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Michel Stefani

De quoi le Plan Salvezza e Rilanciu est-il le nom ?

2 Décembre 2020

Gille Simeoni n’est pas en campagne électorale son unique priorité est de sortir la Corse de la crise. Invité des médias en ce début de semaine, le président de l’Exécutif explique à ses détracteurs, frustrés de n’avoir pas été associés à la préparation du Plan de sauvegarde et de relance de l’économie, qu’il n’a pas de temps à consacrer à des polémiques stériles. Toutefois il leur concède que sa méthode peut être "bonifiée" et constate avec satisfaction qu’au final l’unanimité s’est faite sur sa proposition après quelques amendements formels.

Ce consensus à l’Assemblée de Corse est donc venu couronner des semaines de consultations et surtout répondre aux doléances patronales formulées à Borgo le 27 octobre dernier. Ce fut "un acte fondateur" selon les présidents de l’Exécutif et de la CCI de Corse réunis à la même tribune. Les deux sont tombés d’accord pour dénoncer un Plan de relance France qui s’adresse aux entreprises de 250 salariés et plus, mais qui de fait est inadapté à la Corse. C’est notamment le cas de la mesure d’allègement des impôts de production (20 milliards) qui ne concerne que 0,13% des entreprises insulaires. Evidemment c’est peu mais ce n’est pas rien.

le Préfet de Corse, a indiqué qu’entre le début du confinement, le 17 mars, et le 5 mai 2020, l’État a versé "un total de 730 millions d’euros pour la Corse répartis sur les différents dispositifs mis en place avec notamment 230 millions d’euros pour le chômage partiel, 360 millions d’euros pour le prêt garanti par l’État, 10,9 millions d’euros pour le fonds de solidarité au bénéfice de 3.300 petites entreprises, 57 millions d’euros pour les reports de charges fiscales et 52,5 millions pour les reports de charges sociales".

Et si le compte n’y est pas pour les très petites entreprises comme pour les salariés et les ménages c’est aussi parce que la politique gouvernementale sanctuarise les gros actionnaires des grandes entreprises et ne produit aucune évaluation des mesures qui ont été prises face à la crise sans contrepartie sociale. Des centaines de milliards d’argent public sont utilisés pour soutenir l’économie, pas toujours l’emploi. Quant au pouvoir d’achat lorsqu’il est impacté par la perte de 16 % de salaire, en chômage partiel, autant dire que pour la plupart des ménages populaires les fins de mois sont difficiles.

Que faire donc pour le salarié, le petit commerçant, l’artisan, le saisonnier, celles et ceux qui, de plus en plus nombreux sont dans l’obligation de se rendre au Secours populaire, aux Restos du cœur ou à la Croix rouge ? Si tel est le cas c’est bien en raison d’une déficience de ces plans dont la principale caractéristique est bien une mise en œuvre sans contrôle ni contrepartie sociale.

La France est un pays riche. Les 500 premières fortunes ont un patrimoine de 730 milliards et cette année, encore malgré la crise, plus de 30 milliards de dividendes seront versés aux actionnaires du CAC 40. Certains objecteront que cela n’a rien à voir avec la Corse. Pourtant, en y regardant de prés la réponse est oui sauf si comme le réclame Gille Simeoni il s’appliquait à la Corse un régime d’autonomie fiscale. Il faudrait alors se passer de la solidarité nationale.

Cela dit, il y a en Corse 1.160 ménages, 2500 personnes, 1 % de la population fiscale de l’île dont le revenu annuel médian est de 144 000 euros soit en moyenne 3,5 % de plus qu’en France de province. Dans la région métropolitaine où 18.7% de la population dispose d’un revenu inférieur aux 1 055 euros mensuel du seuil de pauvreté, ce rappel souligne la profondeur des inégalités. Il est un indicateur constant de l’urgence sociale et si la crise frappe plus dur en Corse que sur le continent ce n’est pas une raison pour oublier que la précarité et la pauvreté y sont installées depuis des décennies.

L’économie exclusivement touristique y est pour quelque chose mais il y a aussi une infime minorité, spécialisée dans la captation de la solidarité nationale au détriment de l’intérêt général, qui sévit en Corse comme l’Autorité de la concurrence, après l’Inspection générale des finances, vient de le préciser dans son rapport. Voila donc le problème qui se pose en Corse sans doute un peu plus qu’ailleurs et qui a été noyée une fois de plus à l’Assemblée de Corse.

L’injuste partage des richesses est bien une réalité en Corse, c’est pourquoi les organisations syndicales ont eu raison de ne pas donner quitus à ce Plan de sauvegarde et de relance auquel on peut reprocher comme le précédent de ne prévoir aucune contrepartie pour garantir les emplois et les salaires, ni aucune mesure contre la cherté de la vie.

Sur ce point, le rapport de l’IGF en 2018 indiquait : "plusieurs éléments spécifiques au territoire corse peuvent contribuer à la captation de rente par les acteurs dominants. […]L’application de taux de TVA réduits peut inciter les intermédiaires à privilégier le renforcement de leur marge plutôt qu’une répercussion complète sur le prix de vente à la consommation". Voila pourquoi nous disons : pas un centime d’argent public pour les 15 premiers actionnaires de CM Holding, le Consortium des patrons corses, pas un centime d’argent public pour le groupe Rubis et ses actionnaires.

La capitulation face à ces oligopoles qui ont la main mise sur l’économie de la Corse et structurent essentiellement les rapports sociaux, ne peut plus être établie au seul crédit d’une complaisance de l’Etat elle est ainsi partagée par ce vote unanime des élus de l’Assemblée de Corse en faveur du plan de sauvegarde et de relance.

La majorité nationaliste en place depuis 6 ans et à la tête de la collectivité unique depuis 3 ans tente de masquer dans des rapports artificiellement tendus avec l’Etat les fondements de classe qui en Corse comme partout ailleurs traversent les rapports sociaux et opposent les intérêts des riches à ceux des pauvres.

Si l’heure du bilan n’a pas encore sonnée selon Gille Simeoni, sa majorité qui dispose d’un pouvoir incomparable, ne pourra se contenter de mettre ses échecs en matière de transport maritime, de traitement des ordures ménagères, de logement social… comme ses renoncements face à la cherté de la vie au compte du "mauvais héritage" laissé par les précédentes et d’un impossible dialogue avec l’Etat.

Michel Stefani

 

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