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Michel Stefani

Les enjeux du 7 juin

4 Juin 2009

Intervention de Michel STEFANI au meeting de fin de campagne de la liste du Front de gauche à Bastia le 2 juin 2009

A moins d'une semaine du scrutin pour le renouvellement du Parlement européen, la campagne électorale est sur le point de se conclure sans que les enjeux essentiels aient été véritablement abordés.

Les tenants du OUI au Traité constitutionnel de 2005, le fameux Traité Giscard Sarkozy, se sont confortés dans cette mascarade. UMP, PS, Modem ont en effet affiché leurs ambitions mais comme un scrutin peut en cacher un autre, c'est de la présidentielle dont il a été question.

Sarkozy à Nîmes le 4 mai a ouvert la campagne de l'UMP s'imposant comme le chef d'orchestre de toute la droite, il a défendu son bilan à la tête de l'Union Européenne pendant le dernier semestre 2008.

Bayrou, lui, avait anticipé avec un pamphlet, abondamment relayé par les éditorialistes de la pensée unique, dont l'objet était précisément d'apparaître comme "le plus dur opposant" au Président de la République.

Ce faisant, celui qui a été de tous les gouvernements de droite ou presque, joue d'une pierre deux coups. Le PS l'a reçu en pleine figure. En panne stratégique après avoir temporiser, il s'est trouvé dans l'obligation d'abandonner son antisarkosysme peu crédible.

Du coup ses dirigeants ont occupé les ondes pour passer à l'offensive, non pas contre la droite, mais contre la gauche avec un argument qui n'a rien de programmatique dans la bouche de Martine Aubry "aucune liste sous les 9 % n'aura d'élu par conséquent le seul vote utile contre Sarkozy c'est le vote PS".

François Hollande qui "n'y pense pas qu'en se rasant", a lancé un appel à tous les socialistes avec une seule idée en tête le résultat. Peu importe si les parlementaires socialistes européens votent les textes les plus libéraux sans sourciliers, il faut limiter la casse, empêcher Bayrou d'avoir un autre statut que celui de bon troisième dans la course à l'Elysée et poursuivre la bipolaristaion de la vie politique.

Avec Cohn Bendit, autre partisan du OUI en 2005, il existe, sur fond de concurrence libre et non faussée, derrière le mini Traité de Lisbonne, un intérêt commun à empêcher les travailleurs, les étudiants, les chercheurs, les personnels de santé, les fonctionnaires, les gaziers électriciens, les retraités, ces femmes, ces hommes ces jeunes, confrontés aux fins de mois difficiles, de faire le lien entre leur situation et les décisions politiques qui y ont conduit.

Par ces temps de crise c'est bien de ça qu'il est question, de la pression sur les salaires avec la directive Bolkestein et le projet de statut d'entreprise européenne, de la baisse des dépenses publiques avec les critères de convergence et la réduction des déficits de l'Etat, de la libre circulation des capitaux, de la déréglementation sociale, fiscale et économique, de la politique agricole commune contraire à l'agriculture familiale et la pêche artisanale...

Telles sont les raisons qui font que le débat a été escamoté et déporté sur un terrain qui n'intéresse pas celles et ceux qui souffrent de la baisse du pouvoir d'achat, des délocalisations, des licenciements, de la pénurie de logement social, de la mise en cause des prestations sociales et de santé.

Oui il y a bien un piège et si il fonctionne, avec l'abstention ainsi recherchée, il confortera les libéraux en Europe et l’UMP dans notre pays à laquelle on annonce un résultat triomphal au regard des deux précédents scrutins et de la situation économique et sociale désastreuse.

Nous sommes loin des propos de Villepin laissant croire que la France serait en situation "pré insurrectionnelle". Oui il faut lire les éditorialistes du Figaro, des Echos ou de Nice Matin, ils ne s'y trompent pas. Pour eux l'UMP à 26 % c'est inespéré et surtout ce serait un encouragement formidable dans un Parlement majoritairement à droite.

Alain Duhamel écrit dans Nice Matin du 23 mai "Il est inhabituel que le parti au pouvoir échappe ainsi au vote sanction...L'enjeu de la deuxième étape consistera évidemment à maintenir le même rythme d'action et à préparer le plus fermement possible la sortie de crise";

La proposition d'amendement du député Lefebvre, porte parole de l'UMP, tendant à faire travailler les salariés en arrêt maladie ou accident du travail, au-delà de son aspect résolument provocateur, est significative de la réflexion qui se développe dans les allées du pouvoir pour l'après 7 juin.

Pied au plancher, avec un Medef en embuscade, la droite entend poursuivre la RGPP, les lois Darcos, Bachelot et Pécresse, la réforme des collectivités locales avec l'allègement des obligations fiscales et sociales des entreprises, la disparition de la Taxe professionnelle seule contribution des entreprises aux investissements d'intérêt général.

