Analyse des élections municipales et cantonales
En Haute Corse le PCF progresse en voix et en pourcentage. La gauche enregistre une forte poussée. La droite subit un revers. Les autonomistes partisans d'un "nationalisme modéré" confirment. Les nationalistes prônant "la lutte armée" reculent.
Les résultats des élections municipales et cantonales indiquent que face aux difficultés de leur vie quotidienne, à la politique de la droite au pouvoir qui les amplifie, en Corse comme dans tout le pays, les électrices et électeurs ont majoritairement porté leurs suffrages sur les candidat(e)s de gauche. Cela se vérifie aux municipales à Bastia où la liste d'union de la gauche est largement en tête, mais également à Furiani, à Biguglia ou à Borgo où les listes d'union de la gauche enregistrent des résultats qui témoignent de la dynamique impulsée par l'accord des trois partis de gauche dès le mois de décembre dernier.
A Bastia l'opération de recomposition politique autour du centre droit et du pôle nationaliste "modéré" a échoué. Les bastiaises et les bastiais ont montré leur attachement à la municipalité de gauche en place depuis 1968. Elle comptera désormais 7 élu(e)s communistes dont 3 adjoints réglementaires et un délégué du maire à Cardo. A Furiani, il y aura 4 élu(e)s dont un adjoint réglementaire et un adjoint spécial. A Biguglia et à Borgo les élu(e)s communistes ou apparenté(e)s siègeront dans l'opposition après les bons résultats obtenus dans ces fiefs de droite avec respectivement 37 % et 23 %. On s'aperçoit ainsi que la dynamique d'union aux municipales n'a pas été entravée par la diversité de candidatures à gauche aux cantonales au contraire et que le PCF a largement contribué au succès de la gauche.
Engagé(e)s dans 9 cantons sur 16, les candidat(e)s communistes ont ainsi rassemblé 3307 suffrages soit 435 voix de plus qu'en 2001 dans les mêmes cantons. Avec une audience à 11,23 %, ils enregistrent en net redressement par rapport à la présidentielle et aux législatives. Sur 7 des 9 cantons l'audience des candidat(e)s communistes se situe entre 9 % et 18,5 %. Un seul canton est sous les 5 % et un autre légèrement au dessus de 6 %. Dans la première circonscription de Bastia, sur les 7 cantons renouvelables la progression est de 1891 voix et près de 7,7 % par rapport au scrutin de juin 2007. Enfin, avec 1377 voix sur les quatre cantons de Bastia (10,88 %) et 2359 voix (14,31 %) sur la Communauté d'agglomération c'est le rôle des élu(e)s communistes et la deuxième place du PCF en tant que force de gauche qui se trouvent confirmés.
Les autres formations de gauche PS et PRG se retrouvaient dans un accord aux cantonales sous l'appellation de majorité départementale. Indépendamment des querelles intestines, notamment sur le canton de Vezzani, du manque de clarté sur le canton de Ghisoni où le candidat de cette majorité se réclamait également de la droite pour battre son adversaire UMP, le président du Conseil général architecte de cette politique retrouve sans difficulté, mais aussi sans principe, sa majorité, avec le gain du canton de Bustanico et la perte de Calenzana,
Dans le canton de Borgo la droite historiquement implantée obtient plus de 60 % des suffrages mais cela n'atténue en rien la bonne tenue des candidat(e)s PS PRG d'une part et PCF d'autre part qui rassemblent 31,8 % des suffrages. Ce bastion de droite, déterminant pour l'élection législative, voit de nouveau l'opposition de gauche contester cette suprématie. Lors du précédent scrutin partiel le PCF été seul à gauche. Sa progression en voix et en pourcentage cette fois ci n'en est que plus remarquable.
Après un début de campagne calamiteux sur Bastia la droite et l'UMP singulièrement sortent affaiblis de ces scrutins. La liste UMP aux municipales recule à 11,5 % soit 4 points de moins qu'en 2001 et le tête de liste se fait largement distancer dans le deuxième canton de Bastia en plafonnant au second tour à 36 %. Cette chute libre sera légèrement amortie par Nouvelle génération qui perd 4 points au premier tour des municipales de Bastia et 16 points au second sans créer de surprise dans les trois cantons de Bastia où cette formation de centre droit était engagée.
Enfin, les candidats nationalistes de Corsica Nazione ne sont pas parvenus à marquer de manière significative cet épisode électoral déterminant au regard des prochaines régionales. Leur liste aux municipales de Bastia subit un sévère recul de 5 points sur le premier tour de 2001 et de 8 points sur le second. Incontestablement la liste PNC/Chjama Naziunale a tiré avantage de cet affaiblissement en se hissant à la deuxième place en tête de l'opposition à prés de 16 % au premier tour, puis 25 % au second soit un point de moins que Nouvelle génération au second tour de 2001.
Plusieurs facteurs ont, semble-t-il, joué avant le premier tour : la déclaration du FLNC recommandant aux "français" de ne pas voter et plus loin dans le temps le fameux incendie de la Collectivité territoriale après une occupation de l'Assemblée de Corse. Dans les deux cas les élu(e)s et candidat(e)s de Corsica Nazione n'ont pas condamné mais justifié ces atteintes grave à la démocratie. Ce positionnement a accentué le sentiment de ras le bol de la violence indépendantiste et de l'impasse dans laquelle celle-ci pousse irrémédiablement la Corse. Après les législatives l'influence nationaliste est certes confirmée mais la mutation disqualifiant les tenants de la "lutte armée" et de l'indépendance s'est elle aussi affirmée.
Les "modérés" n'en sont pas pour autant exonérés de la nécessaire clarification qui doit intervenir sur cette question de l'indépendance, sur les mots d'ordre xénophobes Arabi Fora et I Francesi Fora et également par rapport à la droite sachant que celle-ci n'a pu diriger la Collectivité Territoriale de Corse qu'après avoir bénéficier du vote de tous les élus nationalistes. Ainsi on ne peut vouloir à un endroit s'allier à la gauche pour battre la droite quand par ailleurs ont fait alliance avec elle pour battre la gauche. Sartène en fait la démonstration à l'occasion de ces municipales comme des précédentes.
Une fois encore, dans ces scrutins locaux, les fortes attentes populaires ont été réaffirmées avec l'objectif de vivre mieux, d'ancrer la gauche bien à gauche au Conseil général de Haute Corse comme partout ailleurs. Cependant, la cherté de la vie problème récurrent ici au même titre que la précarité et la pauvreté, se sont mêlées aux enjeux de dimension nationale. Le refus d’augmenter les salaires et les pensions, la remise en cause du droit à la santé, à la retraite, au logement social, les lois liberticides, les attaques contre la laïcité toute cette politique, comme la dénaturation de la fonction présidentielle, ont manifestement pesé comme ils ont donné plus d'élan et de force à la gauche.
La confirmation dans les urnes du rejet de la politique de droite dictée par les intérêts du Medef est un appel à l’action, un encouragement au travail pour construire une véritable alternative à gauche. Les communistes qui se sont mobilisés, pour rassembler les hommes et les femmes en attente de solidarité et non d'individualisme, d'ouverture et non d'exclusion, de démocratie et non d'intimidation, de développement durable et non d'immobilisme, entendent poursuivre leurs efforts en ce sens.
Michel Stefani
19 mars 2008