L’hommage à Samuel Paty doit se prolonger dans un rassemblement et une dynamique populaire d’émancipation sociale et démocratique.
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Le sauvage assassinat de Samuel Paty marque un basculement. L’acte est abject, ignominieux. Ceux qui s’en sont rendus coupables, au-delà de l’individu meurtrier, ont souligné plus encore, sous l’éclairage de la haine qu’ils portent en eux, la visée politique d’un projet de société déshumanisé, intolérant, antidémocratique.
Fondé sur l’intimidation, la pression fanatique, le terrorisme, c’est l’exact contraire des valeurs républicaines, dont nous sommes les héritiers depuis 1789 dans la prise en compte et la défense des principes découlant de la devise révolutionnaire clamant pour tous : Liberté - Egalité - Fraternité.
Sous l’impulsion des Lumières, c’est le creuset original d’une société, associant dans la Nation, non des sujets, mais des citoyens co-constructeurs de cette originalité française. Souvent maltraitée par des politiques gouvernementales antisociales, elle perdure néanmoins en raison d’un attachement populaire à cette histoire politique qui a fait société au fil du temps.
Cette mémoire collective, constituée d’avancées démocratiques et sociales arrachées et des reculs possibles quand le mouvement populaire s’affaiblit, est au cœur des mobilisations citoyennes exprimant avec dignité la condamnation de cet acte abominable et de ce qu’il charrie d’insupportable et d’inacceptable dans cette République laïque et sociale âprement préservée du fascisme par la Résistance.
Le programme de ceux qui ont consenti jusqu’au sacrifice suprême, pour libérer le pays de ce joug nazi, était intitulé "Les jours heureux". C’était au sortir de la nuit fasciste qui s’était abattue sur la France comme sur le monde. Le contexte est différent mais l’exigence demeure : ne rien céder aux fascistes.
Le fanatisme islamiste et ses adeptes barbares et fascisants veulent détricoter cette histoire collective et fermer les portes du savoir, de l’élévation intellectuelle et culturelle, de l’esprit critique. Voila comment le bras de l’assassin s’est armé pour frapper en son cœur la République en ôtant la vie à celui en charge de cet enseignement auprès des enfants.
La menace vaut pour tous les enseignants. C’est bien là le danger qui pèse désormais sur eux. Ils étaient nombreux pour témoigner dignement de leur colère et exprimer leur tristesse. Ils n’étaient pas seuls et c’est dans cette manifestation commune du refus de l’obscurantisme que penser un autre avenir devient possible pour réduire à néant les intentions de cette minorité usurpatrice qui, au nom d’une religion placée au dessus de la loi des hommes, montre son irrespect de la laïcité et de toute humanité.
La justice doit passer pour sanctionner les responsables de l’assassinat de Samuel Paty. Cela doit permettre de distinguer et d’isoler les individus qui cherchent à opposer, à diviser et à empêcher, pour ceux qui le désir, d’exercer leur culte dans le respect de l’autre, croyant ou non, de manière sereine. La laïcité en est la garante et ainsi le rempart à toute instrumentalisation ouvrant à la stigmatisation ici celle des musulmans.
Faire comprendre c’est de fait promouvoir l’émancipation, la démocratie, les droits de la personne humaine, la primauté de la connaissance sur l’ignorance. C’est à cette tache que Samuel Paty se consacrait. Ce choix lui a valu une mort atroce. C’est pourquoi, la sécurité des enseignants, de l’Education nationale et de tous ses agents doit être garantie. Cela relève de l’Etat de droit.
Ce faisant, l’action démocratique et populaire contribuera à ce que la société se débarrasse de l’obscurantisme et assèche la source du terrorisme qu’il nourrit. De ce point de vue, le projet de loi sur le séparatisme entretient le doute en confondant Etat et religion. Alors que la laïcité suppose la séparation de l’un et de l’autre, le président de la République, préconise un tutorat étatique sur une religion. C’est risqué et dangereux.
De même, il est risqué et dangereux, de vouloir concurrencer l’extrême droite, comme le ministre de l’intérieur s’y prête en dénonçant la commercialisation de produits alimentaires susceptibles, selon lui, de réveiller les communautarismes. Dans le contexte, c’est une façon ignoble de désigner par amalgame à l’opinion publique nos concitoyens musulmans. C’est irresponsable et indigne de la fonction qu’il exerce au gouvernement.
Lui qui ne s’est jamais trop interrogé sur le financement du terrorisme islamiste devrait sans doute commencer à ouvrir les yeux sur les Etats théocratiques qui financent à travers le monde la promotion d’un islam fanatique dans un but éminemment politique. La France serait bien inspirée de ne plus dérouler le tapis rouge aux dirigeants de ces pays, et de changer sa politique extérieure au proche et moyen orient pour y faire progresser la paix plutôt que les intérêts capitalistes sources de conflits.
Sur notre sol, il faut mettre hors d’état de nuire les organisations factieuses et démanteler les circuits de leur financement. La reconstruction du lien social, là où depuis trop longtemps l’abandon a prévalu, doit prendre le dessus sur les logiques d’enfermement dogmatiques et obscurantistes. La République doit y retrouver toute sa place et offrir une autre perspective que le repli communautarisme. L’Education nationale doit être dotée des moyens nécessaires pour remplir son rôle émancipateur.
Enfin, ce qui s’est passé à Conflans-Saint-Honorine, ce mois d’octobre 2020, rend impératif d’empêcher que les réseaux sociaux ne se transforment en réceptacle de la vindicte, délétère, haineuse et intolérante. Tout autant il faut s’interroger sur la façon dont est donnée l’information au mépris du pluralisme avec un logiciel de prêt à penser anesthésiant trop souvent l’esprit critique.
L’hommage rendu à Samuel Paty doit ainsi se prolonger de manière exigeante et lucide dans un rassemblement et une dynamique populaire d’émancipation sociale et démocratique.
Michel Stefani