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Michel Stefani

Coronavirus : le capitalisme disqualifié

1 Avril 2020

Nous traversons une crise sanitaire dont les effets politiques et économiques percutent frontalement l’ordre capitaliste établi.

L’édifice ultralibéral de la mondialisation est sérieusement ébranlé. Sa robustesse tenait de sa victoire apparente sur le socialisme, au début des années 90, alors que s’effondrait le bloc de l’Est à l’issue d’une guerre froide mondialement désastreuse. Un monde unipolaire naissait sous l’impulsion économique, politique, antisociale et militaire des Etats Unis, du Royaume uni et des puissances financières.

Après l’Acte unique, l’Europe adoptera le Traité de Maastricht pour se mettre au diapason de cette course folle aux profits financiers, aux conflits guerriers et aux délocalisations industrielles. Les gouvernements successifs, le plus souvent sans y déroger, ont contribué ainsi à la déstructuration du potentiel industriel de la France. Dans le même temps, sous couvert d’ajustement aux critères de convergences mis au point par la toute puissante Commission, dont la composition est représentative de chaque gouvernement des Etats membres, ils se sont attaqués aux conquis de la Libération essentiellement à la protection sociale et aux services publics.

En bon chargés de mission, les gouvernements de la France ont scrupuleusement détricoté le programme du Conseil National de la Résistance comme Denis Kessler dirigeant du CNPF (ancêtre du MEDEF) recommandait de le faire. Nous avons tout entendu, sur les agents de la fonction publique traités de privilégiés, en nombre pléthorique, sur l’Etat providence trop généreux dont il fallait se passer, sur l’inefficience des services publics et la supériorité des opérateurs privés, sur les rigidités du code du travail et l’obsolescence du contrat de travail à durée indéterminée, sur la ringardise de la solidarité quand la pseudo modernité consistait à promouvoir l’individualisme… Seule comptait « la bonne santé économique » des sociétés du CAC 40 et leur capacité à distribuer des dividendes à des gros actionnaires insatiables.

Ce monde inégalitaire au possible, s’est épanoui dans le fracas des guerres, au mépris des êtres humains, des équilibres écologiques, de la planète. Le système capitaliste en est le cœur.

Pour autant, à l’heure de cette crise sanitaire sans précédent, sa faiblesse congénitale, caractérisée par sa nature antisociale et irrespectueuse du patrimoine environnemental, en fait plus que jamais un colosse aux pieds d’argile face aux exigences d’intérêt général. La propagation extrêmement rapide et à grande échelle de ce virus particulièrement contagieux vient de faire voler en éclats toutes les théories libérales développées jusqu’ici à grands renforts médiatiques et ces derniers mois, dans notre pays particulièrement, à coup de matraques et de lacrymogènes.

Les personnels soignants l’ont vécu à leurs dépens alors qu’ils dénonçaient la situation critique des hôpitaux et les risques encourus pour eux-mêmes et leurs patients. Le gouvernement ne les a pas écouté, les moyens budgétaires dévolus ont été réduits, les lits fermés, l’insuffisance de postes maintenue. Dans la période critique de l’épidémie le pire est à craindre. Il y a de quoi être en colère contre un gouvernement loin d’être à la hauteur des enjeux de la situation, sans oublier les précédents et notamment celui auquel nous devons la loi Bachelot, Hôpital Patient Santé Territoire (HPST), inscrite dans la non moins désastreuse Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP).

Oui il faudra rendre compte, par Commission d’enquête parlementaire mais pas seulement. La transparence est une exigence fondamentalement démocratique.

Expliquer aux personnels hospitaliers accablés, de surcroit par l’incurie gouvernementale, qu’ils ne seront pas oubliés dans le futur relève sinon du cynisme, de la provocation. Le vocabulaire martial notoirement indigeste dans les circonstances, l’est plus encore quand les piteuses voltes faces du gouvernement font ressortir son inconséquence.

Cela s’est vérifié dans la mise en œuvre tardive des nécessaires dispositions de confinement pour la population aussitôt contredites s’agissant des travailleurs appelés à se rendre aux usines, après un coup de rabot sur le code du travail, sans distinguer les activités vitales de celles qui ne le sont pas.

