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Michel Stefani

Six millions d'euros pour les low costs

22 Juillet 2008

A en croire le Canard enchaîné du 2 juillet la Corse se serait "invitée" au Conseil des ministres du 25 juin précisément sur la question des Low costs.

Apparemment le Président de la République aurait perdu son sang froid en expliquant qu'il fallait "casser les lobbies pour libérer les compagnies à bas coût" afin qu'elles puissent se poser en "Corse comme partout ailleurs". Sans déroger à son habitude qui consiste à inverser le sens des mots, les lobbies qui lui sont insupportables sont en fait le service public et dans le cas présent Air France et la CCM.

Le Secrétaire d'Etat au transports lui aurait répondu "Vous l'avez déjà dit lors de votre voyage en Corse nous aurons bientôt des propositions à vous faire". Bien sur il s'agit d'indiscrétion sujette à caution mais nous avons tous en tête ce voyage mémorable en Corse, le 28ème ou le 29ème, et d'un rare mépris pour cette Assemblée.

C'est ainsi que le Président de la République, sans doute troublé par sa rencontre avec les représentants de Chambres de commerce (CCI), s'était étonné, devant les élus de l'Assemblée de Corse, qu'on ne "puisse pas venir en Corse pour 30 €" en insistant sur un usage inadéquat des 187 M € de l'enveloppe de continuité territoriale.

Il avait averti qu'il serait particulièrement attentif à ce dossier, voila donc comment l'Assemblée de Corse était invitée à débattre le 11 juillet, sous un regard présidentiel vigilent, quelques jours seulement après l'adoption, avec un seul avis contre celui des élu(e)s communistes et apparenté(e)s, d'obligations de service public (OSP) qui par l'augmentation des tarifs notamment sur Paris sont déjà une aubaine pour les compagnies à bas coûts.

Il s'agit bien d'une même politique des transports et plus largement d'une politique reposant sur la seule promotion de l'activité touristique avec les limites que nous lui connaissons depuis 30 ans. Indépendamment de l'échec social avec une grande précarité et une pauvreté en augmentation, cela se mesure également à travers les données statistiques de la fréquentation touristique.

En premier lieu cette fréquentation est spécifique avec 30 % de visiteurs étrangers contre 70 % de continentaux parmi lesquels de nombreux Corses qui profitent des vacances annuelles pour revenir chez eux. Autre aspect qui contredit la volonté de faire un pont d'or à ces compagnies très consommatrices de fonds publics, non seulement il y a une chute de la fréquentation touristique étrangère de prés de 10 % en 20 ans, ce qui constitue une tendance lourde, mais celle-ci se porte essentiellement sur l'aérien où depuis toujours la présence charters s'est développée.

Plusieurs compagnies opèrent en effet pendant la période estivale, telles que Transavia, Happag Lloyd, Germanwings, offrant plusieurs rotations par semaine à des tarifs se situant en moyenne dans les 200 euros aller-retour. Jusqu'à ce jour elles n'ont jamais demandé de subvention.

Que se passe-t-il alors ? Pour une courbe de volume qui s'aplanit à 2 400 000 passagers aériens en 10 ans sur lesquels on compte 192 000 étrangers en moyenne. L'Italie l'Allemagne et l'Angleterre représentent l'essentiel. L'Italie arrive en tête avec 40 % mais sans connexion aérienne directe. Sur une distance relativement courte ceux qui souhaitent venir en Corse avec leur véhicule le font en effet en bateau.

On peut toujours le déplorer et comparer la desserte aérienne italienne entre la Sardaigne et le continent italien, la comparaison n'est pas très sérieuse dès lors que la nature des échanges est différente. Le marché domestique entre la Sardaigne et l'Italie se construit à partir d'une population insulaire de 2 millions d'habitants celui de la Corse à partir de 280 000.

S'agissant de l'Allemagne et de l'Angleterre les flux sont stables depuis dix ans. Partant de là, il faudrait "inscrire la Corse dans les courants de croissance des marchés et renforcer la compétitivité de la destination". Tout en précisant qu'il s'agit "d'une des valeurs économiques sûres, sans risque de délocalisation". Or si ce risque n'existe pas celui du retournement de conjoncture demeure et justement nous nous y trouvons.

Il y a une crise internationale qui dure et une baisse significative du pouvoir d'achat. Mis à part Easy jet, Ryannair ou Fly be, les opérateurs à bas coûts n'ont pas de gros moyens et se cantonnent sur des services saisonniers. En ce moment, ils sont particulièrement vulnérables avec l'envolée du prix des carburants qui ne s'arrêtera pas dans les deux prochaines années.

S'il on s'en tient à celui que nous connaissons le mieux parce qu'il a fait acte de candidature sur la desserte de service public, à savoir Easy Jet, l'exigence va bien au-delà des 10 € proposés par billet aller retour émis. Il y a d'abord la période probatoire plus ou moins longue durant laquelle, argent public ou pas, l'opérateur est le seul maître et peut, en fonction des critères de rentabilités qui lui sont propres, décider d'arrêter une liaison du jour au lendemain.

Ensuite, il y a le risque d'OPA sur les lignes les plus attractives du service public avec un risque évident d'optimisation des moyens et comme dans le maritime un double financement qui fait que la Collectivité territoriale de Corse (CTC) paye pour organiser le service public tout en mettant en place parallèlement une concurrence qu'elle finance aussi. C'est ce qui se passe avec la Corsica Ferries qui perçoit 15 à 20 M € par an au titre de l'aide sociale pour faire concurrence à la SNCM et à la CMN.

Du point de vue de l'utilisation de l'enveloppe de continuité territoriale on peut faire mieux surtout quand on explique qu'elle ne suffit plus. S'agissant des low costs ce sont prés de 6 M € sur trois ans qui sont engagés. Les CCI géreront sans apport de leur part, cette compensation de la taxe sur les transports, offerte aux low costs. Présentée comme une opération blanche l'expérience de trois ans non renouvelable à de fortes chances de ne pas l'être sur ce marché stable et étriqué car cette supposition repose sur l'augmentation du nombre de passagers étrangers.

Ainsi, à données constantes, on peut penser que les économies, obtenues sur l'enveloppe de continuité territoriale par l'augmentation des tarifs sur la desserte publique de Paris, serviront à financer pour partie cette politique. Par conséquent, les usagers du service public paieront les avantages concédés aux compagnies écrémeuses de trafic pour une hypothétique amélioration de la fréquentation touristique.

Un "nouveau tourisme" est attendu, nous dit-on, plus "conforme à la réalité du marché", offrant des courts séjours à une clientèle fortunée pour laquelle "l'idéal serait de pouvoir venir toute l'année passer un week-end en Corse" en vivant à Birmingham, Düsseldorf ou Vienne.

Sans revenir sur l'instauration en 1994 de la fameuse taxe sur les transports, que les élus communistes seuls ont combattu, précisément parce qu'elle était injuste socialement et économiquement mauvaise, on peut ainsi apprécier la démarche de la majorité régionale de droite aux commandes depuis 1984.

Michel STEFANI

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