Dans le même esprit elle poursuivra un plan de relance de l'économie d'autant plus favorable aux banquiers et aux gros industriels qu'aucune contrepartie pour l'emploi, les salaires, la formation n'est et ne sera demandée.

Les structures que Sarkozy met aujourd’hui en place constituent le socle du profit individuel et du malthusianisme social le plus injuste avec de surcroît la liquidation de la notion de service public et des principes qui s’y rattachent. Les conséquences seront lourdes pour la Corse.

Après quoi nous dit-on, il faut "moraliser le capitalisme" Michel Barnier tête de liste en Ile de France, futur commissaire Européen, explique avec un aplomb stupéfiant que l'époque du "libéralisme débridé" est terminée que nous sommes entrés dans celle du "libéralisme régulé".

Dans une longue tribune de fin de campagne, publiée ce dimanche par le Figaro et Die Welt, Sarkozy et Merkel ont enfoncé le clou, tout tient en une phrase, je cite "Dans le Traité de Lisbonne, l'Union s'engage expressément en faveur d'une économie sociale de marché hautement compétitive".

Et d'ajouter "Nous appelons l'Union européenne à prendre dès le mois de juin les premières décisions pour assurer une véritable régulation européenne dans le secteur financier". Pour résumer, selon ces reconvertis du libéralisme, il suffirait d'écarter du système "quelques brebis galeuses" afin que tout rentre dans l'ordre comme si le système lui même n'avait atteint un point de non retour.

Comment pourrait-on leur accorder crédit quand nous apprenons par exemple que Berlusconi, l'ami de Sarkozy et de Merkel, contrôle 74 sociétés off shore dans tous les paradis fiscaux du monde.

Une fois encore ils se moquent de nous. Souvenez-vous avant cette crise sans précèdent, dans laquelle ils portent une écrasante responsabilité, ils nous expliquaient qu'avec "l'autorégulation du marché" nous avions atteint la quintessence du système capitaliste.

Les déclarations des dirigeants du G 20 "pour tout changer afin que tout redevienne comme avant" confortent cette analyse tout autant que les gratifications scandaleuses, les parachutes en or, les bonus, les primes au départ, encore distribués y compris dans les sociétés où l'argent public coule à flot.

Les régimes spéciaux de retraites des patrons du CAC ont quelque chose de sulfureux mais dans ce cas les Juppé, Fillon, Villepin, et autres Bayrou, comme Sarkozy et Parisot contiennent leur désapprobation pour n'être, dans le meilleur des cas, que choqués.

Que n'ont-ils dit à propos des cheminots et des électriciens parlant de privilèges et de rente de situation injustifiables en comparaison des salariés ne bénéficiant pas de statut spécifiques.

Ces gens là ne reculent devant rien, ils savent faire preuve de cynisme car rien ne peut justifier qu'un homme, fut-il PDG d'une grande entreprise, puisse partir avec une retraite lui garantissant un revenu annuel équivalent à la rémunération durant plusieurs siècles d'un travailleur payé au SMIC.

Mais il faut bien voir que cette rémunération est devenue au fil des ans, non pas une exagération irresponsable, mais une grille de reconnaissance des performances de gestion dans la financiarisation de l'économie mondiale.

Cette fameuse mondialisation capitaliste prétendument supérieure à tout autre système dont l'effondrement vient de se produire devrait se solder pour l'ensemble des peuples de la planète par une ardoise de 22 000 milliards de dollars et 20 à 25 millions de chômeurs en plus dans les 3 ans. 9 millions en Europe.

Incontestablement il y a un approfondissement de la crise avec une explosion du chômage et de la pauvreté. Tous les indicateurs confirment cette tendance lourde, des centaines de milliers d’hommes et de femmes vont plonger dans la précarité et la pauvreté.

Cette aggravation de la situation économique n’a d’égale que la détermination du patronat et de la droite à faire payer aux salariés le prix de la crise pour préserver leurs profits.

Comment ne pas être scandalisé quand, par exemple, deux informations tombent quasiment en même temps. D’un côté celle d’un patron qui propose à des salariés d’aller travailler en Inde pour 69 euros par mois, et de l’autre le quotidien Les Échos qui titre : "La Bourse de Paris efface ses pertes de l’année", avec un CAC 40 qui gagne près de 30 % en deux mois.

La course aux rendements financiers a repris, alors que la production de biens et de services continue de se dégrader lourdement dessinant des perspectives économiques sans cesse revues à la baisse par Bercy.

Dans un système où la part des dividendes, dans la valeur ajoutée, a plus que doublé en quinze ans pour passer de 7 % à 16 % en 15 ans, cette suraccumulation des profits accentue le phénomène bien connu selon lequel "les riches s'enrichissent quand les pauvres s'appauvrissent".

