Municipales de Bastia : « Comme en 2014 le piège, des trahisons et des manœuvres politiciennes, s’est refermé »

La lourde sanction de la gestion municipale de la majorité nationaliste enregistrée au 1er tour ne s’est pas traduite par une défaite du maire de Bastia au second tour. Pierre Savelli, a été réélu avec 49,37 % des suffrages et un gain de 3787 voix.
La participation livre une explication à ce renversement de situation mais d’autres paramètres sont à prendre en compte pour comprendre ce qui s’est passé. Avec un taux en hausse de 19 % par rapport au 1er tour, elle atteint 63,36 %, 14 177 votants, tout en restant éloignée des 80 % de 2014. Au 1er tour Pierre Savelli n’avait obtenu que 2932 suffrages et un score de 30 % alors que les listes d’opposition cumulaient 55 % des suffrages face à lui. La participation de 42 % aux prémices de la crise sanitaire a eu un impact qui s’est équitablement réparti pour l’ensemble des listes. Ce premier tour donnait par conséquent une tendance mais c’était sans compter avec l’incertitude sur l’organisation du second tour de scrutin et la longue période de confinement. A l’évidence, elle a été favorable à un ressaisissement des nationalistes toutes tendances confondues, de leurs alliés de droite et de gauche parties prenantes de la majorité municipale depuis 2014. La campagne ne s’est pas faite normalement et de surcroit, non plus sur le mauvais bilan des sortants, mais sur la seule question du pouvoir et des pratiques contestables du point de vue de la moralité politique.
Sur la question du pouvoir l’idée, que l’exercice des responsabilités publiques pouvait se plier aux seules ambitions personnelles, a offert aux sortants la possibilité de retourner à leur avantage cette forme d’arrogance politique outrepassant le simple respect des communes voisines. 4 des 5 maires de la CAB s’empresseront de le dénoncer. L’effet a été de ces manœuvres politiciennes sera d’autant plus dévastateur que l’écharpe de 1er adjoint devait passer de main en main en fonction de cette élection à la présidence de la CAB et de la destinée politique d’untel ou untel avec en point de mire les territoriales de 2021. La campagne a pris une tournure franchement malsaine quand les querelles ont éclaté sur la prise en charge des mesures sanitaires la distribution de masques, les paniers repas ou sur un autre registre à propos des concessions mortuaires. A décharge on peut rappeler le courrier de la présidente de l’Office HLM aux locataires, véritable appel à voter Gille Siméoni…
Dans la confusion, ainsi entretenue, le débat de fond sur les projets a été escamoté et par exemple aucun des candidats au second tour ne s’est préoccupé de l’explosion prochaine de cette bombe fiscale que la crise des ordures ménagères engendrera. L’urgence sociale, le nombre de chômeurs à augmenté de 10 % au mois d’avril, commandait de proposer des choix solidaires forts. Or d’un coté, il y avait une équipe sortante incapable durant six ans d’impulser une politique d’aménagement, adepte du matraquage fiscal, de l’abandon du logement social et de l’autre une équipe qui, pour ne pas froisser la droite, renoncera au gel de la fiscalité, à la construction de logements sociaux, à la gratuité des transports publics, et même sur la mesure phare du minimum de vie garanti, mettra un plafond budgétaire limitant à 2500 le nombre de bénéficiaires.
Il n’y avait pas de quoi susciter l’enthousiasme populaire et du reste le renversement d’alliance, excluant les communistes, trouvait de fait sa traduction dans ce contenu vidé des marqueurs de gauche. La sanction du 1er tour infligée à la majorité sortante s’est transformée en un rejet d’une alternance à l’apparence d’un front commun face aux nationalistes sans grande crédibilité puisque que ceux qui avaient contribué à la défaite de la gauche en 2014 y trustaient les premières places. Habillement les nationalistes ont appuyé le doigt ou il faisait mal avec le concours d’un Julien Morganti très critique sur la forme et les méthodes de ceux qu’il qualifiait avec suspicion de revanchards aux usages non recommandables.
On peut valablement considérer que, sinon la totalité des suffrages obtenus par Paul Félix Benedetti et Eric Simoni, l’essentiel de leurs électeurs ont préféré en définitive la liste de Pierre Savelli inchangée et donc non affectée par les manœuvres de 2nd tour révélées par ailleurs. L’électorat de droite divisé n’a vraisemblablement pas été influencé par la présence de Jean Baggioni au meeting de clôture de Jean Sébastien de Casalta. Il faut dire qu’en 2014 il l’avait vu au meeting de clôture de Gille Siméoni.
