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Michel Stefani

Ordures ménagères : la majorité nationaliste est prise à son propre piège

18 Décembre 2020

La majorité nationaliste s’est discréditée en retirant son dernier rapport sur le plan déchets. Les intérêts de la Corse passent ainsi après ceux de la majorité nationaliste prise à son propre piège par dogmatisme. Pour en arriver là il nous est dit que les élus de cette majorité ont rudement planché sur les 800 pages du rapport du président de l’Office de l’environnement.

Qui peut croire que celui-ci n’a pas été débattu en conseil exécutif ou il devait être présenté ? Qui peut croire que les présidents de groupes de la majorité ont découvert en Commission la teneur du rapport du président du conseil exécutif ? Si tel est le cas, sur une problématique aussi délicate, l’amateurisme accompagne l’inconséquence. A cela s’ajouterait l’incapacité chronique à tirer les enseignements de la période écoulée depuis la délibération de janvier 2016.

Sans doute, peu de Conseiller auront lu les fameuses 800 pages, décortiquées en commission par les plus téméraires, mais la plupart des élus aura lu les 23 pages du rapport qui entre temps est devenu celui du président de l’Exécutif. Ils auront comme nous constaté un infléchissement, sinon un revirement possible sur plusieurs questions jusque là écartées de manière intransigeante sans se dire que l’expérience permettait de corriger les erreurs d’une politique en échec.

Il était dit qu’en 2021 la Corse atteindrait le niveau de 60 % de tri à la source. Les chiffres indiquent qu’à cette date l’objectif sera à moitié atteint. La prudence semblait de mise dans ce dernier rapport qui visait 2033. Néanmoins, l’option peu honorable de faire incinérer nos ordures ménagères (OM) hors de Corse demeurait dans un projet de coopération avec la Sardaigne prévoyant une phase transitoire de 3 ans.

S’agissant de l’enfouissement, il se heurte au refus des populations alors que les casiers existants sont au bout de leurs capacités. Du coup la limitation de stockage des déchets ultimes à 90 000 tonnes par an en 2025 peut devenir obsolète. Si en cette fin d’année nous pouvons nous réjouir d’être épargnés par la traditionnelle crise des déchets, c’est plus en raison de la crise sanitaire et de son impact sur la fréquentation touristique, que par évolution positive.

Les ordures ménagères résiduelles (OMr) représentent 60% des déchets ménagers assimilés (DMA). On peut faire valoir que 30% des apports proviennent des entreprises, il n’en demeure pas moins que le taux de valorisation n’est au final que de 26%. Le rapport pointe la gestion non conforme des déchets des professionnels notamment ceux du BTP. Le volume estimé de 655 000 tonnes et la méconnaissance de ses caractéristiques appelle une réponse plus fine mais aussi plus ferme. A défaut l’objectif de 70 % de matière valorisée ne sera pas atteint non plus dans les délais.

L’économie circulaire ne peut constituer seule l’élément déterminant de sortie de la crise qui secoue la Corse depuis 4 ans. Voila pourquoi il y avait une lueur d’espoir à travers la proposition d’implantation de 2 centres de tri DMA pour 37 000 tonnes d’entrants et au moins 2 à 4 centres de tri de déchet d’activité économique (DAE) et déchets non dangereux (DND) du BTP pour 240 000 tonnes.

Il était également envisagé de créer une Unité de Valorisation Energétique pour 140 000 tonnes entrantes et deux centres de sur-tri pour 100 000 tonnes entrantes au fonctionnement modulable pour le tout-venant et les ordures ménagères résiduelles (OMr) avec valorisation des combustibles solides de récupération (CSR) (au moins une chaudière)…

Apparemment ce sont ces annonces qui motiveraient le retrait du rapport pour un examen ultérieur. Des amendements sont attendus précisément sur ces propositions, notamment la valorisation énergétique par procédé thermique. Cette volte face politicienne risque, si cela se confirmait en séance plénière, d’alourdir le fardeau déjà très pesant pour la Corse et les Corses.

Il revient donc à la CdC de réviser son plan de traitement des déchets et à l’Etat d’intervenir le cas échéant pour garantir la sécurité sanitaire dans un cadre où nombre d’objectifs sont définis par la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte, les directives européennes de 2018, la loi contre le gaspillage et pour l’économie circulaire de 2020.

En l’absence de structures adéquates qui permettraient une plus grande efficacité de traitement, les mesures palliatives, empilées et incohérentes, font en définitive obstacle à un traitement vertueux intégrant des objectifs de tri sérieux, une valorisation des matières et une réduction du transport routier, l’arrêt du transfert sur le continent par voie maritime pour incinération de ce qui ne peut être enfoui ici faute de casiers.

Lavis de l’Autorité de la concurrence n’est pas si ancien pour l’oublier notamment en ce qui concerne la passation des marchés publics dans ces conditions dégradées ouvrant à des appétits affairistes. Au bout du compte cela se retrouve sur la feuille d’imposition avec des écarts très importants par rapport au continent alors que le potentiel fiscal des ménages insulaires est l’un des plus bas de France.

Ainsi, la TEOM en Corse coûte en moyenne 184 euros par habitant par an, soit 56 % de plus que la moyenne métropolitaine (118 euros par habitant par an). Cette surponction du contribuable doit inciter à ne pas se hasarder à ajouter une taxation incitative au bon comportement des ménages, alors que l’impasse actuelle est avant tout de la responsabilité des décideurs.

La mise en œuvre d’une politique nouvelle, un engagement doit être pris en ce sens, ne peut se solder par des augmentations supplémentaires de la fiscalité des ménages. Elle doit aussi tenir compte des conditions de travail des personnels de toute la filière. On mesure ainsi la nécessité de développer une maitrise publique sur la filière. Sans parler d’ambition il faut, au regard de l’expérience et des années perdues, passer de l’optionnel à la concrétisation de la valorisation thermique dans un panel de techniques retenues de manières complémentaires et efficace avec le tri à la source.

Cette approche permettrait de sortir de la crise et de maitriser les couts dans un cadre respectueux des enjeux sanitaires et écologiques.

Michel Stefani

 

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