En écho à cette situation, les dernières études de l’INSEE révèlent que le nombre de pauvres (le seuil est à moins de 880 euros par mois) était de 7,9 millions, soit 13,2 % de la population en 2006, contre 11,7 % en 2004. Une pauvreté qui touche plus de 30 % des familles monoparentales constituées pour 80 % des cas par une femme et ses enfants. Des chiffres d’avant crise, je vous laisse imaginer la situation aujourd’hui...

Ainsi la profondeur de la crise est le résultat de l’effondrement des revenus salariaux et de l’envolée de la rémunération du capital. Or, c’est bien à cela qu’il faut s’attaquer en relevant massivement les salaires, comme le nombre et la qualité des emplois.

La détermination du patronat et de ses relais politiques à préserver leurs privilèges, heurte donc frontalement les attentes populaires. Cela se traduit par un bras de fer durable entre ce pouvoir et les forces sociales du pays qui, dans leur majorité, refusent les choix gouvernementaux et exigent un changement de cap.

Le caractère unitaire des mobilisations est inédit depuis des décennies comme l'opiniâtreté des luttes. 29 janvier, 19 mars, 1er Mai, 26 mai, leur intensité n'a pas baissé et le 13 juin se prépare déjà avec autant de détermination et autour de la même idée : "La crise c’est eux, la solution c’est nous".

Le soutien de l’opinion publique très large témoigne de la compréhension comme des inquiétudes. Personne ne se sent à l'abri en Corse comme partout ailleurs puisque aujourd'hui la seule grande entreprise industrielle de l'île CCA enregistre une inquiétante baisse de ses commandes.

Ange Santini et Camille de Rocca Serra n'ont rien vu venir, mieux encore ils nous ont expliqué que les effets de la crise seraient amortis. Curieuse vision des choses quand on sait à quel point la précarité, les bas salaires et la cherté de la vie affectent la vie quotidienne des ménages populaires en Corse.

En ce sens la passivité des pouvoirs publics devient insupportable quand chaque année des millions d'euros de réfaction de TVA sur l'essence, les produits de consommation courante, ne sont pas répercutés en faveur des consommateurs dont c'est pourtant la destination.

De même, le patronat local dit qu'il ne peut pas les revaloriser les alaires mais depuis des années, nous ne parlons pas des entreprises uninominales, nous parlons des entreprises de plusieurs salariés, avec les mesures Balladur de 1993, la zone franche de 1995, les allègements de charges pour les 35 heures en 98, le crédit d'impôts en 2003, en moyenne, elles ont perçu 100 millions d'euros d'aides publiques par an.

Les notes de conjoncture du Trésor public révélaient en 2005 une forte propension des entreprises insulaires à thésauriser et de constater un taux de rentabilité du capital très élevé à près de 27 %. Cela est à rapprocher de l'écart dans les déclarations de revenus entre la tranche des ménages aux revenus les plus élevés et celle aux revenus les plus bas, la même année il était de 7,5 soit un demi point de plus que la région Ile de France.

Ainsi entre 1987 et 2007 le nombre de contribuables à l'ISF en Corse a été multiplié par cinq. Voila pourquoi toutes les candidatures ne sont pas identiques dans cette élection comme dans toutes les autres.

On ne peut pas au prétexte de vouloir un représentant de la Corse au parlement européen ignorer si celui-ci ou celle-ci siègera avec la droite, les sociaux démocrates où le Front de gauche.

Pour ma part je reste convaincu qu'il y a une différence entre un parlementaire communiste et un parlementaire UMP. L'un parce qu'il combat cette politique qui creuse les inégalités en Corse l'autre parce qu'il contribue à sa mise en œuvre. L'un défendra le SMIC à 1 600 € l'autre le bouclier fiscal pour les milliardaires.

De la même façon on ne peut résumer les enjeux de cette échéance à la seule volonté de faire avancer "en priorité la question de l'autodétermination du peuple corse" en expliquant que le NPA est actuellement le parti, au plan national, qui va le plus loin dans cette voie.

En réalité le NPA de Besancenot parle d'autodétermination plutôt que d'indépendance. Or, c'est bien à travers ce dernier terme qu'il faut apprécier la définition du service publique, la péréquation tarifaire, l'égalité de traitement des citoyens dans un cadre national où la solidarité peut d'autant mieux s'exprimer que la diversité culturelle y est respectée.

Et que dire de ces affiches qui prônent l'Europe des peuples et des travailleurs en oubliant la corsisation des emplois et le mot d'ordre IFF aussi xénophobe que diviseur puisqu'il oppose, au nom de leurs origines différentes, les travailleurs corses et continentaux.

