L’Assemblée de Corse contre le CETA
Ces derniers jours la confusion a prévalu au point de mettre en cause la signature du Traité de libre échange (CETA) entre le Canada et l’Union Européenne (UE). Le premier Ministre Justin Trudeau a du dans un premier temps renoncé a sa venue à Bruxelles pour ce faire. Alors que l’opposition du Parlement Wallon empêchait la ratification de la Belgique et par la même de l’UE, un accord est intervenu à l’arraché. Il aura fallu plusieurs heures de négociations et la prise en compte de l’essentiel des demandes du Parlement Wallon pour changer la donne.
Cet épisode est à la fois révélateur des pratiques des institutions européennes, de l’opacité qui entourent ce type de négociations et du contenu de celles-ci. La Wallonie, craignait notamment pour son agriculture et dénonçait plus particulièrement le processus de règlement des différends entre les multinationales et les États. En effet, la justice des affaires, rendue par une Cour de justice des Investissements, garantira le libre échange au détriment des droits sociaux, humains et environnementaux.
Tenant compte de cela les élus communistes à l’Assemblée de Corse ont déposé une motion (1) qui a été adoptée unanimement le 28 octobre 2016 dans laquelle est demandé « au gouvernement et au président de la République de prendre la mesure de la contestation en cours à propos de cet accord économique et commercial global et de prononcer le retrait de la France du processus de ratification ».
(1) Motion adoptée par l’Assemblée de Corse
Présentée par Michel Stefani au nom du groupe communiste et citoyen du Front de gauche
Considérant que l’accord économique et commercial global (AECG ou CETA) entre l'Union Européenne et le Canada n’a pas été approuvé par les ministres des finances européens le 18 octobre ;
Considérant que ce traité commercial de libre échange entre l’Union Européenne et le Canada engage l’ensemble des pays de l’Union et des provinces Canadiennes ;
Considérant que la signature de cet accord sera suivie d’une ratification du Parlement européen fin 2016 ou début 2017, puis par celles des Parlements nationaux ;
Considérant qu’une fois ratifié, il primera sur les lois nationales (et européennes) des deux côtés de l'Atlantique ;
Considérant que ce traité entraînera :
- l’abandon du pouvoir souverain des tribunaux des Etats et de l’UE, dans le jugement des litiges opposant les Etats membres aux entreprises et investisseurs privé, au profit d'arbitrages privés rendus par une Cour de Justice des Investissements comparable à la très libérale ISDS (Investor-state dispute settlement) ;
- l’affaiblissement du pouvoir des Etats dont les choix politiques pourront être contestés par les multinationales ;
- L’uniformisation par le bas des normes environnementales, sanitaires et sociales, en termes de santé et de droits sociaux notamment ;
- L’accentuation de la concurrence entre les pays membres de l’UE et les provinces du Canada ;
Considérant qu’en l’absence d’accord des 27 Etats membres ce traité sera partiellement effectif pendant trois ans dès sa ratification par les Parlements Européen et Canadien ;
Considérant que les Etats se verraient dans ces conditions contraints d'appliquer de nombreuses dispositions de cet accord imposant :
- le nivellement par le bas des normes environnementales moins d’un an après les accords de la COP21 ;
- le processus de mondialisation anticipé en Europe à travers les différentes lois « Travail » promulguées au nom de la compétitivité économique ;
- la perte d’influence de la sphère législative laissant le champ libre aux grands groupes multinationaux dans les domaines clés de la politique économique ;
- la conversion en actes légaux des infractions produites par les lobbys industriels et financiers (Luxleaks, Panama Papers, constructeurs automobiles irrespectueux des normes antipollution, etc…) contre l’intérêt général ;
- les produits de l’agriculture canadienne obtenus dans des conditions bien éloignées de celles imposées aux producteurs français et européens sur le plan de l’hygiène, de la traçabilité, du bien-être animal et environnemental ;
Considérant que les négociations de cet accord, comme celles du TTIP, ont été d’une opacité sans précédent ;
Considérant que cet accord accentuera la concurrence entre les peuples en laissant libre court à la gouvernance du marché fondée sur les critères du moins disant social et environnemental ;
Considérant que cette compétition ultralibérale est une atteinte grave à la liberté des peuples, aux acquis sociaux, aux systèmes de santé, aux systèmes éducatifs et à l’ensemble des services et biens communs ;
L’assemblée de Corse demande :
- au gouvernement et au président de la République de prendre la mesure de la contestation en cours à propos de cet accord économique et commercial global et de prononcer le retrait de la France du processus de ratification.