Mouvement et mutation des néo-CAPESiens

L'assemblée de Corse était appelée à se prononcer sur une motion déposée par son Président concernant les jeunes enseignants. Le temps imparti dans ce cadre étant limité l'intervention n'a pu être prononcée en totalité. Vous pouvez la lire ci-dessous dans son intégralité.
Intervention rédigée avec Charles Casabianca syndicaliste FSU
Notre opposition au cadre normatif spécifique est connue pour une raison simple qui, sans entrer dans une longue explication, consiste à défendre le principe d’unicité de l’Education Nationale comme l’affirmation inscrite au préambule de la Constitution de 1958 spécifiant que « l'organisation de l'enseignement public gratuit et laïc à tous les degrés est un devoir de l'État la nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à la formation professionnelle et à la culture ».
Néanmoins sur l’aspect précis de la motion et de la difficulté qui nous a été exposée hier par les jeunes CAPESiens nous pensons que la mise en place de ce cadre normatif spécifique rendrait par la force des choses le concours de recrutement régional au lieu de national et par conséquent inopérant au regard de cette difficulté.
Les étudiants qui se destinent aux métiers de l’éducation seraient en effet obligés, pour intégrer l’Éducation nationale, de passer leur concours sur le continent rendant de fait leur chance de retour en Corse quasiment nulle, puisque les postes offerts seraient ouverts au niveau national. Il suffit de voir les difficultés que rencontrent les enseignants du primaire, originaires de Corse, qui souhaitent revenir.
Concernant la mise en place d’un barème spécifique, il nous semble important de souligner que seuls le STC et l’APC souhaitent « la mise en place d’un barème prenant en compte de manière significative les critères liés aux Centres d’Intérêts Matériels et Moraux, de scolarité et linguistique de ces néo-capésiens ». Par conséquent, il n’y a pas unanimité sur ce point.
Pour ce qui est de l’attribution éventuelle de points supplémentaires à un enseignant au titre de l’attachement ou de l’origine, force est de constater que cette mesure serait totalement inopérante en l’absence, en Corse, de support ou de postes budgétaires permettant de l’accueillir. Cet enseignant, même surcoté au barème, serait donc contraint de partir dans une autre académie susceptible de l’accueillir.
Voilà pourquoi, les mesures spécifiques ne sont pas obligatoirement satisfaisantes. La mise en place du mouvement « spécifique corse » pour les filières bilingues en atteste : sur les 5 postes mis au mouvement lors de la phase inter-académique, seuls 3 candidatures ou demandes ont été enregistrées et donc deux postes non pas été pourvus.
Sur ce plan nous partageons la proposition de la FSU, consistant à lever le blocage sur le barème (1) « vœux unique corse » pour le rendre progressif dès la 3ème année avec une augmentation de 200 points. Cela faciliterait un retour ou une nomination dans le cadre du mouvement national du demandeur issu de notre académie.
Afin de ne plus gonfler artificiellement le ratio « enseignants/nombre d’élèves », il faudrait également ne plus comptabiliser les enseignants mis à disposition de l’Université dans les postes et effectifs du second degré. L’intégration de ces personnels dans le second degré permet au ministère d’afficher des sureffectifs d’enseignants dans le second degré alors que cela ne correspond pas à la réalité.
De même, il serait plus juste, dans le cadre de la spécificité de l’apprentissage généralisé de la langue corse de ne pas comptabiliser dans les ratios les postes de LCC (environ 150) et de favoriser une ouverture plus large sur les autres disciplines.
S’ajoute la nécessité de tenir compte non pas des vacataires, terme échu, mais des contractuels qui aspirent eux aussi, dans le cadre des concours internes, à intégrer l’Education nationale. Cela a été rendu possible pour de nombreux contractuels qui avaient 15 ans d’ancienneté et ont pu demeurer en Corse au bénéfice de la résorption de la précarité.
Dans cet esprit, nous proposons que les blocs de moyens horaires (ou BMP) équivalents à 18 h soient transformés en postes ou supports réservés aux lauréats des concours internes ou externes. Cela permettrait de les intégrer sous la forme du modèle d’ATP (affectation à titre provisoire) et de les maintenir dans l’académie y compris en l’absence de barème suffisant lors du mouvement inter-académique.
Par conséquent, la question qui se pose est la suivante : faut-il permettre d’intégrer l’Éducation nationale dans le cadre des postes mis au concours nationalement ou au contraire réclamer un recrutement par concours régional et prendre le risque, dans une académie sur-dotée selon le ministère, de voir les postes proposés en Corse réduits à un nombre dérisoire privant ainsi les jeunes corses d’intégrer le Service Public d’Education ?
Pour mémoire, toutes les formations ne sont pas proposées par l’université de Corté et son ESPE. Ainsi, dans le domaine technique et technologique de nombreux étudiants corses sont contraints d’intégrer ces filières sur le continent. Ainsi de nombreux enseignants ne répondraient plus aux critères.
Aujourd’hui, il existe de grosses difficultés dans ces disciplines, dites techniques, à pourvoir les postes. Aussi, ceux-ci sont assurés par des contractuels, sans M2 (Bac+5) et souvent du niveau baccalauréat. Grâce aux actions syndicales et la mise en place de plan de formations, de concours réservés ou internes, ces contractuels peuvent espérer sortir de la précarité et intégrer l’Education nationale.
Une étude prospective sur l’ouverture des postes est nécessaire et un bilan doit être fourni sur le taux de réussite aux concours des étudiants ou contractuels corses. Il serait également souhaitable que soit transmis le temps moyen pour « un retour en corse » suite à la réussite aux divers concours.
Au regard du vivier de contractuels du rectorat qui n’est guère fourni, voire vide dans de nombreuses disciplines, il faut effectivement s’interroger sur le fait qu’un faible nombre d’étudiants de Corte se destinent au métier d’enseignant dans les disciplines comme : les mathématiques, les SVT, la physique chimie, les lettres modernes, l’histoire géographie, les lettres classiques, l’éducation musicale, les arts plastiques, les arts appliqués etc.
De ce point de vue il serait intéressant, pour pouvoir évaluer les choses correctement, de connaitre le nombre d’étudiants inscrits à l’ESPE dans les disciplines du second degré ainsi que les disciplines qu’ils ont choisi ?
Pour conclure le concours national pose des contraintes connues. On peut comprendre que certains après l’avoir réussi veuillent rester en Corse mais il faut également tenir compte de ceux qui attendent pour rentrer.
En Corse, comme sur le continent, ce problème est chaque année récurent. Voilà pourquoi au bénéfice de l’instruction ministérielle de 2014 et de la transformation des BMP nous ne sommes pas opposés, à ce que certains puissent, dans la mesure du possible, rester en Corse et que les demandes des néo-titulaires soient examinées en ce sens par le Ministère.
Tel est le vœu que nous formulons à défaut de pouvoir voter cette motion pour les raisons précédemment exposées.
(1) (Barème actuel 600 pts pour une première demande, de 800 points pour la 2nd demande et de 1000 points à partir de la 3ème année ou demande).