Mieux encore, Alain Mosconi lors d'une émission sur FR3 s'en est pris au ministre communiste des transports en déclarant qu'il était à l'origine de la privatisation de la SNCM. Curieusement nous n’avons rien entendu à propos de CFF, habituée s’il en est des paradis fiscaux et concurrent direct du service public.

Pourtant, la recapitalisation de la SNCM, initiée en 1999 par Jean Claude Gayssot tout comme la commande de deux navires, le Paoli et le Casanova, avait été combattue par les dirigeants de CFF, Monsieur Lota en tête.

Par conséquent, soit le leader du STC a la mémoire défaillante soit il veut tromper les auditeurs en sachant pertinemment que la privatisation de la SNCM, avec Buttler et Veolia les amis de Dominique Villepin, est intervenue alors que ce dernier était premier ministre.

Que cela plaise ou non, les communistes combattent cette politique résolument sans se tromper d'adversaire. Car en Corse, la déréglementation dans les transports menace directement 3 000 emplois comme la PAC menace plus de mille exploitations familiales et les 200 artisans pêcheurs.

La prochaine programmation Etat Région Europe en 2013 formalisera le principe du "faire mieux avec moins de dotations" et surtout avec obligation de respecter les objectifs établis par la Commission de Bruxelles en fonction des plans stratégiques de chaque Etat.

Personne de sérieux ne peut valablement soutenir que Monsieur Barrot, homme de droite s'il en est, nommé à la Commission par Nicolas Sarkozy pour y représenter la France serait en désaccord avec celui-ci sur la politique mise en œuvre par l'Europe. Par conséquent il faut combattre cette politique à tous les niveaux en Corse, à Paris et à Bruxelles.

A l'Assemblée de Corse vous le savez les élu(e)s du Groupe communiste républicain et citoyen sont la seule véritable opposition de gauche, à l'Assemblée nationale les députés communistes et du Parti gauche viennent de défendre trois propositions de loi pour arrêter le scandale de l'argent facile, pour faire face aux urgences et opposer un bouclier social à la politique libérale de la droite. Enfin au parlement européen les communistes ont fait échec à la directive portuaire, à l'allongement de la durée hebdomadaire du temps de travail, ils s'opposent fermement au Traité de Lisbonne.

Tels sont les enjeux de ce scrutin du 7 juin et la seule nouveauté, à cette occasion, réside dans la volonté politique de promouvoir une démarche unitaire pour rassembler le plus largement possible afin de mettre en échec les tenants de l'Europe libérale. Cette nouveauté elle est incarnée par le Front de gauche dont les trois composantes PCF PG et GU ont su faire prévaloir le fond politique sur l'esprit partisan contrairement au NPA de Besancenot qui a refusé de s'inscrire dans cette démarche unitaire.

C'est regrettable, car effectivement il ne suffit d'aller devant les entreprises, entouré de caméras, pour combattre les délocalisations, les licenciements boursiers, la casse industrielle il faut également savoir créer les conditions politiques les plus favorables aux travailleurs dans un contexte donné.

Dans ce cas, celui d'une échéance électorale, il fallait, comme le proposait le PCF en octobre dernier, se rassembler afin d'élargir le débouché politique aux luttes, au mouvement social et populaire. Par conséquent, il s’agit d’élire des députés utiles, des combattants contre les politiques libérales. Ainsi, d'ici dimanche, il faut détruire l’argument selon lequel il serait inutile de voter pour ce que certains appellent avec mépris les "petites listes".

A la proportionnelle chaque voix compte. La liste du Front de gauche conduite par Marie Christine Vergiat avec Dominique Bucchini peut gagner ce 7 juin 2009 le siège perdu en 2004 pour 30 000 voix sur une circonscription qui compte 7 millions d'inscrits.

Cette présence, qui, viendrait renforcer le Groupe de la gauche unitaire européenne, au Parlement serait utile pour les luttes, utile pour influencer la construction européenne dans l'intérêt des peuples et des travailleurs, de la solidarité et de la paix.

Cher(e)s ami(e)s, cher(e)s camarades, comme en toute élection désormais, les prochains jours vont peser lourd dans le résultat car nombre d'électrices et d'électeurs ne sont toujours pas décidés. Le choix définitif se fera pour beaucoup maintenant, voir le jour même.

Plus nous multiplieront les contacts, les discussions, plus nous augmenteront les chances d'avoir des élu(e)s. Après plus de deux mois de campagne nous avons réussi à briser la chape de plomb médiatique posée sur le Front de gauche.

Il faut à présent augmenter d'intensité avec confiance et espoir car cette dynamique que nous avons su créer est susceptible d'ouvrir une perspective neuve pour battre la droite, vivre mieux en Corse et changer d'Europe.

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