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Michel Stefani

84 M€ pour les actionnaires de Corsica Ferries un scandale financier

2 Mars 2017

Le Parti communiste français a organisé avec la CGT un rassemblement devant le siège bastiais de Corsica Ferries France (CFF) pour dénoncer un scandale financier dont le jugement du Tribunal administratif de Bastia (TA) du 26 janvier serait à la fois la cause et le révélateur.

Intervenant devant la presse pour la fédération du PCF Michel Stefani a indiqué qu’il y avait matière à « s’interroger sur les fondements de la décision du TA et sur son impartialité quand le jugement qui retient comme élément d’appréciation du préjudice un audit commandé et payé 240 000 € par la CFF.

Le TA semble avoir considéré que la CFF pouvait valablement faire état d’une perte de 14 M€ par an. L’indemnité qu’il a octroyée ainsi correspondrait au bénéfice manqué « sans qu'il y ait lieu de déduire une quote-part des frais fixes, ceux-ci n'étant pas modifiés ». Comment peut-on sérieusement croire que CFF pouvait escompter un bénéfice de 84 M€ équivalant à 88% du chiffre d'affaires de 95 M€ ?

Pourquoi le TA n'a pas fait expertiser les conditions économiques d'exploitation de CFF ? Les magistrats auraient appris que CFF opérait en obligations de service public non contraignantes et percevait la subvention de la CTC au titre de « l'aide sociale au passager transporté » qui lui permettait d'amortir ses frais fixes sans quoi il lui aurait été impossible de transporter 1,4 million de passagers supplémentaires sans augmenter sa flotte et donc ses frais fixes.

Ils ont admis le prétendu préjudice subi par la CFF sans une vraie démonstration en arguant seulement du fait que : « la CTC n'a assorti sa contestation d'aucune précision, notamment en terme d'analyse économique, de nature à mettre en cause ce postulat ». Pourquoi le TA ne s'est-il pas adressé au Gouvernement, particulièrement au ministre Secrétaire d’État aux transports, pour disposer d'une telle analyse « neutre » lui permettant de vérifier la véracité du postulat de CFF ?

Comment en l'absence de toute expertise économique et financière diligentée par ses soins, le TA a-t-il pu condamner la CTC à verser une amende de plus de 84M€ d'argent public qui pourrait, toute honte bue, prendre le chemin de la Suisse ? Ce faisant il semble s’être exonéré aussi de consulter la Cour régionale des comptes (CRC) et l’Inspection générale des finances (IGF) qui ont produit plusieurs rapports éclairants, comme le Sénat d’ailleurs, sur l’organisation de la desserte publique de continuité territoriale, les dérives et les détournements, constatés.

Pour ce qui est de la CRC il y a le rapport consacré à l’OTC pour les exercices de 2001 à 2009 qui précise les conditions dans lesquelles le dispositif d’aide sociale a dérapé (+ 50 % en 7 ans passant de 14 à 21 M€ par an) au point de produire le déficit structurel de l’OTC. Les actionnaires de CFF en ont été les principaux bénéficiaires en percevant 180 M€.

Pour mémoire il faut savoir que l’aide sociale, mise en place en 1999 sur la desserte aérienne, était illégale pour les magistrats de la CRC. Ce n’est qu’en 2002, sur demande de l’Exécutif de la CTC, que l’Union européenne (UE) a validé son extension dans le maritime pour un montant de 1.5 M€. Il fallait pour ce faire répondre à des critères sociaux précis assortis d’un contrôle exhaustif afin que cette aide au passager transporté donc individuelle ne devienne une subvention déguisée.

Pourtant c’est ce qui s’est passé et le rapport du Sénateur Revet en 2010 relèvera la nécessité « d’un retour à l’équilibre entre le dispositif de continuité territoriale et l’exercice d’une concurrence saine et loyale ». Implicitement c’est la reconnaissance d’un état de fait que nous avions pressenti en 2001 à travers la mise en place du « système » incongru qui deviendra une gabegie.

Aucune collectivité en France n’a procédé, en effet, de la sorte en subventionnant les concurrents aux attributaires d’une DSP en l’occurrence ici la CMN et la SNCM. L’aide sociale est devenue la source de cette importante gabegie consistant à financer la concurrence déloyale sous pavillon second registre italien au mépris des règles sociales et fiscales du pays d’accueil.

Pour ce qui est de l’IGF, les données étant secrète en matière fiscale, le rapport de mars 2012 a établi, sur la période de contrôle, que 3 compagnies low cost 2 aériennes et une martine n’avaient pas respecté leurs obligations s’agissant du paiement de la Taxe de transport. Un vol de 3 à 5 M€.

On voit bien le caractère contestable des choses, quand il est demandé à la CTC, au contribuable, de payer une amende au prétexte fallacieux que la Commission européenne après avoir validé le dispositif d’organisation de la DSP en 2007 ait décidé, sur un recours des actionnaires de CFF, de déclarer le service supplémentaire illégal.

Les élus territoriaux communistes ont été les seuls, en 2001, à voter contre l’ouverture de la desserte à la concurrence et la subvention d’aide sociale de fait illégale puisque non conforme aux critères sociaux et irrespectueuse « du contrôle exhaustif » réclamés par l’UE. L’aide sociale sera versée globalement et à postériori à l’opérateur sans présentation du justificatif de chaque titre de transport émis. Ils ont aussi été les seuls à voter, en 2007, contre la mise en place d’un service de base et d’un service supplémentaire en expliquant que cette distinction serait la source de contentieux d’autant que l’acharnement procédurier des actionnaires de CFF était connu et attendu.

La desserte publique de continuité territoriale, toujours selon le rapport Revet, a connu des « évolutions de nature à modifier le contexte concurrentiel dans lequel s'exerce la délégation de service public et à dégrader la situation économique et financière des deux compagnies délégataires, mettant en péril l’équilibre qui doit prévaloir au maintien de la continuité territoriale ».

Ces évolutions se sont traduites depuis en 5 ans par la réduction du périmètre de service public, la sanctuarisation d’un périmètre dédié aux low cost et la position de monopole acquise par CFF sur le service passagers tout en continuant à sa convenance l’écrémage du service marchandise.

La SNCM a été liquidée 1700 postes et emplois à statut ont été supprimés, le consortium de la distribution s’est accaparé la Corsica Linéa dans des conditions contestables aux plans de la légalité commerciale et financière. Il constitue désormais un oligopole qui contrôle l’essentiel de l’économie de la Corse en étant pour partie responsable de la cherté de la vie.

Cependant le lynchage de la SNCM se prolonge aussi avec la décision concomitante du Tribunal de l’Union européenne qui demande à l’Etat de récupérer 220 millions d’euros de compensation versée à la SNCM au titre du service supplémentaire qui a été effectué. Cela est à mettre à l’actif du gouvernement Valls. Le président de la République en visite en Corse pourra lui aussi apprécier l’impact de ses renoncements après avoir dit à Marseille qu’il fallait sauver la « SNCM fleuron de la marine marchande française ».

TC

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