publics, la meilleure réponse technique et financière.
L'accuser de vouloir empoisonner la population, avoisinante aux centrales, semble pour le moins excessif et de ce fait peu crédible sinon à vouloir attiser des réactions sans commune mesure avec les risques réels encourus compte tenu de l'évolution des technologies.
S'il fallait retenir l'argument selon lequel il y aurait "mise en danger de la vie d'autrui" une jurisprudence, intéressante, verrait le jour exposant toutes les municipalités qui ont, malgré la proximité des installations industrielles EDF des lieux d'habitation, continué à délivrer des permis de construire.
En comparaison la population bastiaise est aujourd'hui plus exposée aux rejets polluants des moteurs de bateaux de même type que ceux actuellement en service à Lucciana et pour certains navires, de 40 ans d'âge à peine, plus vétustes et fonctionnant au fioul lourd à haute teneur en souffre.
Pour l'instant il ne vient à l'idée de personne de demander la fermeture du port de Bastia ni même de l'aéroport de Porretta où les atterrissages et décollages, aussi nombreux en période estivale contribuent à une forte saturation de l'atmosphère dans un périmètre d'approche bien plus important.
Il est pour le moins étonnant que ceux là mêmes qui dénoncent EDF en l'affublant du qualificatif de pollueur acceptent, sans mot dire, comme un mal nécessaire certaines pollutions notamment celle engendrées par les véhicules.
La Corse fera preuve de maturité dès lors qu'elle assumera comme d'autres régions les effets de ses propres activités humaines. Ici comme partout ailleurs, elles sont facteurs d'améliorations de conditions de vie mais aussi d'atteintes à celles-ci. Les normes européennes permettent d'établir un seuil d'acceptabilité sous lequel, des scientifiques de toutes disciplines, ont considéré qu'elles ne mettaient pas en cause la vie humaine.
La question fondamentale est de savoir si oui ou non nous passons d'un modèle de développement fondé sur la promotion exclusive du tourisme à un modèle alternatif, respectueux de l'homme et de l'environnement, combinant industrie, agriculture et tourisme.
La réalisation des centrales thermiques du grand Bastia et du grand Ajaccio est significative de cette volonté d'engager la Corse dans une voie nouvelle susceptible de maintenir et de créer de l'emploi industriel stable et pérenne pour la construction, le fonctionnement et l'entretien de ces deux outils indispensables à la production énergétique de base dont tous les foyers insulaires ont besoin.
Michel Stefani