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Michel Stefani

Test marché et continuité territoriale

19 Avril 2016

L'Assemblée de Corse a débattu de l'organisation d'un test marché pour substituer à la Délégation de service public (DSP) un dispositif d'Obligations de service public (OSP). Intervention de Michel Stefani

Comme indiqué en introduction à ce rapport le service public de transport de passagers et de marchandises est une garantie essentielle de la continuité territoriale de la Corse qui permet, dans le cadre de la solidarité nationale, d’atténuer les contraintes liées à l’insularité…

Vous faites également rappel des derniers et multiples recours qui ont directement contribué à la remise en cause de ce principe pour libéraliser toujours plus la desserte dans le sens voulu par le principal pourfendeur de la (DSP) délégation de service public l’opérateur low cost Corsica Ferries France (CFF) qui n’a cessé depuis 2002 d’engager des recours pour occuper en définitive une position dominante sur le marché.

La très libérale Commission européenne, les gouvernements successifs, les Exécutifs durant ces années n’ont que cédé, pour ne pas dire encouragé, cette destruction des principes de la continuité territoriale notamment avec la subvention d’aide sociale versée essentiellement à CFF (180 M€) pour écrémer les services de la DSP.

Après quoi il est assez incongru de stigmatiser la SNCM qui n’a jamais perçue 220 M€ au titre du service complémentaire alors qu’elle était attributaire avec la CMN de la DSP validée par la Commission européenne puis par le Conseil d’État. En tout état de cause le service, demandé par la CTC, a été rendu sur la période pour un cout supérieur au montant de cette injuste amende antiservice public.

Ce rapport s’éloigne des principes du service public de continuité territoriale pour proposer en « test marché » le dispositif des OSP. Ce concept de test et l’aléa qui en découle est un problème en soi dans un domaine aussi vital pour la Corse.

De cette façon, la CTC, puissance publique garante de l’intérêt général, n’exprime pas souverainement ses besoins et ses choix et s’en remet au bon vouloir des opérateurs et à l’interprétation de la réglementation supposant de faire la démonstration du réel besoin d’un service public à l’année et conséquent. Dans le cadre connu de concurrence libérale et déloyale c’est aussi ridicule que de demander au pyromane de ne pas allumer d’incendie.

Ces OSP, qui donnent l’illusion de pouvoir soustraire la CTC au versement d’une compensation financière indispensable sur des services déficitaires, feront que les opérateurs établiront les programmes en conséquences au plus bas non sans renoncer aux subventions qui peuvent réapparaître ultérieurement.

Elles impliquent des ententes entre opérateurs Low Cost qui partageront leurs pertes dans un premier temps comme un investissement d’autant qu’ils ont déjà le monopole sur les ports de Toulon et Nice vers les ports de Corse. Dans un second temps ils feront monter les tarifs toujours en entente, sans la qualité de service ni les retombées économiques et sociales pour la Corse.

La consultation publique support de cette démarche libérale est instructive. Par exemple, les dirigeants de CFF indiquent qu’ils sont en mesure d'ajuster leurs offres de services en fonction de celles d'autres opérateurs, « sachant que les obligations de service public doivent s'apprécier globalement, tous opérateurs confondus ». C’est la confirmation de l’entente préalable à mettre en parallèle avec la mise en service annoncée du Mega Express 6 pour 2017…

De même ils rappellent, et cela a une importance majeure, que la limite d’âge des navires n’est plus requise ce qui augure mal d’un respect à toute épreuve des exigences essentielles de sécurité, comme de la préservation de l’environnement. Et enfin ils mettent en exergue que ces OSP n’imposent aucune contrainte horaire indispensable pour adapter, notamment le transport de marchandises, aux besoins.

Par ailleurs, les capacités en moyenne mensuelle ne permettent pas de connaître précisément celles-ci quotidiennement en mètres linéaires et en installations passagers et renforcent le risque des « restes à quai ». La cerise sur le gâteau c’est la possibilité, offerte aux armateurs, de naviguer sous pavillon français second registre au nom de la souplesse.

Ce sont là des critères pourtant essentiels, et il en manque beaucoup d’autres que seule la DSP offre, pour organiser un service public calé sur les besoins de la Corse.

Même si le périmètre, soumis à l’appréciation des opérateurs, est d’« une rotation par jour, 365 jours par an, équivalant à une traversée au départ de chaque port… », leurs choix, dans ces conditions, sera fondé sur le moins disant économique, social et environnemental. Si nous nous en tenons au rapport les fréquences hebdomadaires requises de « Marseille vers Bastia et Ajaccio passeraient de 7 rotations en DSP à « deux rotations par semaine (une traversée dans chaque sens) s’appliquant aux deux liaisons ».

Pour les tarifs (1), vous annoncez des chiffres trompeurs en comparant les tarifs OSPG a ceux de la DSP. En réalité la comparaison avec la délibération de décembre 2013 sur les OSPG montre des écarts minimes par rapport au 40% voir au 60% de baisse annoncée. C’est encore une façon de discréditer la DSP pour ne pas y revenir et par la même d’interagir de façon plus négative encore sur la cherté de la vie en Corse.

