Droits de succession en Corse et justice fiscale
Intervention faite dans le cadre du débat intervenu à l'Assemblée de Corse le 25 novembre s'agissant de la proposition de loi présentée par le député Camille de Rocca Serra intitulée : Assainissement cadastral et résorption du désordre de la propriété.
"La Corse est la région française qui a le PIB le plus faible (8 milliards d’euros) et le taux de pauvreté le plus important (19 %)".
Pour ce qui nous concerne c’est de ce constat que nous voulons partir pour donner notre avis sur cette proposition de loi dont l’objectif central est d’obtenir une prolongation de 10 ans du régime dérogatoire applicable aux droits de succession en Corse.
Partir de ce constat c’est forcément relever le creusement des inégalités dans notre régions avec un écart significatif de 7 points entre les ménages aux revenus les plus élevés et ceux dont les revenus sont les plus bas.
Il convient par conséquent de poser la question de la justice fiscale et de la juste répartition de la richesse précisément pour faire, non pas un constat en attendant la manifestation d’âmes charitables, mais un choix politique qui distingue le contribuable redevable de l’ISF de celui dont les revenus sont tellement bas qu’il ne peut payer l’impôts.
Parler de pauvreté et de précarité en s’exonérant de poser les termes de la démarche pour tendre à la résorption des inégalités c’est noyé dans la généralité la particularité des gros patrimoines et il y en a. Il ne suffit pas de dire l’Etat compensera le manque de recettes fiscales et de fermer les yeux sur la façon dont la solidarité est ainsi mise en œuvre à travers la disposition au plan national et entre les différentes classes sociales.
Un ménage sur deux en Corse ne possède rien sur l’autre moitié plus de 90 % des biens transmis bénéficient des abattements qui rendent la part taxable nulle. Il faut donc fixer un seuil à partir duquel le patrimoine sera soumis à une contribution normale. En ce sens oui il serait question de combattre les inégalités, la pauvreté et de faire valoir les principes de la solidarité en rétablissant la justice fiscale.
Les chiffres sont éloquents. Certes il y a une situation de désordre de propriété 84 000 comptes cadastraux sur un million ont un propriétaire décédé et 64 000 biens non délimités représentent 15 % de la surface cadastrée.
S’ajoute à cela la nécessité d’obtenir des mesures propres à permettre l’épuisement du stock des successions collatérales plus nombreuses en Corse et à favoriser le régime de donations. Nous émettons toutefois une réserve sur le dispositif de la prescription acquisitive pour les risques d’appropriations illégitimes qu’il peut générer dans une forme de généralisation plutôt que d’exception.
On ne peut dès lors considérer de manière identique toutes les situations et en définitive maintenir un privilège pour les plus fortunés. Depuis la fin de l’exonération totale (31/12/2012) le volume des recettes fiscales tiré de l’imposition à 50 % n’a fait que progresser : 15 M euros en 2013, 21.3 M euros en 2014, et 41.8 M euros en 2015.
Il y a bien sur l’anticipation non mortelle apparemment d’un retour au droit commun. Mais il n’y a pas que ça. Si le GIRTEC instruit 500 dossiers par an on peut en conclure que la valeur des patrimoines est de plus en plus importantes pour aboutir au doublement de la recette fiscale d’une année sur l’autre. Et effectivement tant qu’à parler de choc fiscal il y a plus à craindre pour les ménages populaires à faibles revenus d’une augmentation de la TVA que de la taxation des gros patrimoines.
Michel Stefani