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Michel Stefani

Schéma de développement économique de la Corse

2 Juillet 2008

Assurer le décollage industriel de la Corse


L'Assemblée de Corse a examiné les orientations du Schéma de développement économique (SDE) présenté par le Président de l'Exécutif Ange Santini. Les 80 M € d'aides aux entreprises étaient au cœur du débat.

 

 

La première phrase du rapport de l'Exécutif est la suivante : "la Corse est en train de changer" et en appui à cette affirmation viennent une série d'arguments saluant le dynamisme de l'économie insulaire avec un taux de croissance du PIB supérieur à la moyenne nationale et de nombreuses création d'entreprises et d'emplois. Début juin le Préfet de Région tenait à peu près le même discours dans les colonnes de la Corse votre hebdo avec un optimisme aussi surprenant car la situation de milliers de femmes et d'hommes est en ce moment particulièrement dramatique. 20 000 personnes vivent en Corse sous le seuil de pauvreté avec moins de 730 € par mois. Ironie du sort ce jour là, à la une du Nice Matin, nous apprenions que la Corse avait enregistré un nombre record de contribuables à l'impôt sur la fortune (ISF) (1020) dans la même période 2001 2077 avec une augmentation de 112 %.

Dans un contexte où la politique gouvernementale de casse du code du travail, des 35 heures, des retraites, de la protection sociale et de la fonction publique avec des milliers de postes supprimés chaque année, les propos de campagne électorale reviennent à l'esprit s'agissant du pouvoir d'achat par exemple ou des plus démunis. L'autre aspect de cette politique qui consacre la mise en concurrence des hommes et des territoires conduit à ce que les marchés financiers et la logique qui les soutient sont de plus en plus consommateurs de crédits et gourmands de dividendes pour les actionnaires. L'argent public se raréfie pour les besoins sociaux alors que la pression sur les salariés s'intensifie.

Le tardif rapport de la Cour des comptes, il faut se souvenir que la droite en 2002 a abrogé la loi Hue sur le contrôle des aides aux entreprises, souligne l'inefficacité de la politique d'aides aux entreprises alors qu'elle représente 65 Milliards au budget de la Nation et des Régions, 1100 € par habitant. De fait, il faut une remise à plat et une réorientation de l'utilisation de l'argent public fondée sur une nouvelle fiscalité des entreprises et une contribution significative des marchés financiers. Selon Ange Santini un peu d'ordre suffirait alors qu'un règlement d'aides avec 18 dispositifs et 50 mesures n'y contribue pas forcément.

Partant de ce constat Dominique Bucchini a proposé, pour plus d'efficacité et de transparence, de créer un Fonds régional pour l'emploi en lieu et place de ces 18 dispositifs et 50 mesures, un groupement bancaire et institutionnel à dominante publique pour le financement, un contrôle démocratique et citoyen s'assurant du respect des engagements pris en terme d'emplois, de salaires et de formation. C'était en 2005. Déjà les effets d'aubaines pour quelques uns soulignaient la nécessité d'un changement de système qui profitait toujours aux mêmes demandeurs soit 250 entreprises. La majorité régionale de droite préférera ne rien toucher.

Pourtant, les notes de conjoncture du Trésor public en 2004 et 2005 alertaient de cette situation. Ainsi, la Banque de France craignait "le retour de comportements de thésaurisation des disponibilités des entreprises… pour reconstituer des réserves de trésorerie dans l'attente d'amélioration de la conjoncture en 2006". Cela est confirmé car un tiers seulement des 80 M€ d'aides distribuées par la CTC (26.7 M €) est identifié "comme ayant été affecté à l'investissement" pour produire 102.8 M€ d'investissement, créer 1500 emplois soit 250 emplois par an en CDI.

De là à dire que nous sommes dans une phase de recul constant du chômage c'est faire semblant d'ignorer la réalité d'une part parce que les méthodes de calculs changent, d'autre part parce que le nombre de chômeurs de longue durée augmente (+18 % en 2005 pour la Haute Corse), enfin parce que l'offre valable d'emploi (OVE) devrait entrer en vigueur. Le salarié ne pourra plus alors refuser une offre sans s'exposer à des sanctions.

Entre 2001 et 2007 la CTC a donc consacré 80 M € soit 13 M € chaque année au développement économique ce qui ajoutés aux dispositifs de baisse des contributions fiscales et sociales des entreprises donne des sommes non négligeables proche des 100 voir des 110 M € par an. On mesure ici l'importance de contreparties en terme de création d'emplois, d'amélioration de la rémunération des salariés et de leur formation.

De ce point de vue les outils d'évaluation font défaut pour disposer d'éléments nécessaires à une vision d'ensemble. La publication d'un bilan sectoriel à chaque présentation de programme n'est pas suffisant. Pour Maria Guidicelli et Michel Stefani "il faut des données précises sur la caractéristique des emplois créés, sur la taille des entreprises, entreprises uninominales, entreprises entre 1 et 10 salariés, entreprises entre 10 et 50 salariés, sur le niveau de rémunération des salariés sur les formations".

La commande publique est une fois encore le moteur de la croissance constatée. Mais la programmation 2007 2013 est également celle des nouveaux Contrats de Projets Etat Région (CPER) et d'une Europe qui réduit considérablement ses concours. La chute brutale prévue en 2014 est inscrite dans les agendas de Lisbonne et de Göteborg sous le signe de la compétitivité. Mot magique selon lequel les territoires sont en compétition.

C'est la fameuse modernisation de l'économie par opposition à la défense des acquis sociaux décrits comme des archaïsmes car nous le slogan "travailler plus pour gagner moins" est devenu le symbole du progrès social. Pour autant, la marche triomphale vers cette "modernité" très libérale rencontre des résistances fortes la dernière en date est celle du peuple irlandais. Manifestement, elle n'est pas du goût des hiérarques de la Commission de Bruxelles qui, de manière très démocratique, envisagent une nouvelle consultation en Irlande avec une seule issue possible le OUI.

Il y a donc l'Europe, le CPER et les différentes politiques adoptées par la CTC s'agissant des axes stratégiques comme les transports, le tourisme, la formation, l'énergie, l'agriculture, qui ont fait l'objet de débats d'orientations… lesquels bien entendus constituent la structure du futur et très attendu PADDUC. L'axe majeur de celles-ci est la poursuite d'une politique régionale qui est en échec précisément parce qu'elle repose sur la promotion d'une seule activité le tourisme et maintenant, le tourisme de luxe.

Le déséquilibre est évident, incontestable, la pauvreté, l'observatoire national indique que la Corse se différencie des autres régions parce que toutes les tranches d'âges sont concernées, la pauvreté donc la précarité, les bas salaires, la flambée spéculative foncière et immobilière sont bien là. Dire qu'il existe des tensions sociales est un euphémisme, il y a une diffuse mais légitime colère face à des scandales comme celui de la vie chère et un réel danger avec des dérives affairistes et mafieuses.

Il faut par conséquent rééquilibrer le développement économique insulaire. Cela passe, selon Pôle régional de gestion publique et de développement économique de Corse "par de nouveaux entrants dans l'appareil de production local, incontestablement sous dimensionné….Un nouvel élan pour assurer le décollage industriel de la Corse…"

Noël GRAZIANI

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