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Michel Stefani

Compagnie régionale maritime ?

4 Juillet 2017

Bis repetitat, dans son compte rendu concernant le débat sur la création de SEM d’investissement dont l’objet sera d’acheter et de renouveler les navires de la continuité territoriale, la journaliste de Corse Matin fait le commentaire suivant : « dans l’hémicycle le rapport a été accueilli avec bienveillance. Outre la majorité régionale, le groupe le Rassemblement, les non-inscrits Christophe Canioni et Antoine Ottavi ont voté pour. Contre en revanche le groupe communiste (logiquement) le FN (logiquement également) et François Tatti… ». Je vous invite donc à lire mon intervention publiée ci-dessous et à vous faire votre opinion sur l’argumentation qui étaye notre position tout autant que sur cette façon singulière de la résumer pour ne pas dire de concevoir l’information…

Vous avez fait le choix d’un schéma d’organisation de la desserte de continuité territoriale maritime inédit mais complexe et nous voyons bien d’ailleurs à la lecture de ce rapport les dangers de cette complexité s’agissant :

  • de la maitrise des moyens navals et du niveau de renouvellement de la flotte
  • de la cession des navires de Corsica Linea Monte d’Oro et Paglia Orba dans le cadre de l’article 40 du précédent contrat de DSP non repris sous la menace des lourdes sanctions européennes.
  • de la séparation faite entre les ports principaux et les ports secondaires,
  • du respect des droits sociaux et collectifs des marins sous pavillon français premier registre qui ne sont appliqués et respectés qu’à la CMN et Corsica Línea.
  • des montages juridiques et leurs conséquences y compris celles inhérentes aux SEMOP inadaptées aux besoins d’une organisation cohérente de la desserte..

Ce schéma nous renvoie au débat que nous avons eu en juillet 2015 lorsqu’il était question de délibérer pour créer déjà une SEM d’investissement qui sous la fausse appellation de compagnie régionale répondait à la volonté politique de liquidation de la SNCM voulue par l’Exécutif précédent, le gouvernement et les actionnaires des deux compagnies délégataires du Service public.

La suite est connue, la logique libérale est passée, la compagnie a été liquidée et cédée dans des conditions sulfureuses au consortium des patrons corses après une nouvelle purge de 600 emplois en Corse et sur le continent. C’est le prix humain et social des excédents aujourd’hui réalisés pour laisser le monopole de la desserte à Corsica Ferries (CFF) et peut être demain faire plus de goudron et de béton.

Pour notre part, nous avions proposé de créer une véritable compagnie régionale publique avec la Corse, et PACA si elle le souhaitait, majoritairement au capital de la nouvelle société aux cotés des salariés, et des opérateurs industriels, en l’occurrence ceux retenus de gré ou de force sont tous des patrons corses. En septembre 2015, c’était encore réalisable dans la procédure de redressement judiciaire, nous avons déposé une motion en ce sens, notre groupe a été le seul à la voter.

L’objectif était de préserver une entité publique capable de garantir à l’autorité délégante, à travers une régulation accrue de la desserte définie par la CTC, la maitrise de ses choix conformément à ses compétences, face à la concurrence déloyale, à l’acharnement procédurier de CFF et à la volonté libérale de dérèglementation anti-service public pilotée avec la Commission européenne.

Nous n’en sommes pas là aujourd’hui, c’est évident, il suffit de voir les mouvements au port de Bastia 9 navires sur 10 qui y entrent sont sous pavillon italiens second registre. L’activité low cost et l’emploi des marins travailleurs détachés précaires sont désormais sanctuarisés sur les services passagers à 90 % et l’écrémage du fret en période creuse à plus de 30 %.

C’est donc dans ce panorama à présent bien installé que vos choix s’inscrivent pour un service public réduit et concentré essentiellement sur l’activité fret, ce qui est une erreur dommageable en particuliers pour Corsica Linéa qui dispose de navires pour opérer sur la desserte en OSP.

