« Ouvrir une perspective à gauche »

A travers un tweet assassin, Jean Luc Mélenchon a dénoncé le rapprochement entre communistes et insoumis en vue des territoriales qu’il qualifie de tambouille. Michel Stefani, secrétaire régional du PCF, nous livre son sentiment.
interview parue dans le Petit Bastiais N°695 du 11 septembre 2017
Comment réagissez-vous aux propos de Jean Luc Mélenchon ?
Tout le monde a été surpris par la virulence du propos. Nous avons des échanges avec les représentants de la FI depuis le 17 juillet. Nous avions compris que les instances nationales de la FI étaient informées de ces échanges. Je vous laisse imaginer ce qui aurait été dit si Pierre Laurent avait tenu les mêmes propos…
Jean Luc Mélenchon parle de tambouille électorale ?
En premier lieu ce sont les représentants en Corse de la FI qui doivent se sentir désavoués. De notre point de vue c’est différent puisque nous avons répondu favorablement à leur sollicitation sans arrière pensée politicienne avec la volonté d’aboutir en toute transparence à la fois sur le contenu de la démarche et sa concrétisation par une liste commune.
Divisés aux législatives n’en reste-t-il pas des séquelles ?
Nous avons considéré qu’il fallait rassembler les forces susceptibles en Corse de s’opposer à la majorité régionale nationaliste et à la politique désastreuse du gouvernement Macron Philippe et d’ouvrir une perspective à gauche sur un contenu antilibéral et antiaustérité.
Le national n’interfère t-il pas dans vos démarches ?
Cette élection à lieu en Corse ce sera effectivement la première sur une circonscription régionale depuis l’élection de Macron. Permettre aux électrices et aux électeurs de se saisir ici de la possibilité de sanctionner la politique socialement désastreuse du gouvernement est ainsi la question centrale au moment ou déferlent les mauvais coups : casse du code du travail, augmentation de la CSG, suppression de 150 000 emplois aidés, baisse des dotations aux collectivités locales…
J’évoquais les rapports entre le PC et la FI Jean Luc Mélenchon…
Nous voulons rassembler pas diviser. Notre mode de fonctionnement au PCF nous laisse toute latitude localement pour travailler à l’élaboration de ce projet pour la Corse avec d’autres forces ou personnalités. Bien sur nous sommes en relations avec le Conseil National mais ce dernier ne nous dicte pas notre conduite.
Vous avez marqué votre différence sur quelques points qui relèvent plus précisément de questions régionales notamment « le droit à l’autodétermination » ou « la solution politique négociée » « l’amnistie » ?
Nous nous sommes exprimés sur toutes ces questions et nous pouvons le faire à nouveau mais ce n’est pas la même chose d’être en capacité d’y répondre ou de les faire apparaître dans notre propre projet pour la Corse. Nous pensons que nous devons nous concentrer sur la question sociale.
Vous ne craignez pas la critique vous situant dans l’immobilisme ?
L’immobilisme, compte tenu de l’urgence sociale, c’est de ne rien faire pour combattre les inégalités en Corse. En cinq ans le nombre de foyers imposés sur le revenu à hauteur de 180 000 euros est passé de 1600 à 1800, autre exemple les 194 M€ de réfactions de TVA sont toujours détournés au détriment du pouvoir d’achat des ménages alors que la cherté de la vie et une donnée récurrente… lorsque 22 % des ménages ont des revenus inférieur au seuil de pauvreté la priorité c’est de s’attaquer à ces problèmes…
Parlons de la réforme institutionnelle après le 1er janvier 2018
A cette date la Collectivité de Corse sera installée sans même que les Corses aient pu, contrairement à 2003, valider par référendum cette évolution institutionnelle comparable. Ce vice ajoute à l’inquiétude au-delà de la concentration du pouvoir contraire aux principes de décentralisation. Le premier retour au concret sera budgétaire. Le gouvernement Macron-Philippe veut économiser 13 milliards sur les collectivités locales, l’autonomie de financière de la future collectivité n’est pas garantie et le stock d’emprunt de la CTC dépasse les 600 M€.
Justement un nouveau statut est réclamé pour surmonter ces difficultés
La demande s’inscrit dans la perspective du « pacte girondin » annoncé par le président de la République dont les fondements ne diffèrent pas de ceux qui ont prévalu avec la création des mégas régions de plus en plus tournées vers un fédéralisme européen régi par une concurrence exacerbée contraire à l’expression de la solidarité nationale. Nous voyons les choses différemment car pour les plus défavorisés la solidarité nationale est indispensable.
Vous proposez quoi ?
Une autre répartition de la richesse pour rétablir la justice sociale. Outre les dispositifs fiscaux, le versement chaque année d’environ 100 M€ d’aides aux entreprises pose question au regard de l’impact peu convaincant en termes d’emplois stables créés, de salaires décents ou de formation. Nous pensons qu’il serait plus efficace de constituer avec ces aides dispersées un seul Fonds régional les regroupant et portant l’exigence de contreparties sociales et qualitatives sur l’emploi, la formation et les salaires.
Vous ne tenez pas compte de la spécificité insulaire !
Au contraire nous en tenons compte, non pas d’un point de vue identitaire mais social. Les politiques publiques nationales et locales doivent tendre en priorité à rééquilibrer le modèle économique de la Corse pour développer un secteur productif industriel et stabilisateur pour l’emploi aujourd’hui sur-précarisé dans le privé. Développer ces activités, respectueuses des exigences écologiques, nécessite un maillage du territoire par une présence des services publics dense et un aménagement en infrastructures conséquents.
Vous vous situez à gauche cela a-t-il encore du sens ?
Ceux qui ne veulent plus de repères œuvrent en définitive au maintien de l’ordre établi au détriment des travailleurs et des ménages populaires. L’histoire politique dans notre pays montre que la gauche, lorsqu’elle ne trahit pas ses engagements, est toujours du côté des opprimés face à la droite et à ses satellites du centre et de l’extrême droite. Mais cela implique que le parti communiste soit fort et influent.