A l’opposée de la grandeur morale
La solennité du moment, la force des mots, la dignité, traversée par l’émotion dans le propos de Madame Erignac entourée de ses enfants, ont marqué l’hommage de la République rendu au préfet Claude Erignac assassiné lâchement le 6 février 1998 en « ce lieu maudit » dira sa veuve sans haine mais dans la douleur indescriptible et imprescriptible.
Un olivier là ou le sang s’est répandu après l’acte abject d’un « commando terroriste de nationalistes corses ». Un symbole de « paix et de fraternité » à l’endroit même ou cet homme « grand serviteur de l’Etat » s’est fait ôter la vie au prétexte de sa fonction. Cela ne peut se justifier.
« La République rend hommage à l‘un des siens » avec cette gravité soulignée par le président de la République car il est « le seul préfet assassiné en temps de paix ». Ignominieux, dans cette Corse où les patriotes se sont levés avant le peuple insurgé pour se libérer de l’occupation fasciste d’une Italie mussolinienne et d’une Allemagne hitlérienne.
Après ce 9 septembre 1943, ces patriotes corses prolongeront leur Résistance afin d’accomplir la Libération de la France affirmant ainsi leur attachement à la Nation et à sa reconnaissance à la table des « Nations libres ».
C’est bien à la mesure de la gravité du moment que le 11 février 1998 les Corses, par dizaines de milliers, ont envahi les rues de Bastia et Ajaccio « pour dire leur colère, leur dégoût, sans banderole, sans discours, dans le silence d'un deuil profond » rappelle le président de la République.
« Depuis vingt ans, il ne nous est permis de vivre qu’avec la mort de Claude et son absence : c’est la peine à laquelle les terroristes nous ont condamnés tous les trois ». Madame Erignac, ses enfants, refusent de considérer « comme [elle l’a] lu, que la page est tournée. Comment pourrait-elle l’être, alors qu’elle est tachée de sang ? ».
Réaffirmer les valeurs de la République quand l’objectif est de l’abattre « c’est dire que la République n’oublie pas et n’oubliera pas ». Reste « la vie » dira-t-elle et « une forme de tranquillité, mais surtout le souvenir » en ce lieu symbolique « que j’ai voulu ouvert » et désormais nommé Place Claude Erignac.
A l’opposée de cette grandeur morale il y a l’image hideuse de l’irrespect, de l’intolérance et de la haine. Un post sur un compte Facebook, d’une infâme bassesse à l’égard de Madame Erignac qualifiée de « symbole de la femme française. Ces courageuses femmes françaises qui, de 1940 à 1944, réussirent à faire 400 000 petits bâtards aux valeureux soldats du 3ème Reich ». Le nationaliste Charles Pieri serait l’auteur de ces propos dignes des écrits racistes, fascistes de l'extrême-droite et des irrédentistes corses des années 20. La suite est connue. Ignoble.
Michel Stefani