la certitude de préparer dans le présent un avenir meilleur pour la Corse.
La loi du 22 janvier 2002, il y a 10 ans, conférait aux élus de l’Assemblée de Corse la responsabilité d’élaborer le Padduc. C’est une compétence majeure confirmée par la loi du 5 décembre 2011. Pour autant, les premiers éléments d’études montrent que 44 % des Corses reconnaissent ne pas être au fait de ce qu’il en est de sa portée et des enjeux qu’il recouvre. En ce sens la communication et de façon plus globale la démocratie locale est un défi au cœur même de son élaboration.
La démarche initiée à travers les Assises du Foncier et du Logement, puis des Assises du littoral confirme que cette dimension a été prise en compte par l’Exécutif dans la concertation élargie qu’il impulse. Cependant, on peut comprendre que, confrontée à des problèmes quotidiens face à des besoins essentiels, beaucoup puissent ne pas mesurer l’importance d’un tel projet pour eux-mêmes.
Pour que cet exercice d’anticipation et de planification soit compris, reconnu et partagé, deux conditions essentielles doivent être remplies : le Padduc doit être perceptible au service de tous et répondre aux attentes légitimes de ceux qui sont en difficulté.
C’est là tout l’intérêt que revêt l’étude d’opinion et bientôt le questionnaire qui d’ores et déjà avec près de 3000 réponses est, non seulement un succès, mais un outil précieux d’aide à la décision. Les enjeux prioritaires définis par les réponses (accès aux soins, gestion des déchets, valorisation des ressources naturelles…) correspondent à ce que nous constatons et que l’on retrouve dans l’exposé de Mr GUIDONI.
Pour résumer, l’économiste nous alerte sur les risques engendrés par un modèle économique appliqué en Corse comme dans les autres îles européennes de méditerranée autour de l’activité touristique promue de manière exclusive avec des variantes de masse et/ou de luxe.
Cette économie de rente, d’avantages fiscaux souvent injustes ou détournés, a généré la précarité, la multiplication des résidences locatives estivales, l’insuffisance du secteur secondaire, l’agonie pour partie de l’agriculture, la frénésie immobilière et ses dérives spéculatives sur fond de grand banditisme et de pratiques mafieuses.
Mr GUIDONI a insisté également sur le phénomène de bulle immobilière dont l’ampleur est d’ores un facteur d’aggravation de la situation. Pour lui l’issue passe par une impulsion déterminée en faveur du secteur productif industriel.
Les Corses sont inquiets de cette situation et affichent, sans surprise, leurs principales préoccupations que sont l’emploi, la santé, le cadre de vie, les déplacements ou encore l’éducation et le logement… Ils font preuve de bon sens et leurs interrogations ramènent à la question sociale et de fait à la réponse à y apporter dans un projet de développement ouvert sur l’avenir.
En cette période de crise profonde du capitalisme, ce retour au concret est plus que nécessaire pour rendre l'essentiel à ceux qui en ont besoin et retirer le superflu à ceux qui en ont trop. Pour nous il s’agit d’un nouveau schéma à la mesure humaine centrée sur la vie, cela suppose des droits nouveaux pour le citoyen dans la cité et l’entreprise, des règles de respect environnemental et la redéfinition du « vivre bien » ou du bonheur qui est toujours selon St JUST une idée neuve.
Cette approche est aussi celle qui remet l’argent à sa place, en tant qu’un instrument de régulation et de coopération non spéculatif pour développer les échanges. La spéculation sur l’eau, les terres communales et ancestrales, les forêts, les semences comme cela se passe aujourd’hui où l’on assiste à un holdup légalisé des biens communs de l’humanité est inacceptable. C’est en ce sens que nous avons été très sensible à l’exposé de Mr PLA sur la création d‘une monnaie complémentaire à partir de ces critères.
Il est donc primordial qu’à tous les niveaux de pouvoir et de responsabilité, il y ait accord sur ce cadrage essentiel. Je pense notamment, au domaine de la santé, du logement et des services publics incluant les transports, l’Education nationale, l’énergie, pour lesquels, indépendamment du Padduc, l’action de l'État doit rester prépondérante. De même il est de sa responsabilité de s’assurer que les réfactions de TVA bénéficient aux ménages, et non aux intermédiaires de la distribution et de la construction.
