Cherté de la vie, pauvreté, précarité il faut vite des mesures de progrès social

Après avoir misé sur l’affaiblissement de la mobilisation des gilets jaunes, le président de la République a senti qu’il faisait fausse route et a décidé de s’adresser directement aux français à travers une lettre déclinant un contenu à débattre dans le cadre d’une « consultation nationale » ouverte jusqu’au mois d’avril. Reprenant à son compte l’initiative des maires et des cahiers de doléance, il prétend vouloir poser les bases d’un « nouveau contrat pour la Nation » structurant l’action du gouvernement et du Parlement ainsi que les positions de la France aux plans européen et international. Emmanuel Macron invite à examiner « quatre grands thèmes qui couvrent beaucoup des grands enjeux de la nation : la fiscalité et les dépenses publiques, l’organisation de l’Etat et des services publics, la transition écologique, la démocratie et la citoyenneté ».
Cependant, il décrète intouchables les réformes qui modifient le pacte social républicain comme le code du travail, la protection sociale, la retraite et la suppression de l’ISF. « Nous ne reviendrons pas sur les mesures que nous avons prises … afin d’encourager l’investissement et faire que le travail paie davantage. » Autrement dit, il ne sortira pas des logiques libérales et de sa politique au service des plus fortunés. « Je n’ai pas oublié que j’ai été élu sur un projet, sur de grandes orientations auxquelles je demeure fidèle… Sur ces grandes orientations, ma détermination n’a pas changé. » S’agissant de la fiscalité qu’il veut rendre « plus juste et plus efficace » avec cette précision de fermeture « Nous ne pouvons, quoi qu’il en soit, poursuivre les baisses d’impôt sans baisser le niveau global de notre dépense publique ».
Rétablir l’ISF, n’y pensez pas, s’attaquer à l’évasion fiscale et aux dividendes mirobolants des groupes du CAC 40 encore moins. Inquiétude aussi, à propos du « vivre ensemble » et de l’accueil de « ceux qui, nés ailleurs, ont fait le choix de la France… ». Un choix qu’il verrait bien encadré par des objectifs annuels votés par le Parlement parce que « la tradition est aujourd’hui bousculée par des tensions et des doutes liés à l’immigration et aux défaillances de notre système d’intégration ». Ici s’ajoute le « renforcement des principes de la laïcité française, dans le rapport entre l’Etat et les religions de notre pays ».
Avec « sa lettre aux Français » Emmanuel Macron veut rétablir le lien rompu avec le peuple en passant par les élus de proximité, mais il prévient « la consultation populaire n’est ni une élection ni un référendum ». « Les maires auront un rôle essentiel car ils sont vos élus et donc l’intermédiaire légitime de l’expression des citoyens ». Mais sur le long terme la réflexion proposée touche la suppression « d’échelons administratifs ou de collectivités locales » sans revenir sur la baisse des moyens humains et financiers qui les rend exsangue.
Retour au fameux « pacte girondin », l’assèchement de la démocratie représentative et la crise qu’elle traverse demeurent sans qu’aucune proposition ne soit à la hauteur du défi démocratique posé. « Quelle est la bonne dose de proportionnelle aux élections législatives pour une représentation plus juste de tous les projets politiques ? Faut-il, et dans quelles proportions, limiter le nombre de parlementaires ou d’autres catégories d’élus ? ». Tout cela est bien loin de l’impulsion démocratique dont le pays a besoin. Dés lors, le Président, son gouvernement et leur majorité, exposent dangereusement la République alors qu’il faudrait la libérer de l’actuelle Constitution et de la politique libérale.
Voila comment dans ce « grand débat national », si la préservation des intérêts du monde des affaires reste primordiale, l’extrême droite trouvera encore matière à prospérer. La recherche de la bipolarisation en l’utilisant comme repoussoir n’est pas nouvelle. Tout en sclérosant la démocratie, cela permet la recomposition politique et en définitive la continuité des choix gouvernementaux et européens socialement désastreux. En même temps, Emmanuel Macron, sans déroger à sa politique, voire en accélérant, en profite pour s’affirmer garant de l’ordre et des libertés. « Si tout le monde agresse tout le monde, la société se défait ! » dit-il. Sauf qu’avec « son projet » les inégalités sociales et territoriales se creusent et la société se fracture d’autant plus.
C’est d’autant plus vrai en Corse où le nombre de contributeurs à l’ISF a augmenté de 150 % en 10 ans et où le taux de pauvreté dépasse les 20 % de la population. L’acte 1 de la Conférence sociale initiée par la Collectivité territoriale et le CESEC partant de là est à la recherche d’un diagnostique partagé sur la cherté les carburants et les biens de consommation quotidienne pour lesquels les taux minorés de TVA n’ont aucun effet à l’avantage des consommateurs. En tout 194 millions d’euros s’évaporent avant que les marchandises n’arrivent dans le panier de la ménagère ou le carburant dans le réservoir de la voiture. Il faut effectivement que la transparence soit faite que le détournement de cette part de solidarité nationale soit interrompu pour rendre du pouvoir d’achat aux ménages insulaires. Le scandale dure depuis plus de 30 ans sans que l’Etat ne se soucie de la destination de cet argent à d’autres fins que l’intérêt général. Une enquête est en cours mais déjà le dernier rapport de l’Inspection générale des finances a dressé un état des lieux assez éclairant pour ne pas perdre de temps.
Il faut en conséquence entrer dans ces débats pour y porter l’exigence de justice sociale et de justice fiscale indissociablement. Cette consultation populaire doit devenir le point d’appui pour modifier le rapport de force politique en ce sens et permettre l’émergence d’une alternative de gauche démocratique et solidaire à partir du pouvoir d’achat, pour revenir au juste partage des richesses, à l’augmentation des salaires et des pensions, à l’ISF, au CICE et à l’évasion fiscale.
Michel Stefani