La création de la SEM d’investissement est une première étape. Elle sera suivie de deux autres SEMOP l’une destinée à la desserte des ports principaux l’autre sur les ports secondaires avec l’inconvénient selon nous de ne pas permettre de péréquation entre les différentes lignes opérées et le danger de voir avec ces deux nouvelles sociétés, de nouveaux plans sociaux et à termes, pourquoi pas une fusion CMN Corsica Linea.

La structure du capital telle qu’envisagée diminue la prise de risque des opérateurs privés mais l’augmente pour la CTC qui sera majoritaire dans le capital de la SEM d’investissement comme dans la SEMOP dévolue aux ports secondaires. La prudence de la CADEC, malgré l’enthousiasme montré, témoigne nous semble-t-il de la difficulté à entrevoir un aboutissement aussi parfait que présenté.

Comme vous l’indiquez dans le rapport, la réglementation européenne, avec laquelle nous sommes en total désaccord, oblige à faire la démonstration de la « défaillance d’initiative privée » et d’assurer que ces trois sociétés ne jouissent « d'aucun privilège, susceptible de fausser la concurrence normale et de déséquilibrer le marché ».

Nous avons vu en 2007 que la validation par la Commission du dispositif service de base service/service complémentaire dans l’appel d’offres pouvait, quelques années plus tard, être sanctionné de la même façon pour faire droit au recours des actionnaires de CFF promoteurs s’il en est du modèle antisocial attaché à cette Europe libérale dans laquelle vous vous projetez avec ces choix.

Le comble dans cette affaire c’est que la CTC a été condamnée par le TA de Bastia à versée 84 M€ à ces mêmes actionnaires qui ont pourtant encaissé dans la même période 2007/2013 environs 100 M€ et depuis 2002 plus de 180 M€ d’aide sociale sans que dans cet hémicycle cela ne fasse bondir quiconque d’autre que les élus de notre groupe.

Le versement de cette subvention découlait d’un amendement à la convention déposé par la droite. Nous avions été les seuls à voter contre cet amendement et au final contre le règlement d’appel d’offres et le cahier des charges. Ce rappel était nécessaire au regard de l’actualité.

L’autre exigence formulée par l’UE c’est la discontinuité pour ce qui est de Corsica Linéa. La reprise des actifs de la SNCM par les cessionnaires a été enregistrée devant le TC de Marseille à l’exclusion du contrat de DSP lequel a été transféré à la CMN antérieurement co-délégataire.

L’offre unilatérale de rachat des navires ne peut donc valablement s’appuyer sur l’article 40 de la DSP qui en l’état ne peut s’adresser qu’à la CMN. Il y a bien une faille juridique que vous ne voulez pas voir car le silence de la convention ou la qualification verbale « en bien de retour » des navires ne peuvent juridiquement être retenus en l’espèce.

Il y a aussi la défiance des organisations syndicales et l’inquiétude des personnels qui à juste raison demeurera en sachant d’une part que les équipages ne sont pas et n’ont jamais été affectés aux navires et d’autre part que la vente des navires aujourd’hui peut nourrir demain un contentieux contre le vendeur « privilégié » si celui-ci est retenu délégataire dans le cadre de l’appel d’offres des SEMOP.

Le dernier point qui mérite selon nous de s’arrêter est celui du nécessaire renouvellement de la flotte. Les deux navires convoités ont un âge certains le Monte d’Oro a été mis en service en 1991, le Paglia Orba en 1993.

En 2019 année de rachat le premier aura servi 29 ans le second 26 ans mais comme le spécifie le rapport cette question du renouvellement de la flotte a été volontairement écartée en raison du calendrier contraint.

Cela augure mal du futur car la vétusté des navires et le renouvellement de la flotte sont des critères structurants en termes de maintien du périmètre de l’activité globale de l’emploi et de l’économie mais aussi de l’environnement et de la sécurité.

Le flou du rapport sur le mode de gestion final de la SEM pousse à penser qu’une période de transition de quelques années supplémentaires sera nécessaire avant d’entrer dans le cycle de renouvellement des navires qui pourraient ainsi être limité. Quid alors du ou des navires en limite d’âge et de leurs équipages ?

Voila pourquoi, pour l’essentiel, nous voterons contre la création de cette SEM d’investissement.

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