54 % des Corses sont pessimistes sur la situation sociale de l'île. Comment ne pas l'être, quand un sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. Une société équilibrée, sinon harmonieuse, c'est en premier lieu un contrat où chacun contribue selon ses possibilités à l’expression de la solidarité collective et reçoit selon ses besoins. Le contrat social est nécessaire, selon Rousseau, lorsque les besoins de chacun sont supérieurs à ce que chaque homme peut faire pour y subvenir par lui-même.
Ce principe est le socle du pacte républicain repris par les Résistants dans leur programme mis en œuvre après la Libération et sans cesse attaqué par les libéraux au point qu’aujourd’hui pour satisfaire aux exigences des donneurs d’ordres économiques et financiers les dépenses sociales utiles sont réduites et tout ce qui leur paraît profitable, soumis aux critères des marchés spéculatifs et de la libre concurrence ultralibérale.
Dans ce contexte on ne peut pas s’étonner de l’attente forte de solidarité dans des domaines aussi vitaux que disposer d'un toit, des moyens de vivre dignement, de s'épanouir et se cultiver,… indépendamment du niveau de revenu et de l’âge car se pose avec inquiétude la question du devenir de la génération suivante.
Une société c'est avant tout la répartition juste des richesses et la péréquation dans l’intérêt général bien compris. C’est l’humain d’abord et à travers cette priorité la préservation des conditions de son existence matérielle dans un environnement protégé. C’est ce qui devrait caractériser une civilisation autrement dit l'ensemble des traits qui déterminent l'évolution d’une société soucieuse de l’épanouissement des hommes.
Comment, ne pas être interpellé, quand ces principes qui constituent le « ciment social » sont mis en cause, à plus forte raison sur un territoire impacté par l’insularité. En ce sens le Padduc devra s’attaquer aux inégalités sociales, à la fracture territoriale, aux dérives affairistes et mafieuses.
Les choix doivent ainsi relever de la planification écologique, du progrès social, et de la volonté d’endiguer la pression spéculative immobilière. Ce souci nous le retrouvons dans la forte proportion de personnes interrogées qui se prononcent pour la protection des terres agricoles.
La pire des choses serait de laisser perdurer le scénario actuel qui consiste, en l'absence de règles ou de mécanismes de régulation publique, à laisser « gâcher » de façon irréversible la possibilité d’un rééquilibrage du territoire par une « sanctuarisation » des espaces remarquables et des terres agricoles avec la perspective d’aboutir à une autosuffisance alimentaire susceptible de réduire les importations et les circuits d’acheminement.
Partant de là, il faudra orienter la production immobilière en priorité vers la construction de résidences principales, de logements sociaux, pour rééquilibrer la proportion « résidences principales/résidences secondaires », contenir l'étalement urbain, densifier les espaces déjà constructibles et proposer des aménagements de qualité conciliant accès au logement, aux services et commerces de proximité, aux espaces publics.
Bref, il faut construire et aménager autrement et beaucoup plus pour les hommes… C'est la condition pour que cessent les conflits d'usage qui pèsent sur le foncier, afin qu'agriculture, urbanisation et respect des espaces remarquables ne s'opposent pas, mais s’articulent sur l’objectif du vivre mieux ensemble dans un environnement préservé.
L’intérêt porté à la réalisation des infrastructures d’eau, d'assainissement et routières, au-delà des progrès significatifs enregistrés ces dernières années, tend à le confirmer et également à reconnaître que le rattrapage structurel visé par le PEI n’a pas été atteint.
C'est, ce qu'ont voulu exprimer nos concitoyens dans leurs réponses. Lorsqu'ils nous alertent sur les questions d'assainissement ou d'eau potable, ils expriment aussi leur attachement à un milieu naturel riche et préservé. Lorsqu'ils pointent les infrastructures routières, ils font référence à leur souci de pouvoir se déplacer dans des conditions acceptables en termes de sécurité, mais également en termes de coûts, ou encore de temps de trajet.
