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Michel Stefani

« Ce qui est condamnable, c’est le dispositif libéral qui entretient la concurrence déloyale en la subventionnant »

23 Novembre 2011

La desserte maritime entre la Corse et le continent est une nouvelle fois sous les feux de l’actualité après l’annulation par la juridiction administrative de la délégation de service public (DSP) attribuée aux compagnies CMN SNCM et attaquée par leur rivale Corsica Ferries.

Interview de Michel STEFANI parue dans Le Petit Bastiais n°401

Quels enseignements tirez-vous de la décision de la Cour d’appel administrative ?

Pour ceux qui en doutent encore c’est une nouvelle démonstration de la nocivité des conditions de la mise en concurrence ultralibérale contraire aux besoins de la Corse. La CTC autorité délégante n’a plus le contrôle de la mise en œuvre de la desserte de service public qu’elle finance avec la dotation de continuité territoriale versée par l’Etat chaque année pour ce faire. Depuis la fin de la convention de 1976, en 2001, tous les appels d’offres ont fait l’objet de recours, la plupart du temps de la Corsica Ferries, tendant tous à exacerber la concurrence, dans des conditions d’autant plus contestables que l’aide sociale vient subventionner l’écrémage de la délégation de service public au départ de Toulon selon les principes du low cost.

Vous dites que la concurrence est mauvaise pourquoi ?

Non je dis que le libéralisme est mauvais. L’existence de deux dispositifs concurrentiels favorisant la venue de nouveaux entrants, dispositifs voulus à l’époque par l’ancienne majorité régionale, que nous avons combattu seuls, en précisant ce qui allait se passer, a atteint ses limites avec un déficit de 20 M€ en moins de six ans. La dessus s’ajoute la certitude qu’à chaque appel d’offres la CTC sera menée au contentieux. Comble de la situation, la guerre commerciale, tarifaire à la quelle les opérateurs se livrent, non seulement ne procure aucun avantage aux usagers, mais conduit à ce que les capacités soient en définitive 3 fois supérieures au nombre de passagers transportés.

Comment justifier l’extension de la DSP ?

Par l’analyse des choses, le déséquilibre financier de la DSP découle du dispositif actuel comme le soulignent les magistrats de la Chambre régionale des comptes. Dans ces conditions ce qui est condamnable, ce n’est pas la clause de garantie d’équilibre prévue dans la convention, mais bien ce dispositif libéral qui entretient la concurrence déloyale en la subventionnant. Se pose par conséquent la question de l’extension de la DSP de l’élaboration d’un règlement d’appel d’offres et d’obligations de service public dans le cadre d’un seul service soumis aux règles du pavillon national de premier registre.

Les délais imposés sont courts, les opérateurs s’en plaignent ?

C’est assez surprenant d’entendre les dirigeants de Corsica Ferries crier victoire en expliquant qu’ils ont eu la peau du service complémentaire et réclamer plus de temps pour se préparer alors qu’ils connaissent bien les caractéristiques de la desserte. En réalité ce qu’ils veulent c’est la partie la plus profitable de la desserte, qu’ils écrèment aujourd’hui, sans être obligés d’investir à hauteur d’un cahier des charges de la DSP incluant les fréquences et les capacités actuelles en fret et en passagers pour toute l’année avec les pics de trafic liés aux vacances scolaires et à l’été.

Que proposez-vous ?

Dans l’immédiat il faut engager le travail de remise à plat, non pas pour diminuer encore le service public, mais pour le sécuriser, pour préserver les finances de la CTC, pour empêcher que la desserte de la Corse ne soit l’eldorado des pavillons de complaisances et des low cost, enfin pour prévenir une catastrophe sociale car des centaines d’emplois et de familles sont concernées. Le directeur de la SNCM avance le chiffre de 800 postes, affectés au service complémentaire, et mis en péril par la décision des juges et l’acharnement des dirigeants de Corsica Ferries contre la SNCM.

La CTC aura-t-elle les moyens d’éviter les révisions déchirantes ?

L’enveloppe de continuité territoriale, gelée par le gouvernement depuis 2009, réduit chaque année, au moment même où les besoins du service publics demandent plus d’engagement de l’Etat. C’est la vérité. Air France et Air Corsica font une offre à 108 M€, prés du double par rapport à la précédente DSP alors que la desserte maritime montre un besoin à plus de 120 M€. Il y a par conséquent une réflexion à avoir avec l’Etat, non pas pour toucher aux compétences de la CTC mais au contraire pour qu’elle puisse véritablement les assumer, avec les moyens nécessaires et dans des conditions réglementaires favorables au service public. D’autre part cette réflexion doit porter sur le rôle des entreprises nationales en Corse en termes d’aménagement et de développement du territoire. Cette double exigence s’entend au sens de la responsabilité de l’Etat à l’égard de la Corse s’agissant de la solidarité nationale et du respect des principes structurants du pacte républicain.

Propos recueillis par Olivier MORGE

 

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