Hommage à Pierre Jean Albertini

La disparition de Pierre Jean Albertini, notre cher Pierre Jean, est un moment d’une grande tristesse qui affecte tous ceux qui l’ont connu et particulièrement les communistes. Nous perdons aujourd’hui un camarade de grande qualité dont l’engagement militant aura été exemplaire.
Pierre Jean est né ici à L’Oretu, ce village remarquable de la Casinca, en 1936 dans une modeste famille d’éleveurs au moment où en Europe le ciel déjà s’obscurcissait donnant plus de résonance au bruit des bottes frappant le sol au pas cadencés.
Les grandes conquêtes sociales du Front populaire, congés payés, semaine de 40 heures, conventions collectives, augmentations des salaires sont déjà remises en cause de la pire des façons par la collaboration.
Comme beaucoup d’enfants de sa génération Pierre Jean sera marqué par les profondes meurtrissures de la guerre et se fera sans cesse « passeur de mémoire » afin que la flamme de la Résistance portée si fièrement par les communistes dans la clandestinité ne s’éteigne pas.
Si tel était le cas, disait-il nous manquerions à nos devoirs à l’égard de celles et de ceux qui ont consenti le sacrifice suprême pour faire de la Corse le premier département de France à s’être libéré par une insurrection populaire.
Membre des Amis de la Résistance, Pierre Jean n’imaginait pas qu’on puisse tenir dans l’oubli les Jean Nicoli, Danielle Casanova, Dominique Vincetti… morts pour faire triompher leur idéal humaniste contre le fascisme.
Et effectivement il aimait rappeler que la Casinca, haut lieu de la Résistance, accueillait pas très loin d’ici, à Porri, l’imprimerie avec laquelle les tracts et les journaux étaient réalisés avant d’être distribués dans toute la Corse. C’est aussi à Porri qu’en mai 1943, à l’occasion d’une conférence de la direction clandestine du Parti communiste français, la décision sera prise d’appeler à l’insurrection populaire finalement déclenchée le 9 septembre 1943.
Jeune adolescent dans les années 50 Pierre Jean baigne dans cet atmosphère au moment ou il obtient son certificat de fin d’études alors que la France de l’après guerre est en pleine reconstruction. Une période nouvelle s’ouvre matricée par le programme du CNR intitulé : « les jours heureux ». Les ministres communistes dans le peu de temps ou ils sont au gouvernement mettent en œuvre la Sécurité Sociale, le statut de la fonction publique, le service public de l’énergie…
En 1956, Pierre Jean adhère au Parti communiste il a 20 ans. Rapidement il prend des responsabilités de secrétaire de cellule, de section et fédérales. Il restera membre de la direction départementale tant que ses forces le lui permettront. Il sera également de toutes les batailles électorales législatives, cantonales, municipales et régionales. En 1986, il sera élu à l’Assemblée de Corse.
Dans le cadre de ses responsabilités et à chaque étape de son engagement Pierre Jean s’efforcera de convaincre avec intelligence et arguments ses interlocuteurs comme ses contradicteurs gagnant ainsi l’estime de tous.
Moi-même, jeune élu à l’Assemblée de Corse en même temps que lui, j’ai pu profiter de son soutien, de son expérience et de ses encouragements. Pierre Jean était un militant aguerri mais de grande humilité. Echanger avec lui était toujours un plaisir et un enrichissement.
Il n’avait pas pour habitude de se mettre en avant mais récemment, à l’occasion du 50ème anniversaire du village de vacances de la CNRO, il évoquera avec moi ce que le Parti avec la CGT avaient fait pour l’implantation de cette structure du tourisme social. Il citera deux autres acteurs, Xavier Mattei et Albert Stefanini, qui ont également œuvré en ce sens.
Avec Emile Belgodere et Vincent Guelfucci il militera au MODEF le syndicat des exploitants familiaux en sa qualité d’éleveur charcutier. Il voyait bien la nécessité de défendre l’agriculture paysanne pour produire de la qualité et par la main de l’homme préserver cette nature si généreuse pour peu qu’on la respecte.
Récemment encore il s’inquiétait de ne plus pouvoir faire son jardin. L’avenir du monde rural, Pierre Jean en était convaincu, passait à ses yeux par le maintien de ces activités agricoles et artisanales accompagné par une présence forte du service public.
La Corse dans les années 60/70 est en effervescence entre le Mouvement du 29 novembre, le CAPCO, le MRI… Le Parti communiste, avec Albert Ferracci et Albert Stefanini, anime le mouvement populaire. Pierre Jean se trouvera dans ces combats pour le progrès social.
Les luttes se développent avec les mineurs de Canari, contre les essais nucléaires dans l’Argentella, plus tard pour dénoncer les rejets des boues rouge de la Montedison. Comme dix ans auparavant, par milliers les Corses envahiront les rues de Bastia, d’Ajaccio et de Calvi pour la sauvegarde du Chemin de fer finalement arrachée en 1970.
Ces années sont enfin celles ou s’affirmera la volonté de sauver notre langue. Pierre Jean se plaisait à dire combien il avait pu, avec Ghjuvan Teramu Rocchi, en saisir toute la richesse et par la même agir pour préserver ce patrimoine remarquable en militant pour le bilinguisme.
Toujours disponible pour le Parti, il se souvenait avec bonheur de ces années militantes couronnées de succès électoraux mais aussi de revers qui n’entamaient pas sa détermination et son attachement à l’idéal communiste auquel il avait adhéré dans sa jeunesse.
Pierre Jean était un homme attachant, une belle personne, un serviteur désintéressé et fraternel de la cause commune généreux et bienveillant. A tous ceux qui luttent pour un monde meilleur, il laisse avec cette vie exemplaire une formidable promesse d’espoir pour la justice sociale et la libération humaine.
Issu mumentu, di tristezza qui chi stringhje u core aveme dinù issu ritratu di te Pierre Jean, issa maghjina bellissima qui chi schiarisce l’avene. Di siguru, nant’à sa terra di u L’Oretu, induve ci so e to radiche, ripuserai in pace. Avvedeci o Pierre Jean.
Michel STEFANI
le 5 juin 2019