CTC : la réalité budgétaire selon le Compte administratif
Intervention à l'Assemblée de Corse lors de la session du 23 juin 2016.
Le compte administratif 2015 retrace les opérations de gestion du précédent exécutif. Et de ce point de vue comme nous l’avions dit il permet de vérifier la pertinence ou pas des analyses faites au regard de la situation trouvée par le nouvel exécutif.
Nous restons convaincus au-delà de la nécessité affirmée de conduire une analyse, détaillée et indépendante de la situation, qu’il eu été plus efficace sinon plus conforme aux principes d’élaboration du budget prévisionnel d’avoir voté au préalable ce compte administratif.
Sans reproduire aujourd’hui les débats consacrés au budget on ne peut faire abstraction de la corrélation entre les deux et notamment de l’accord politique intervenu avant le vote du budget, accord auquel notre groupe a été le seul à ne pas s’associer avant d’être le seul à voter contre le budget 2016.
Le CA doit donc donner la photographie précise de l’exécution du budget. Celle-ci intègre les restes à réaliser de 2014 et l’ensemble des opérations en crédit de paiement. Les documents produits, s’ils ne font apparaître aucun reste à réaliser en 2015, montrent toutefois un déficit global de 20.9 M€.
L’insuffisance de recettes pour couvrir la totalité des dépenses engagées génère ce résultat et nous comprenons sans difficulté qu’il aura des conséquences en 2016. Pour autant ce constat relativise les choses si nous nous remémorons leur dramatisation médiatique avec l’annonce d’un passif de 100 M€.
Nous nous interrogeons d’ailleurs sur le montant de l’emprunt 128.5 M€ constituant le cœur de l’accord politique du 15 avril 2016 lui même étant le socle de la mandature conformément aux objectifs d’austérité préconisée sous l’appellation de contribution à l’effort de redressement des comptes publics.
Dés 2012, la mobilisation d’emprunts s’est avérée nécessaire pour maintenir les dépenses d’équipement, mais le montant emprunté n’a pas été suffisant. L’étude Klopfer de mars 2016, conclu ainsi que la collectivité aurait dû mobiliser chaque année 75 M€ d’emprunt pour pouvoir financer ses dépenses d’équipement. Pour autant, toujours selon cette étude, le besoin d’emprunt pour le budget 2016 serait, ou devait être, de 50 M€.
Pour notre part, s’agissant de ce CA, nous assumons ce qui relève des votes que nous avons émis dans la précédente mandature de la façon la plus claire et la plus loyale. Nous n’assumons pas ce que nous n’avons pas voté.
C’est en tenant compte de cette appréciation que nous avons demandé la saisine de la Cours de discipline budgétaire et financière à laquelle la CRC peut conduire. Encore une fois, nous ne craignons pas la transparence.
La particularité de ce CA découle aussi bien des opérations réelles constatées que des arriérés comptabilisées relevant de l’exercice précédents, auxquels s’ajoutent les opérations liées à la renégociation des emprunts toxiques qui ont eu eux aussi un impact sur les exercices précédents également marqués par la fin des dégagements d’office affectant jusqu’alors la gestion des fonds européens. L’amnésie de la droite vaut confirmation de ses responsabilités sur ces deux points.
La différence des opérations d’ordre dont le volume global s’établit à 479.3 M€ au lieu de 155.5 M€ en 2014, est effectivement la conséquence de la renégociation des emprunts toxiques tout en sachant qu’il s’agissait d’une recette certaine dès le mois de décembre 2015.
Ces inscriptions et la non prise en compte des arriérés intégrés au budget 2016 altère le résultat de cet exercice qui ne peut, de ce fait, correspondre à l’exécution budgétaire réelle en année pleine. Ainsi toute approche comparative ou analyse ne peut valablement être menée.
Le résultat de l’exercice en fonctionnement s’établit à + 92.498 M€, en cumulé il est de 95.778 M€. La baisse de 4 M€ n’est que de 4 %, par rapport à l’année précédente où il s’établissait à 99.794 M€.
En investissement le résultat de l’exercice déficitaire s’établit à – 20.145 M€, soit + 7.5 M€ par rapport à 2014 (PM 12.650 M€). Le déficit cumulé constaté au 31/12/2015 s’élève à 116.659 M€ soit + 20.9 % par rapport à l’exercice précédent (96.514 M€).
