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Michel Stefani

Lutter contre la précarité impose de s’attaquer aux inégalités

2 Octobre 2016

Intervention faite lors du débat du 30 septembre à l'Assemblée de Corse

Si depuis longtemps nous sommes convaincus que l’urgence sociale en Corse est une question politique de première importance la lecture de votre rapport, sinon à proposer une forme différente de gouvernance, reste silencieux sur certaines causes qui font cette urgence.

La Corse détient le triste record du taux de pauvreté le plus élevé de France touchant les familles monoparentales, les jeunes et particulièrement les personnes âgées. Cela s’inscrit dans un marché du travail dégradé avec un taux de chômage avoisinant les 11 %, le 4ème plus important de France métropolitaine.

Ce chômage touche toutes les classes d’âge. Ce sont les conclusions de l’INSEE de juillet 2016. Elles confirment ce que dénoncent depuis des années les organisations syndicales de salariés, les associations, les consommateurs, les retraités et bien entendu les chômeurs.

Cette pauvreté monétaire fait des ravages sur tout le territoire et particulièrement en milieu rural. La Corse est aussi la 2ème région métropolitaine ou les 30-64 ans, la tranche d’âge de la population active, est la plus pauvre.

Toutes ces données sont dans le rapport de la mission d’information et d’action sur la précarité et l’exclusion sociale en Corse publié en juin 2015 par la Direction du développement social de la CTC. Dans son analyse factorielle, retenant 10 indicateurs et sa cartographie, il révèle que les cantons les plus touchés par cette précarité sont ceux à fort potentiel touristique.

Or, paradoxalement il n’est pas fait état dans votre rapport du niveau des salaires, du niveau des retraites, du pouvoir d’achat des ménages et bien sur des effets à attendre de la loi Travail dont l’un des objectifs central est de faciliter le licenciement…

Dans le contexte social fortement dégradé, après le CICE qui n’a pas créé d’emploi, 40 M€ versés aux entreprises en Corse, vu le grand nombre d’emplois précaires, de temps partiel, de travailleurs saisonniers, de travailleurs pauvres, les dégâts occasionnés par cette politique gouvernementale seront encore plus désastreux.

Toutefois vous affirmez vouloir innover sans sortir du cadre budgétaire contraint, ce qui à l’évidence pose une limite à cette volonté.

Vous faites état des 3 séminaires organisés en mars dernier et du constat sévère qui s’en dégage d’une part : « L’absence d’une approche intégrée et globale de la précarité et de la pauvreté » et d’autre part : « L’attente d’un réel pilotage politique coordonné est très forte afin de ne pas se limiter au curatif, mieux prévenir et anticiper, et s’adapter aux réalités locales et à une précarité protéiforme dont les différents effets se cumulent et se potentialisent ».

Si sur cinq ans si peu de choses ont été réalisées une évaluation précise est plus que nécessaire en particulier pour ce qui est du plan adopté en décembre 2012.

Pour résumer, il reposait sur 24 mesures : 13 dans le domaine de la santé et du médico-social, 11 dans le domaine du social et de la solidarité. Il était doté d’une enveloppe globale proche des 17 M€ sur 5 ans.

Dans le secteur de la santé, ce sont les Maisons de santé pluridisciplinaires pour lesquelles la CTC devait intervenir sur un volet investissement en fonction d’un cahier des charges précis établi à partir de la réalité du territoire, de la nécessaire continuité des soins, incluant le déplacement des patients par la même la proximité.

Ensuite, ce sont les maisons des adolescents, des adolescents en difficulté sociale et psychologique. Il était prévu d’en créer deux supplémentaires en Haute-Corse et en Corse-du-Sud et d’accompagner ces structures et de contribuer à leur organisation.

Il y a également le financement des travaux d’amélioration des structures d’hébergement qui accompagnent les publics en difficulté ou encore la réhabilitation de centres d’hébergement et de réinsertion sociale.

Dans le domaine médicosocial plusieurs mesures visées la modernisation les EHPAD, des plateaux techniques hospitaliers, l’accueil familial des patients hospitalisés sur Bastia et Ajaccio et pour ce faire la création d’appartements, l’accompagnement des familles en cas d’hospitalisation sur le continent pour des pathologies lourdes notamment les enfants ne pouvant pas être soignés en Corse.

Le soutien aux missions de l’Observatoire Régional de la Santé, pour ce qui est de la politique de prévention et d’information en direction des jeunes s’agissant de questions sensibles comme la contraception, les addictions ou encore pour les personnes sujettes aux maladies cardio-vasculaires, etc… De même il s’agissait de créer et de tenir à jour le registre des cancers.

D’autres mesures enfin concernaient l’aide aux structures associatives intervenant dans le domaine de l’exclusion ou encore des besoins alimentaires.

Nous tenons aussi à rappeler parce que nous les avons initiés la résorption de la précarité étudiante et la gratuité sur les CFC, le pass culture, ou plus loin dans le temps la gratuité des manuels scolaires.

Ce panel de mesures devait et devrait permettre d’appréhender les problématiques d’exclusion, d’isolement, de dépendance, et à partir de là d’intervenir autant que faire se peut en amont des situations diverses découlant de la précarité et de la pauvreté.

Or, la faiblesse des revenus du travail, des retraites, des prestations sociales qui ne permettent plus d’avoir de quoi vivre décemment face au niveau élevé des prix à la consommation de biens courants participe de l’appauvrissement massif constaté. Votre rapport est silencieux sur ce point essentiel.

La vie chère en Corse est une réalité comme les inégalités qui font que l’écart de revenu entre les ménages les plus aisés et les ménages les plus modestes est proche des sept points.

De même les plus modestes sont pénalisés par la pénurie de logements sociaux et la encore par une politique gouvernementale qui fait que l’orientation prise sous l’ancienne mandature n’a fait que compenser le désengagement de l’Etat.

Le temps n’est plus à de nouvelles études et analyses, nous les avons comme le plan de 2012. Lutter contre la précarité impose de s’attaquer aux inégalités et aux mécanismes qui les structurent.

L’action immédiate doit porter :

  • sur les détournements de réfactions de TVA pour rendre du pouvoir d’achat aux ménages
  • sur la construction en quantité nécessaire de logements sociaux pour répondre aux besoins recensés
  • sur la création d’emplois stables et bien rémunérés pour satisfaire cette exigence, pour anticiper un développement du secteur secondaire autour de la mise en œuvre de la PPE et de la dernière tranche du PEI

Tels sont selon nous les causes qui font l’urgence sociale et les éléments qui absents de votre rapport ne nous permettent pas de valider la stratégie que vous proposez.

Michel Stefani

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