Ce qui m'amène à penser qu'améliorer notre réseau routier devra aller de pair avec une politique offensive en matière de transports en commun et d'intermodalité. J'entends par là une bonne articulation entre les transports routiers, maritimes et ferroviaires notamment de marchandises, entre les transports individuels et collectifs. Ceci est d'autant plus important que le prix du pétrole ne cesse d'augmenter et que pour l’instant l’essence en Corse reste scandaleusement plus chère qu’ailleurs.
Il faut également prendre en compte l’exigence d’un nouveau modèle de développement pour l’intérieur de l’île, où s’affirme la volonté de vivre, de valoriser le patrimoine, l’identité et l’histoire. C’est aussi une façon de revendiquer un espace dans lequel on doit pouvoir travailler, habiter et accéder aux services publics indispensables (santé, éducation, etc.).
Ceci d'autant plus que les villes ne disposent plus de capacités foncières pour construire des logements à prix accessibles, et que les zones péri-urbaines s'assimilent souvent à des « cités dortoirs ». S'il est vrai que nous sommes loin du maintien des équilibres territoriaux, il convient d'inscrire le Padduc dans la perspective de ce rééquilibrage.
Deux voies peuvent être explorées dans le prolongement des Assises :
· Celle d'un maillage d'équipements et de services publics en milieu rural, en lien avec un projet de développement proposant la relance de l'activité agricole, de l'artisanat et des potentialités de la montagne corse. À cet égard, nous devrons travailler à un grand plan de valorisation de la montagne et ne plus focaliser exclusivement sur le littoral.
· Celle d'une solidarité financière et économique entre les territoires producteurs de richesse, et ceux qui n'ont que trop longtemps subi les effets de la dévitalisation. Il nous faut, sur ce plan, réfléchir à une véritable péréquation fiscale assise sur une fiscalité corrective et antispéculative et pour le coup de faire usage de notre capacité d'adaptation réglementaire et législative.
Les priorités définies sur une génération, ou les 20 prochaines années, invitent à concentrer les efforts sur l'accès aux soins et à l'emploi, ce qui est tout aussi fondamental que de répondre aux attentes en matière de logement.
C’est dans ce cadre que s’affirme la volonté de préserver et de valoriser l’identité dans tout ce qu’elle détient de positif pour unir plutôt que diviser ou stigmatiser la personne aux origines différentes. Toute réflexion sur le développement d’une société moderne ne peut faire l’impasse sur cette articulation entre singularité et pluralité pour produire un sens commun à tous ceux qui ont choisi de vivre sur cette même terre et qui en constitue pour nous le peuple sans distinction d’origine.
En revanche il faudra s'interroger sur la place réservée aux questions comme la préservation des ressources naturelles, l'autonomie alimentaire et énergétique, le développement de l’économie de la connaissance, plutôt mal classés dans l’étude. Il faudra démontrer que l'avenir, notamment en termes de « mieux vivre » et d'emploi, se déclinera aussi autour de ces sujets qui seront déclinés dans le nouveau Padduc.
Enfin l’étude montre que la « lowcostisation » de la société insulaire est plutôt mal vécue et que pour faire face aux grands défis régionaux, les Corses font plus confiance au secteur public qu'au privé. Le message qu'il nous faut retenir de ce positionnement en faveur du secteur public, c'est que les services et ou biens fondamentaux ne peuvent être relégués au simple rang de marchandises.
La puissance publique doit donc en être le garant et en assurer un accès équitable pour tous. Les Corses nous incitent à apporter de la régulation publique, là où la seule loi du marché, dans une île très attractive et objet de nombreuses convoitises, génèrent plus d'inégalités et, par voie de conséquence, une déstructuration sociale qui nourrit le repli sur soi.
C’est vrai en Corse comme dans le reste du pays. Car pour nous il n’y a pas de confusion dans le rapport avec la France celle des Bouygues Bolloré ou Bettencourt n’est pas celle de l’ouvrier de Peugeot licencié dont nous nous sentons proches et sommes solidaires.
Partant de cette analyse nous proposons de changer de direction, de faire le choix d’un développement productif créateur d’emplois stables et de poser les bases d’une telle société de progrès humain, non pas par incantation mais parce que la priorité serait, dans notre visée, de satisfaire aux besoins vitaux de nos concitoyens les plus en difficulté. C’est selon nous la certitude de préparer dans le présent un avenir meilleur pour la Corse.