Cela s’est vérifié aussi dans son absence mortifère d’anticipation. Le manque de respirateurs, de masques de protection, de tests de dépistage ou de gel hydro alcoolique en découle. De fait, on s’aperçoit à postériori que les économies budgétaires doctement conseillées par la Cours des comptes et les délocalisations industrielles conduites par un patronat en mal de profits ont ramené la France à cette affligeante réalité.

L’Europe, dont on garde à l’esprit l’attitude à l’égard de la Grèce, elle aussi s’est totalement discréditée. Calée sur le dogme de la concurrence libre et non faussée, elle tourne le dos à ce que devrait être son ciment la coopération et la solidarité. Et là aussi, il s’envisage l’abandon momentané des politiques d’austérité et la levée de milliards d’euros destinés en majeur partie au soutien des banques et des entreprises.

Dans ce chamboulement, Édouard Philippe tenant s’il en est de la doxa budgétaire européenne en vient à parler de « grammaire » valable qu’en « temps de paix ». « Il faut un nouveau capitalisme, plus respectueux des personnes, plus soucieux de lutter contre les inégalités et plus respectueux de l'environnement ». Cette perle nous la devons à Bruno Le Maire qui se dit prêt à recourir aux nationalisations pour « protéger les grandes entreprises françaises ». Enfin, Emmanuel Macron constate que « cette pandémie révèle qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner, notre cadre de vie au fond, à d’autres, est une folie ».

Ne soyons pas naïfs, ces revirements d’opportunité ne sont pour l’instant que le produit du constat d’échec majeur de leur politique au bonheur des riches. Le contraste est d’autant plus violent que l’« effort de guerre », pour faire face aux besoins essentiels de la Nation, est avant tout celui des services publics et des professions les plus précaires, ceux-là même qui sont méprisés en « temps de paix ». Le comble est atteint avec le ministre de l’Action et des comptes publics, Gérald Darmanin qui refuse de rétablir l’ISF mais fait appel à la générosité de tous pour contribuer à « l’effort de solidarité de la nation envers les plus touchés ».

Dans le même temps, sur tout le territoire, l’entraide s’organise entre voisins pour assurer les courses et assister les personnes âgées. La solidarité se construit entre les associations et les services municipaux pour protéger les plus vulnérables. Les collectivités locales mobilisent leurs services pour fournir la meilleure réponse sanitaire possible. Chacun agit à son niveau instinctivement et c’est en définitive à travers cette proximité que la société parviendra à se redresser sans négliger ce qui doit relever de la solidarité nationale et relève de l’Etat.

Cette crise, fait ainsi émerger la perspective d’un futur nouveau fondé sur une alternative de progrès social, démocratique et écologique.

La relocalisation des productions doit prévaloir notamment pour les biens essentiels au fonctionnement de la Nation, pour les médicaments et les matériels médicaux, pour la nourriture et la production d’énergie. La France dispose des compétences et des savoirs, des terroirs et des ressources pour garantir cela. Aux « héros de la nation », applaudis quotidiennement en ces temps de crise à ces soignants, ces caissières, ces éboueurs, ces agriculteurs, et bien d’autres, il faut également proposer une vie meilleure, des salaires dignes de la reconnaissance actuellement manifestée. Ce serait un juste retour des choses.

L’intelligence collective et la solidarité active permettront de relever les défis sanitaires, sociaux, environnementaux. Le confinement nous montre que nous pouvons réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre et par là même les désordres climatiques. Cette crise sanitaire mondiale permet de réaliser que la cupidité, l’avidité des forces de l’argent ne font pas société. Les enquêtes d’opinion montrent qu’un nouveau modèle est plébiscité. Nous sommes donc à ce moment ou de grands changements politiques peuvent se produire mais cela ne se fera pas sans une mobilisation populaire puissante. Tout le monde peut dès aujourd’hui s’engager dans une organisation, le Parti communiste français en est, qui incarne cette volonté de rupture avec le libéralisme pour que dès la sortie de cette crise sanitaire nous construisions le changement social, démocratique et écologique de société.

Michel Stefani

 

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