Inverser la logique libérale actuelle pour revitaliser l’intérieur de l’ile
L'Assemblée de Corse a adopté le schéma montagne. intervention de Michel Stefani au nom du Groupe communiste et citoyen du Front de gauche.
Les territoires les plus ruraux sont ceux qui présentent les plus fortes inégalités de développement. Ce schéma propose, non pas d’y remédier, mais « de fixer des objectifs de reconquête » pour réduire la fracture.
Le constat n’est pas une spécificité insulaire puisque l’aménagement du territoire tel qu’il a été conduit depuis 40 ans au moins dans les pays dits développés montrent la même caractéristique d’une concentration urbaine littorale et métropolitaine.
Cela se traduit par des choix conformes la plupart du temps aux objectifs de rentabilité économique essentiellement consuméristes ou mercantiles.
Si nous prenons la dernière réforme institutionnelle des grandes régions européennes les principaux critères qui ont prévalu à la définition des limites territoriales ont été la démographie et le PIB. La décentralisation devient ainsi une déconcentration dans laquelle le désengagement de l’Etat s’accélère.
Ce fédéralisme produit un centralisme régional, propice à la concentration du capital à ce niveau d’administration territorial, en le déconnectant de plus en plus du niveau pertinent où doivent s’appliquer les principes de solidarité nationale. L’exemple le plus instructif est celui du consortium de la distribution en Corse qui constitue un oligopole et contrôle le cœur de l’économie insulaire.
La planification centralisée n’est plus celle de l’Etat, et c’est une bonne chose, mais nous voyons, avec la remise en cause de la clause de compétence générale, la mise en œuvre au niveau intercommunal de la même logique dont l’objectif est moins le recul de la désertification que le maintien en survie des territoires les plus ruraux et enclavés, lourdement impactés par la baisse des dotations.
L’adoption de la loi montagne en 1985 est suffisamment lointaine pour souligner ces quelques 30 années d’hibernation regrettables alors qu’il y avait tant à faire. Cependant si le peu qui a pu être fait est passé inaperçu c’est aussi parce que depuis 20 ans les politiques libérales ont déménagé les services publics, les écoles, les trésoreries, les bureaux de poste…
A juste titre vous insistez sur le rôle du chemin de fer et sa vocation à désenclaver les territoires c’est là la raison centrale pour laquelle il faut poursuivre les investissements en restant insensible aux propos contraires à leur réalisation au prétexte de leurs couts. Ces contestataires ont une vision à court terme de l’aménagement du territoire qui ne s’embarrasse pas de considérations sociales et environnementales.
Plus largement sont concernés les réseaux et infrastructures de communication et d’échange, l’accès aux services de base, la gestion des sites naturels de montagne, le soutien aux activités agropastorales et aux productions primaires.
En revanche avec tout l’intérêt qu’il peut y avoir à la renaissance du Comité Massif nous nous interrogeons sur la complémentarité réelle et le risque de concurrence entre la déclinaison de ce schéma et celle du PADDUC. Le périmètre d’ensemble est vaste.
Il faudra également produire de la complémentarité avec les Pôles d’équilibre territoriaux et ruraux (PETR) et assurer la « convergence des objectifs et des moyens » selon le rapport le tout au moment même ou la mise en place des nouvelles intercommunalités ne va pas de soi.
De même ce schéma doit s’intégrer dans la programmation contractuelle engagée avec l’Etat et l’UE pour la période 2014 2020 autrement dit pour 2 ans y compris celle « d’apprentissage » pourrait-on dire de la Collectivité unique.
Tout cela interroge sur l’efficacité attendue en termes de gestion du territoire même si, à l’évidence, les problématiques sont finalement peu comparables avec celles du littoral où la densité urbaine, la pression spéculative, la préservation du patrimoine et de l’environnement se posent différemment.
Le comité de massif « a pour objet de faciliter, par ses avis et ses propositions, la coordination des actions publiques dans le massif et l’organisation des services publics ». C’est à partir de ce postulat que nous voyons la possibilité d’inverser la logique libérale actuelle pour revitaliser l’intérieur de l’ile.
Par contre nous restons opposés aux mesures de type zone franche et aux effets d’aubaines pour les entreprises, gagés sur la contribution des ménages, d’autant plus que les dispositifs de CICE et CICo déjà existants, destinés à soutenir l’économie locale perdureront en parallèle.
Cependant, pour revitaliser il faut des moyens et les 182 M€ annoncés ne sont pas négligeables même si nous regrettons qu’ils puissent provenir pour partie, environ 20 %, de la déspécialisation de l’enveloppe de continuité territoriale. Ils doivent permettre d’agir pour aider au maintien des populations mais aussi à la venue de nouveaux habitants.
Les populations locales sont à juste raison demandeuses de services, commerces, d’activités, de logements sociaux, d’accès aux soins, d’écoles, de formation, de vie culturelle…
Ces besoins nécessitent l’implantation d’activités nouvelles, de commerces et de services de proximité pour éviter que les villages ne se vident et que ceux situés en zones périurbaines ne deviennent des dortoirs.
Pour conclure, il y a les activités agricoles et sylvicoles, elles sont essentielles pour entretenir les paysages et satisfaire la demande croissante en produits agricoles locaux de qualité, pour accroitre les circuits courts et fournir du bois d’œuvre au lieu d’importer comme nous l’avons vu récemment prés de 200 tonnes de bois de charpente pour la construction d’un hypermarché.
Les élus locaux ont différents moyens d’intervenir pour faciliter des installations agricoles sur leur territoire pour maintenir du foncier agricole en créant des fermes communales et soulager le porteur de projet du poids du portage du foncier et du bâti agricole.
La CTC peut encourager cette démarche favoriser l’appel à l’épargne solidaire pour relancer une exploitation menacée de disparition avec l’installation d’un jeune agriculteur.
Nous voyons aussi l’intérêt d’organiser localement des concertations avec les propriétaires fonciers, pour identifier les terrains vacants et repérer les potentialités d’installation. Dans certains cas les communes peuvent aussi mettre à disposition des espaces test ou relais pour installer des jeunes, lancer des projets, et imaginer des ateliers relais pour la transformation.
Telles sont les réflexions que nous dégageons de ce rapport et des orientations qu’ils préconisent hormis la ZRR nous les prenons en compte tout autant que les moyens financiers engagés en maintenant notre désaccord s’agissant de la déspécialisation de l’enveloppe.
La relance du Comité de massif était nécessaire et peut effectivement avoir un impact dans le rural c’est en ce sens que nous ne voterons pas contre vos propositions mais que nous nous abstiendrons.