Plan d'aménagement et de développement durable de la Corse
Voici maintenant 5 longues années, les travaux d’élaboration du PADDUC étaient initiés…5 années qui ont donné lieu à un « document de travail à caractère provisoire », document que le Président SANTINI a présenté aux conseillers territoriaux le 15 mars 2007, en ayant pris soin de leur préciser qu’il ne s’agissait pas d’un acte formel.
Aujourd’hui, en l’absence de toute nouvelle avancée, nous sommes en droit de nous demander ce qui sous-tend cette lenteur, pour ne pas dire cette apathie, dans l’élaboration d’un document majeur pour le devenir de notre île. (…)
J’ai pour ma part, au nom de notre groupe, apporté ma pierre à l’édifice : 2 questions orales posées les 27 octobre 2005 et 25 juin 2007, et une motion déposée le 24 avril 2008. Le Président SANTINI a répondu avec courtoisie aux questions posées, nous assurant à chaque fois que le document définitif pourrait faire l’objet d’une approbation par l’Assemblée de CORSE à l’issue d’un ultime délai de 8 à 10 mois. Nous l’avons (presque) cru tant il semblait convaincu et déterminé. Hélas nos désillusions sont à la mesure de nos espoirs… La motion, elle, a fait l’objet d’un renvoi en commission…
Une commission de plus, tandis que le temps continue de passer ! A tant attendre, la CORSE a déjà manqué d’importants rendez-vous : en effet la double préparation du contrat de projet Etat / Région et des programmes communautaires, qui couvrent la période 2007/2013, s’est faite en l’absence du PADDUC ; Comment, dés lors, pouvons-nous croire que ces deux documents permettront la réalisation des véritables priorités et objectifs tels qu’ils auraient du être définis par le PADDUC ?
Programmes communautaires et contrat de projet devraient être des outils au service d’un projet de développement global, cohérent, choisi et partagé, projet traduit dans le PADDUC. Au lieu de quoi, l’Exécutif Régional met en application les orientations de Lisbonne et Göteborg et, du coup, nous présente un projet totalement inféodé aux orientations stratégiques européennes et nationales, qui sont, rappelons-le, basées sur la compétitivité et la mise en concurrence des régions. Ainsi, par exemple, la mondialisation nous est présentée, dans le PADDUC, comme une « opportunité nouvellement ouverte » !!! Bref, on le voit bien, le « devenir subi » prime sur le « devenir choisi ».(…)
Cela contribue à renforcer le sentiment d’insatisfaction qui est celui de nombreux corses à la lecture du diagnostic posé par le PADDUC, diagnostic qui recèle de nombreuses contradictions, ambiguïtés voire « contre-vérités » ; A titre d’exemple il nous est indiqué que la Corse « a donné un essor à ses activités économiques » et a connu ces dernières années une croissance du produit intérieur brut supérieure à la moyenne nationale. Pour autant, nul ne peut ignorer notre tissu d’entreprises très émietté, une industrie quasi-inexistante, une agriculture fragile, une activité touristique déséquilibrée sur le territoire et contrainte par une forte saisonnalité…
De la même manière dire que le taux de chômage se maintient au niveau moyen national ne peut être de nature à nous rassurer lorsque l’on sait que la proportion d’allocataires du revenu minimum d’insertion est une fois et demie plus important en Corse que dans la France entière, et que, de plus en plus le fossé se creuse entre ceux très minoritaires qui peuvent profiter de la croissance et ceux qui, n’en bénéficiant pas, sont marginalisés par la précarité.
Par ailleurs, du point de vue de la démographie, le diagnostic fait référence à un « dynamisme démographique », qu’il nous faut cependant relativiser, car ce dynamisme s’explique essentiellement par un solde migratoire singulier, à savoir : une composante migratoire négative pour la population jeune et un apport migratoire important aux âges de la « séniorisation » (plus de 60 ans). Enfin, le chapitre sur la démographie ne souligne pas du tout le déséquilibre Littoral/Intérieur, et cet aspect là est tout juste effleuré.
Quand aux objectifs de développement énoncés dans le projet de PADDUC, ils préconisent, entre autre, un développement de l’économie résidentielle et font la part belle au tourisme, et notamment au tourisme situé sur le littoral et au tourisme de luxe. Dire que l’aménagement du littoral, et donc les modalités d’application de la loi « littoral » constituent une des pièces maîtresses du PADDUC n’est pas « dénaturer le contenu et la portée du PADDUC ».
C’est, au contraire, faire preuve de réalisme et de lucidité car, pour justifier sa volonté d’adapter la loi « littoral », le Conseil Exécutif s’appuie sur un diagnostic largement contestable et sur un projet qui accentue le déséquilibre « littoral-intérieur », ne favorise pas une juste répartition des richesses économiques sur l’ensemble du territoire et effleure à peine des questions majeures pour le devenir de l’île telle que, par exemple, la question de l’habitat et du logement.
Concernant l’argument qui consisterait à dire qu’il faut renforcer la sécurité juridique dans l’application de la loi, il est aisé d’en démontrer le caractère pour le moins ambiguë : ce qui nous est proposé dans le PADDUC, c’est d’élaborer notre propre définition de notions telles que « espaces naturels remarquables », « espaces proches du rivage », ou encore « hameaux nouveaux intégrés à l’environnement ». Ces définitions, par leur degré de précision, seraient donc de nature à accroître la sécurité juridique et nous préserveraient de possibles interprétations des services de l’Etat ou des juridictions administratives.
Parallèlement, on nous explique qu’il y a en Corse plusieurs séquences littorales qui ne peuvent être traitées de manière identique, et donc, on introduit « des éléments de lecture de la loi littoral qui proviennent d’une analyse méticuleuse du territoire ». Et c’est bien là que réside toute l’ambiguïté du raisonnement car sous couvert d’une adaptation à la spécificité Corse et à la singularité des communes Corses, l’objectif est bien d’adapter la loi pour dégager de nouvelles poches d’urbanisation du littoral, au mépris des objectifs de préservation de notre patrimoine environnemental. Je tiens à réaffirmer pour ma part que la loi « littoral » offre la possibilité de concilier développement et préservation du capital naturel de notre littoral, qu’elle permet une urbanisation mesurée et maîtrisée, et qu’il suffit pour cela de s’y tenir !!
Bref, le projet présenté par le Conseil exécutif est en parfaite cohérence avec les propos de Camille de Rocca Serra, qui exprimait dans les colonnes du Monde, il y a quelques mois, sa volonté de « désanctuariser » le littoral Corse…Autant de signaux d’alertes qui nous amènent à nous interroger sur cette « lenteur » dans la démarche d’élaboration du PADDUC ; Y a t'il derrière cette « léthargie » une stratégie délibérée ? Dans ce cas, nous avons toutes les raisons d’exprimer notre profonde inquiétude et nos légitimes attentes. Cette expression, qu’elle s’exerce dans le cadre politique, public ou citoyen, est plus que jamais indispensable.
Le champ démocratique est suffisamment large pour que chacun, (simples citoyens, militants associatifs, syndicalistes, responsables politiques…), pèse de tout son poids dans le débat public dont nul ne doit être exclu. Je suis persuadée, pour ma part, que toutes les formes d’expression démocratiques, qu’il s’agisse de communiqués, échanges, rencontres, débats, manifestes,…, doivent s’additionner, se conforter et se renforcer, pour que l’Exécutif Régional soumette enfin le PADDUC au débat public et politique. Cela ne saurait souffrir de délai supplémentaire !!
Maria GUIDICELLI – Conseillère Territoriale Groupe communiste, républicain et citoyen.