Le résultat cumulé montre un écart de 24 M€ de -20.881 M€ en 2015 à + 3.280 M€ en 2014.
Dans le schéma que vous avez retenu nous aurons à nous prononcer sur l’affectation du résultat de 2015 (95.778 M€) au BS 2016. Il viendra couvrir logiquement le besoin de financement de la section d’investissement (– 116.659 M€). Les recettes nouvelles limitées, les baisses de dépenses inscrites au BP dans une moindre mesure, pourront s’ajouter à l’emprunt qui pour l’essentiel viendra couvrir le solde de – 20.881 M€.
Pour ce qui est des ratios ils montrent une situation nuancée mais loin de la catastrophe annoncée.
- L’Excédent Brut de Fonctionnement (EBF) qui s’élève à 118.763 M€ est en baisse de 7 % soit - 9 M€ par rapport à 2014 (127.776 M€).
- La Capacité d’Autofinancement brute (CAF), baisse de 10 % par rapport à l’exercice 2014 où elle s’établissait à 108.655 M€. Elle est inférieure de 8 M€ par rapport au déficit cumulé de la section d’investissement qui est de 116.659 M€.
- Le taux d’épargne brute 18.1 %, perd 2.3% sur 2014 et se rapproche du niveau national 21.1 %. Il reste néanmoins 3 points au-dessus du seuil critique des 15 %.
- La Capacité d’Autofinancement nette (CAF), baisse de 11 M€ et passe de 102 929 M€ à 91.691 M€, soit -11 % par rapport à 2014.
La dégradation de l’épargne brute dans les années 2011 et 2013, a été inversée en 2014 et une baisse des recettes compensée par une baisse des dépenses de 4.5 % basculée sur 2015 pour un montant de 18 M€, produisant ainsi une stabilité des dépenses par rapport à 2013.
Pour autant l’évolution minime des recettes en 2015 à 0.75 % ne suffit pas pour couvrir la hausse des dépenses à hauteur de 4.23% et de + 13 M€. Le montant total des dépenses arrêté comprend 4.9 M€ supplémentaires de dépenses rattachées à l’exercice 2015.
Cette nouvelle augmentation réduit mécaniquement la capacité à investir dés lors pour l’accroitre vous ne pouvez actionner le levier fiscal. Compte tenu des indicateurs sociaux vous vous apprêtez à réduire les dépenses de fonctionnement.
Le poids des charges financières, 26 % et 21.269 M€ doit être pris en compte en ayant au préalable inclut les 10 M€ versés en octobre 2015 au titre du remboursement des emprunts toxiques. Déduction faite de ce montant, les charges financières baissent en définitive de 5.6 M€.
Depuis 2015, la Collectivité Territoriale de Corse n’est pas plus exposée que la plupart des régions métropolitaines et outre-mer, elle fait même figure d’élève modèle avec 100% des emprunts notés 1-A selon la charte GISSLER. La Capacité de désendettement au 31/12/2015 était de 3.87 années soit un niveau inférieur à la moyenne des régions établi à 4.45 années en 2014.
Dans ces conditions, le fonds de roulement s’établit à - 20.881 M€. La reprise au BP 2016 du montant des arriérés non mandatés en 2015, faute de crédits de paiement pour 78 M€ produit une dette non bancaire de 98.8 M€.
Les dotations de l’Etat représentent 57.5 % leur baisse de – 9M€, constatée au cours de l’exercice, fragilise la structure budgétaire de la collectivité. La hausse de 1.7 M€ des impositions indirectes qui représentent 33.6 %, et l’augmentation des recettes sectorielles, principalement liée à l’excédent de fonctionnement de l’OTC, à hauteur de 11 M€ et au mécanisme de DSP ferroviaire pour 2.6 M€ viennent compenser la diminution des dotations.
Tels sont les éléments d’analyse que nous pouvons tirer pour l’essentiel de votre rapport sans minorer les difficultés mais en réaffirmant que l’exagération éloigne de la réalité. En conséquence nous ne voterons pas ce CA.
Michel Stefani