Macron : c’est retour au pouvoir monarchique plutôt qu’épanouissement de la démocratie

Le Premier ministre a présenté le projet de réforme institutionnelle voulu par Jupiter et le MEDEF. L’objectif de celle-ci est, dans le prolongement de la création des grandes régions de taille européenne, de poursuivre l’adaptation au dogme libéral de mise en concurrence tous azimuts des territoires et d’assèchement de la solidarité nationale.
Le fameux « pacte girondin » répond avant tout à cette exigence en contradiction avec les principes de la décentralisation pour concentrer le pouvoir local aux niveaux intercommunal et régional sans toutefois affaiblir celui du président de la République dans la cadre national comme européen face à l’omnipotente Commission et à son président.
Les points forts de la démarche se situeraient dans :
- la réduction du nombre de parlementaires ;
- la diminution de leurs prérogatives dans l’élaboration du budget et de la loi ;
- le non cumul de mandat dans le temps.
Après quoi il est question « d’approfondir la démocratie » et au nom de « l’efficacité » de procéder au toilettage de l’activité du Parlement. « Le vote du Budget sera plus rapide mais un temps plus long sera consacré à son évaluation. Les textes les plus urgents pourront bénéficier d'une inscription prioritaire à l'ordre du jour… Comme au Sénat, la discussion en séance pourra être focalisée sur les points principaux ».
Sur cette pente là, au mépris de l’équilibre des pouvoirs, c’est retour au pouvoir monarchique plutôt qu’épanouissement de la démocratie. La crise politique et démocratique dans laquelle le pays se trouve ne s’effacera pas de sitôt. Le Premier ministre nous dit ni retour à la 4ème pour éviter l’instabilité soit, l’Italie et l’Allemagne en ont fait la démonstration, ni 6ème République pour en fait ne pas aborder sérieusement la question posée.
La proportionnelle à dose homéopathique n’est qu’un habillage grossier de la volonté de renforcer la bipolarisation sans risque pour le système libéral et non pas de permettre la juste représentation de la diversité politique et des territoires puisque 200 circonscriptions au bas mot doivent disparaître. Concrètement, le nombre de députés devrait passer de 577 à 404. Parmi ceux-ci 60 seulement seraient élus à la proportionnelle. Les sénateurs seront 244 au lieu de 348 actuellement.
La réforme comprendra trois volets :
- Un projet de loi ordinaire introduira la proportionnelle et la nouvelle carte électorale ;
- Un projet de loi organique établira le nombre de parlementaires et le non-cumul de mandat dans le temps, applicable en 2032 sauf pour les maires des communes de moins de 9000 habitants ;
- La révision constitutionnelle supprimera la Cour de justice de la République (CJR), réformera le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), modifiera la Conseil économique, social et environnemental (CESE), mentionnera la Corse dans un article spécifique et fera de la lutte contre le réchauffement climatique un impératif.
La Corse, noyée au milieu de ce fourre-tout devrait en conséquence se retrouver à peu de choses prés là ou elle est aujourd’hui au plan institutionnel, forte de son statut, mais sans disposer de « l’habilitation permanente » lui ouvrant le pouvoir de légiférer par dérogation pour modifier la loi et le règlement.
C’est un coup dur pour la majorité régionale nationaliste qui aussitôt réélue a vu dans cette réforme constitutionnelle « une fenêtre de tir » pour obtenir, sans consultation des Corses, une « autonomie de plein droit et de plein exercice » permettant ensuite d’aboutir à des droits politiques différents basés sur le statut de résident.
Confusément, était aussi affirmée la nécessité de pouvoir extraire la Corse de « la dépendance » à la France et lui laisser calquer son avenir sur celui d’autres territoires insulaires européens. Pour autant, il n’a jamais été expliqué par quoi la solidarité nationale serait remplacée dans les domaines de la protection sociale, de la santé, des services publics, de l’éducation nationale, de l’énergie…
Quand bien même elle disposerait de toute la compétence fiscale, les ressources propres de la Corse, hors péréquation nationale, n’y suffiraient pas, sauf à augmenter considérablement la pression fiscale. Les plus modestes, déjà lourdement impactés par les effets de la cherté de la vie, de la précarité et de la pauvreté, seraient encore plus accablés par les difficultés à se soigner, se loger, se nourrir ou se déplacer.
Voila pourquoi mettre en cause la solidarité nationale n’est pas bon pour la Corse et lutter contre les inégalités passe forcément par un contrôle de ce qu’elle devient ici s’agissant de la richesse qu’elle permet de produire et de sa captation par quelques uns qui fait obstacle à sa juste répartition. Cela n’implique aucune réforme institutionnelle voire constitutionnelle.
La collectivité de Corse devrait donc être autorisée, après inscription nominative dans la Constitution, « à adapter les lois de la République aux spécificités insulaires sous le contrôle du Parlement ». Il n’a été rien dit de plus sur l’article en question.
Après évaluation du Conseil d'Etat et les éventuelles corrections qu’il peut y introduire, la réforme dans son ensemble sera formellement soumise le 9 mai au Conseil des ministres et en première lecture au Parlement avant ce mois de juillet pour être finalisée en 2019.
Nous ne sommes donc qu’à la première étape du processus et le président de la République peut encore faire le choix du référendum dans ce cas avec un tel contenu on ne peut dire que NON. Par la voie du Congrès la bataille sera différente mais toujours avec ce contenu le vote contre est le seul possible. Enfin concernant la Corse dans le cas ou ce qui la concerne est validé, d’une manière ou d’une autre, le dernier mot doit revenir aux Corses. Pour ce faire, il faudra organiser une consultation d’initiative locale.
Michel Stefani