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Michel Stefani

Déjouer les divisions que le débat sur le voile dévoile, redonner confiance en la République

6 Novembre 2019

Aux quatre coins du monde la colère des peuples résonne jusqu’à faire basculer les gouvernements corrompus serviteurs dociles d’un système capitaliste à bout de souffle.

Il est un pays où pour contenir la révolte, la classe dirigeante n’hésite pas à user de stratagèmes nauséabonds et dangereux. Ce pays a pourtant éclairé de ses Lumières progressistes l’action révolutionnaire des sans culottes et offert au monde la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Ce creuset républicain sera celui d’une devise Liberté Egalité Fraternité avant d’être celui de la laïcité. L’une et l’autre dans leurs principes singularisent la France et sont constitutives du vivre ensemble.

C’est cette richesse collective qui, façonnée dans les grands rendez vous populaires de notre histoire la Commune, le Front populaire, la Résistance et la Libération… avec toutes ses conquêtes sociales et démocratiques, est aujourd’hui lamentablement attaquée dans ses fondements par des politiques inégalitaires à l’avantage des plus riches. Ces derniers ont le pouvoir. Pour maintenir leurs privilèges ils usent de manipulations idéologiques de dérivatifs jusqu’à l’overdose.

Zemour est devenu le véhicule de cette pensée d’extrême droite banalisée, encore tout récemment dans une « convention de la droite » abondamment médiatisée. Selon l’argumentaire étroit de ces affidés du régime de Vichy, le mal dans notre pays viendrait des personnes de confession musulmane et il aura fallu la diatribe de ce conseiller régional d’extrême droite exigeant, en dehors de tout cadre légal et devant son enfant, le dévoilement d’une maman accompagnatrice scolaire, pour que les adeptes de la pensée binaire se mettent à agiter la menace du « péril musulman ».

Les chaines dites « d’information continue » sont à la manœuvre. Le temps d’antenne est saturé par les bavardages réactionnaires de quelques habitués de ces plateaux toujours obsédés par des visions de femmes voilées et jamais préoccupés par les fins de mois impossibles de millions de nos concitoyens. Le travail parlementaire est ensuite pollué par une proposition de loi opportunément déposée par le groupe « Les Républicains » au Sénat visant à interdire le port du voile aux accompagnants en sortie scolaire.

Tout cela entretient un climat malsain dans lequel des apprentis sorcier passent à l’acte comme ce fut le cas à Bayonne avec ce militant d’extrême droite, ancien candidat du FN, qui a ciblé une mosquée et ses occupants en commettant un attentat.

La loi de 1905 est pourtant claire. Fondement du pacte républicain elle précise : « la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes ». C’est une reconnaissance du pluralisme religieux et de la neutralité de l’Etat à l’égard des Eglises. Elle est le résultat « d’un souci de pacification » selon l’expression d’Aristide Briand qui en fut le rapporteur.

L’enseignement public et laïc ne peut se soustraire à ces principes qui imposent la neutralité des programmes comme des enseignants dans les établissements scolaires. S’agissant des accompagnants scolaires le Conseil d’Etat, qui s’est prononcé à deux reprises, en 2004 et 2013, a retenu que n’étant pas des agents de la fonction publique, ils avaient toute latitude en matière vestimentaire. Le guide de la laïcité de l’Education nationale le confirme.

Le ministre de l’Education nationale ne pouvait l’ignorer quand publiquement il a affirmé : « le voile n’est pas souhaitable » avec cette formulation « ce n’est pas quelque chose d’interdit, mais ce n’est pas non plus quelque chose à encourager ». Ce faisant M. Blanquer, qui est censé appliquer la loi républicaine, édicte une norme sociale et vestimentaire à partir de son opinion contraire aux textes législatifs.

Jaurès s’interrogeait : "Qu’est-ce donc que la République ? C’est un grand acte de confiance et un grand acte d’audace".

En ce début de vingt et unième siècle nous voyons l’inverse se produire dans la défiance manifestée contre la population musulmane dont les faits et gestes sont interprétés, indistinctement à charge, comme des indices de « radicalisation ».

Le président de la République lui aussi joue avec les allumettes prêt de la pompe à essence en mélangeant immigration, religion, terrorisme et communautarisme. Cette confusion dont l’extrême-droite fait son miel – ouvre à la « société de vigilance » qui conduirait le citoyen à exercer les compétences dévolues à l’Etat et les classes populaires à s’épier entre elles. D’ailleurs, en fustigeant l’accompagnatrice voilée, l’élu extrême droite s’est situé sur le registre de la « vigilance citoyenne » pour justifier ses propos racistes et son comportement antirépublicain.

Depuis le prétendu « choc de civilisations » s’opère un retour à l’obscurantisme subventionné à coups de pétrodollars d’où ont émergé sous des masques religieux les forces politiques rétrogrades, réactionnaires et anti-démocratiques. S’y ajoute la résurgence des nationalismes et des replis identitaires. Les visées humanistes, émancipatrices et universalistes sont ainsi phagocytées.

Demander à la République de s’immiscer dans l’intimité des consciences c’est faire fi de cette évidence et créer un précédent contraire au principe de séparation des Eglises et de l’Etat régit par la loi. Etablir une grille des motivations qui prévalent, individuellement, au port du voile serait de fait incongru. Sans entrer dans les stigmates des guerres et conquêtes coloniales de dépossession des ressources naturelles, elles peuvent être multiples, culturelles, cultuelles, dans l’affirmation ou l’effacement de soi, dans l’expression d’un mal être...

L’école est justement le lieu de la rencontre entre les parents à la porte des établissements, dans les associations de parents d’élèves, les conseils d’école. Cela permet de se parler, de se comprendre mieux et de ne laisser aucune personne isolée ou s’isoler parce que considérée en citoyen à égalité de droits.

La classe dirigeante et son allié objectif l’extrême droite raciste et démagogue agissent inversement pour empêcher les milieux populaires de voir l’intérêt de leur union pour combattre l’oppression féroce exercée par le capital sur leurs conditions d’existence. Pour déjouer ce piège et les divisions que ce débat sur le voile dévoile, les progressistes se doivent de créer les conditions d’une union populaire et par la même de redonner confiance en la République.

Michel STEFANI

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