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Michel Stefani

La cinquième... diversion

3 Mars 2018

Depuis le mois d’août 2017 la Corse est dans l’expectative d’une 5ème réforme institutionnelle. En pleine chaleur estivale il était question d’autodétermination. Les nationalistes avaient choisi d’entrer en campagne électorale sur ce thème et même si les événements de Catalogne ont pu paraitre ici préoccupants, on ne peut pas dire qu’ici ils ont été dissuasifs.

A tel point que la droite, les macronistes et quelques élus radicaux, en mal de représentation élective, ont foncé dans le panneau allant même jusqu’à imaginer « un front républicain » qui explosera ramenant toutes ces supputations à la juste proportion de manœuvres politiciennes.

Le scrutin a eu lieu un électeur sur deux n’a pas voté mais, pour la première fois, il s’est dégagé une majorité nette qui donne la possibilité d’exercer les abondantes compétences de la Collectivité unique sans trop s’inquiéter des opposants au demeurant phagocytés, eux aussi, par les dogmes du libéralisme à tous crins.

De par la loi, la Corse dispose de compétences dans les domaines de l’éducation et de la formation, de la communication et du numérique, de la culture et de l’audiovisuel, de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme, de l’agriculture, du logement, des transports, de l’emploi et de l’énergie. Aucune autre région métropolitaine n’en dispose d’autant.

A cet instant, il est à craindre que la période d’apprentissage de la Collectivité unique ne s’éternise, au détriment de l’action publique qu’elles impliquent, mais aussi de l’action sociale héritée des Conseils départementaux ou de l’harmonisation des services et des règles statutaires des agents.

La Ministre Jacqueline Gourault a beau jeu de dire : « La collectivité de Corse doit se saisir dès à présent de ses compétences élargies, sans attendre l’aboutissement de la réforme constitutionnelle. Il revient aux élus et à l’État de répondre aux attentes de la population : les Corses méritent que l’action débute dès maintenant ! ».

De fait, voila les nouveaux élus tout absorbés par cette réforme et pris dans un calendrier qui une nouvelle fois ne laisse que peu de place à la démocratie puisque à ce jour personne à par les communistes n’envisage de consulter le Corses (1) aussi bien du coté du gouvernement que l’Assemblée de Corse.

Il y a de la précipitation. La fenêtre de tir n’est ouverte que pour six mois. Tant pis si la Corse se retrouve au milieu d’un tohubohu mêlant : cumul de mandat des élus, diminution de la représentation parlementaire et mode de scrutin… peut être quelques ajustements consécutifs à la réorganisation administratives et institutionnelles pour stimuler la concurrence entre les nouvelles grandes régions.

La précipitation est l’ennemi de la démocratie mais aussi de la transparence et on entend beaucoup de choses au prétexte que la Corse doive trouver sa place dans la République comme si l’histoire et le peuple n’avaient pas tranché cette question à tout le moins en 1943. Pour ce faire, il faudrait une mention nominative dans la Constitution à l’article 72 avec un renvoi à l’article 74 ouvrant là la possibilité de déroger au règlement et d’adapter la loi autant que besoin dans un champ défini par une loi organique.

Le rapport de Madame Mastor fait état des domaines foncier, fiscal et linguistique mais pour le président de l’Assemblée de Corse : « L’enjeu essentiel de la négociation actuelle est d’obtenir, grâce au dispositif que nous proposons, les moyens de traiter à travers des mesures spécifiques les problèmes concrets que rencontrent les Corses, notamment dans les domaines de la fiscalité du patrimoine, du statut fiscal et social, du foncier, de l'environnement, de la langue, de l’éducation, de l'emploi ou encore de la santé publique ».

Comment ne pas s’interroger alors que la question centrale de la solidarité nationale est évacuée dans les propos affirmant que le moment est venu de rompre avec « la dépendance » pour conduire la Corse sur le chemin d’un Etat région.

Sur ce toboggan qu’en sera-t-il de la protection sociale, de la santé, du logement social, de la production énergétique, de l’éducation, des transports publics aériens, maritimes et ferroviaires ? Car effectivement dans ce cadre « l’autonomie de plein droit et de plein exercice » devrait conduire la Collectivité unique à compter plus sur ses ressources financières propres. Et ce n’est pas, dans un contexte européen plombé par le brexit, que celles-ci seront abondées. La présidence bulgare de l’Union européenne n’en changera pas les critères budgétaires et le déplacement de l’Exécutif de Corse en Bulgarie, pour nécessaire qu’il fut, trouve ainsi ses limites dans l’austérité.

L’Italie étant souvent citée en référence, le président de la Région du Val d’Aoste, après sa rencontre avec le président de l’Assemblée de Corse, nous éclaire. Joël Farcoz explique : « Certes nous avons une fiscalité propre, puisque nous pouvons lever l’impôt mais le 10/10ème qui devrait nous revenir, ne se traduit pas dans les faits notamment depuis la crise économique. Du coup le budget régional (ndlr 1 milliard 300 millions d’euros par an de 2014 et 2016) a été amputé de 40 % entre 2010 et 2016 ».

Face à l’urgence sociale, toujours plus accentuée après quatre réformes institutionnelles, la Corse aurait sans doute pu faire l’économie d’une cinquième… diversion.

Michel Stefani

(1) voir : http://terrecorse.tumblr.com/post/171345037710/contribution-du-pcf-et-des-%C3%A9lus-communistes-dans

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