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Michel Stefani

Faire baisser les prix en Corse : c’est possible !

25 Janvier 2019

Corse Matin propose d’ouvrir un espace au débat dans ses colonnes en y publiant des contributions de lecteurs. Voici celle que j’ai adressée au quotidien régional.

L’augmentation des taxes sur le carburant et plus largement du prix de l’énergie à destination des particuliers a soulevé une légitime colère dans tout le pays contre un gouvernement en recherche de compensations des cadeaux consentis aux plus riches. En Corse cette injustice sociale pèse doublement sur les ménages modestes du fait du détournement de la réfaction de TVA de 7 %. L’inspection générale des finances (IGF) dans son dernier rapport (Annexe 3) nous éclaire sur les mécanismes qui font que les carburants en Corse sont anormalement plus chers que sur le continent.

Le marché trop étroit est marqué par la saisonnalité, mais aussi et surtout par un alignement des prix à la pompe avec des marges moyennes plus élevées que sur le continent hors grandes et moyennes surfaces commerciales (GMS). Cette marge est de 13 centimes sur le SP 95 comme sur le gasoil alors que sur le continent elle est de 8 centimes sur SP 95 et de 7 centimes sur le gasoil. Cet écart reporté à la consommation régionale de 300 000 tonnes représente une ponction supplémentaire dans la poche des ménages insulaires de l’ordre de 16.5 millions d’euros par an. La Collectivité de Corse (CdC) ayant renoncé à l’augmentation de la TICPE s’y ajoute 1 million d’euros.

Les seules contraintes logistiques, la saisonnalité et l’étroitesse du marché n’expliquent pas tout. Ces contraintes représenteraient, selon l’IGF, 3 % du prix TTC à la pompe en Corse contre 1 % sur le continent. Quant à la marge pratiquée par les distributeurs, elle est de 8 % en Corse contre 3 % en GMS et 5 % hors GMS sur le continent. S’agissant de l’impact de la Taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), elle obligerait suivant le cours du brent, nous dit le directeur de Rubis, un prélèvement de 30 centimes par litre. Mais l’IGF explique que cette taxe appliquée à la totalité des mises à la consommation en France métropolitaine par l’opérateur n’aurait qu’un impact résiduel en Corse.

En même temps, le dirigeant de Rubis reconnait que les dividendes versés aux actionnaires ont atteint les 20 Millions d’euros sur 7 ans soit prés de 3 Millions par an. Cela interpelle d’autant plus que l’absence de biocarburants en Corse découlerait d’une insuffisance d’investissements dans les structures de dépotage et de stockage. Est également constaté une concentration du fait du seuil de prise de participation à 75 % de la société Rubis dans les dépôts pétroliers de Corse (DPLC). Les 25 % restants appartiennent à Total et Esso. Enfin la filiale Vito de Rubis franchise 62 stations sur les 129 recensées en Corse. En 2014, la DIRRECTE de Corse a établi « un indice de pratiques anticoncurrentielles dans le secteur de la distribution de détail des carburants ».

Le 14 janvier le préfet de Haute Corse a annoncé à la conférence sociale qu’une enquête était ouverte sur les prix des carburants. Il était temps. Nous attendons que l’Etat en fasse de même sur les produits de consommation courante eux aussi soumis à une réfaction de TVA. En tout il est question de 194 Millions d’euros par an de solidarité nationale. De surcroit l’Office des transports et la CdC soutiennent que depuis 2 ans les tarifs au mètre linéaire ont baissé de 18 % sans aucune répercutions à la baisse sur le panier de la ménagère ce qui mécaniquement se traduit par l’augmentation des marges de la distribution et des transporteurs. C’est un autre scandale en soi d’autant plus que le franco de port doit s’appliquer aux marchandises entrant en Corse.

Aujourd’hui avec le consortium des patrons, s’est constitué en Corse un oligopole qui contrôle l’économie par la maitrise du transport, de la distribution et des prix dans la région de France métropolitaine la plus inégalitaire, la plus pauvre, où les salaires sont en moyenne les plus bas et le nombre de contributeurs à l’ISF en augmentation de 150 % ces 10 dernières années.

En 1989 la Corse a connu le plus grand mouvement social de son histoire en raison de la cherté de la vie. Par conséquent il revient à l’Etat, qui n’a que trop tardé, de faire toute la clarté sur un scandale financier de très grande ampleur depuis la libéralisation des prix en 1986 pour :

  • stopper le détournement de réfactions de TVA au détriment du panier de la ménagère et de l’automobiliste ;
  • rétablir le contrôle des prix temporairement sur tous les produits de consommation courante et sous l’autorité du préfet faire que le prix moyen journalier des carburants soit aligné sur celui du continent avant application de la réfaction de TVA de 7 % ;
  • prélever une surtaxe sur le bénéfice net de Total qui est de 10 milliards en 2017 ;
  • favoriser les transports en commun et la gratuité.

Michel STEFANI

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