Les électeurs ont sans doute tiré les enseignements de la paralysie institutionnelle provoquée par ces comportements politiciens incohérents. Sachant que les blocages CAB Mairie pouvaient resurgir à nouveau ils ont voulu garantir la stabilité à travers une majorité cohérente même dominée par le courant nationaliste. Ces éléments d’appréciations permettent de comprendre la forte progression dans l’entre deux tours de la liste Savelli, sans y voir forcément l’ancrage de « l’idée nationale » vu par Jean Guy Talamoni. Sur les 11 bureaux du Sud de la ville, elle recueille 1723 voix de plus et 2064 sur les 15 bureaux du Nord de la ville. Sur l’ensemble de la ville elle distance la liste De Casalta de 10 points et 1314 voix. La bataille des procurations, 1602 pour ce 2nd tour, a semble-t-il été plus profitable au maire sortant sans considérer qu’elle soit seule à l’origine de cet écart. On notera aussi l’appel à voter Savelli du candidat de l’extrême droite Filippo Decarlo mais son faible score, à défaut de relativiser les idées, en réduit la portée électorale.
Cette analyse confirme le bien fondé de la démarche initiale consistant à défendre le rassemblement de la gauche au 1er tour sans le soumettre à une primaire, structurée par les ambitions personnelles, ni au bon vouloir de la droite et des objectifs de recomposition politique en vue de la conquête du pouvoir régional. Les résultats du 1er tour montrent que la majorité sortante pouvait être battue dés le 15 mars. Inversement le résultat du second tour s’est traduit en un rejet plus fort qu’une adhésion à l’alliance gauche/droite refusée par les communistes. Plus que le message des urnes 548 blanc et nuls leur absence au regard de l’action, en faveur du progrès social, des élus communistes dans cette ville depuis 1967, a été interprétée comme un glissement à droite hypothéquant la promesse d’un retour à une politique de gauche. C’est en ce sens que la position du Parti communiste a été comprise et saluée pour sa clarté emprunte de dignité.
Le scénario de 2014 revisité dans l’union De Casalta – Zuccarelli – Mondoloni n’a pas fonctionné en 2020. Au 1er tour, ce trio totalisait 42,81 % de suffrages, 4140 voix, sa progression de 1275 voix au second tour n’empêche pas un tassement à 39,73%, soit 5415 voix. Malgré l’appel de la fédération départementale LR, une partie de la droite bastiaise a préféré le duo Milani-Massoni, fidèle à la majorité sortante dont les choix antilibéraux sont distillés à dose homéopathique. L’objectif affirmé étant de « gagner à Bastia pour reprendre la région », cet appel aux électeurs de droite a sans doute contribué à ressouder l’électorat nationaliste.
Julien Morganti, quatrième du 1er tour arrive comme prévu troisième de ce 2nd tour avec un léger tassement à 10,89 % des suffrages, 1485 voix, soit 284 voix de plus que le 15 mars. Pour les amateurs de science fiction le cumul de ses voix avec celles de De Casalta atteint les 6900 voix soit 171 voix de plus que Savelli… Le prochain conseil municipal sera donc constitué par 33 élus de la liste Savelli, 8 de la liste De Casalta, 2 de la liste Morganti. A la CAB la majorité sortante dispose de 30 sièges vraisemblablement 15 délégués communautaires de Bastia sur 20 possibles, plus les 15 des trois autres communes se réclamant de cette majorité nationaliste (Santa Maria di Lota, San Martino di Lota, Furiani). La liste De Casalta y aura 4 élus, et Julien Morganti, 1 seul. « On va enfin pouvoir travailler au développement économique », explique Pierre Savelli. Vaste programme…
L’absence d’élus communistes pèsera lourdement dans la prochaine mandature face à l’urgence sociale plus prégnante encore avec la crise sanitaire. Comme en 2014 le piège, des trahisons et des manœuvres politiciennes, s’est refermé au détriment des Bastiaises et les Bastiais. A leur service, notamment des plus vulnérables, les communistes continueront à faire prévaloir, hors Conseil municipal, le parti pris de la justice sociale et fiscale, des intérêts populaires en faveur de politiques solidaires. Ils agiront avec les démocrates et les progressistes pour reconstruire une perspective à gauche, citoyenne et écologique.
Michel Stefani