La seule nouveauté tient au retour de la prime à l’export de 20 € au mètre linéaire déjà pratiquée dans le passé et pointée du doigt par la Chambre régionale des comptes de Corse en ces termes : « Le système à peu près contrôlé au départ avait manifestement dérapé. Il n’avait aucune efficacité pour les producteurs et entrainait un climat malsain de concurrence déloyale parmi les transporteurs, seuls bénéficiaires en fait de la mesure. »

À cela nous préférons les tarifs réglementes fixes sur le fret, les plus bas possibles, applicables à tous les transporteurs au bénéfice de toutes les entreprises et de toute la population en Corse. La DSP permet des tarifs « planchers » interdisant la concurrence déloyale ou la vente à perte comme nous avons pu le voir avec CFF au détriment des délégataires (CMN MCM), du service public, des usagers : entreprises et passagers.

Au-delà des effets d’annonces sur les tarifs, organiser la desserte de cette façon c’est empêcher la CTC de rechercher la péréquation notamment tarifaire entre les lignes les plus attractives et les lignes qui le sont moins pour stabiliser la desserte et garantir un service performant à l’année entre les 6 ports de Corse et celui de Marseille.

Au regard des besoins économiques et sociaux, des usages vérifiés, pour les personnes qui partent étudier ou se soigner comme pour l’import et l’export de marchandises et ce que cela implique en infrastructures et logistique, Marseille est effectivement le port à sanctuariser.

Cela n’est réalisable qu’avec des OSP contraignantes constitutives d'une DSP seule à même de garantir la qualité du service avec des critères environnementaux, des exigences de sécurité et des retombées économiques et sociale importantes et durables pour la Corse.

De plus la mise en œuvre des OSP non contraignantes, affaiblira la DSP sur les ports secondaires. Et l’attitude bienveillante de la Commission européenne nous laisse d’autant plus perplexe que les 3 rotations hebdomadaires, comme cela était établi jusqu’à présent, obligeront à une surcompensation sans la péréquation avec les lignes de Bastia et d’Ajaccio.

Nous ne croyons pas que ce « test marché » puisse n’avoir qu’une valeur « théorique » pour endormir la Commission européenne et ressortir au mois de juillet avec une DSP. Dans le prolongement de la consultation publique il est fait pour conduire au bout de la logique de libéralisation impulsée par les dirigeants de CFF.

Le comble c’est que dans les tripatouillages fusionnels entre Maritima holding et MCM on ne sait plus qui fait quoi. Mr Padrona et Mr Rocca dans la consultation publique, ont eu des avis différents. Le premier était favorable aux OSPG le second non.

Toutefois, le patronat local de la grande distribution aura, avec ce rapprochement sulfureux, la mainmise sur le transport et par la même sur l’économie de la Corse qui importe 10 fois plus qu’elle n’exporte. Après l’extinction du franco de port voilà son enterrement définitif à ajouter au détournement des 250 M€ de réfactions de TVA qui ampute le pouvoir d’achat des ménages insulaires depuis 30 ans.

Plusieurs scénarios périlleux sont à craindre incluant même la CMN et ses 500 emplois sous pavillon 1er registre. Les dirigeants de CFF préviennent : « Dans le cas où la CTC et l'OTC décideraient de recourir à la DSP, elle ne pourra être que limitée aux besoins définis dans la consultation publique » La direction de CFF « sera vigilante sur les mécanismes contractuels de contrôle de l'offre réellement offerte, l'absence d'offre sur-capacitaire et l'absence de surcompensation ».

Nous nous interrogeons d’ailleurs, quand nous lisons toujours dans la consultation publique que les dirigeants de CFF pourraient au-delà du 1er octobre 2016 dans les 24 mois acquérir des rouliers. Serait-ce là l’approche que vous évoquiez au CA de l’OTC pour obtenir des dirigeants de CFF qu’ils retirent leurs derniers recours et n’en fassent d’autres ?

Nous nous interrogeons d’autant plus que le panorama de la desserte qui se dessine au 1er juin nous rapproche du scénario sarde avec CCF qui propose en plus des lignes sur Ajaccio, Bastia et la Balagne du Toulon Porto Vecchio et la Mobyline du Nice Bastia. Il faut reconnaitre que la mise en redressement judicaire injustifiée de la SNCM à eu l’effet escompté sur ce plan. Ces compagnies auront bientôt capté 100 % du service passagers dans une proportion hégémonique pour CFF.

En outre on retiendra qu’au scandale politique, orchestré par le gouvernement Valls et entériné par le précédent Exécutif, s’est ajouté le scandale financier des actifs bradés notamment la flotte, estimée à 230 M€ et acquise pour 3.7 M€.

Pour autant, on ne voit pas comment il serait possible d’outrepasser le cadre de discontinuité sous contrôle de l’Union Européenne, auquel vous faite référence, de revenir à la convention de DSP qui n’existe plus entre MCM et la CTC pour, comme vous l’avez réclamé, obtenir en bien de retour les navires qui depuis le 20 février sont la propriété du repreneur de la SNCM considérés comme actifs non dépréciables.

Aussi, nous attendons impatiemment de connaitre la réponse de la CMN et avec gourmandise le moment ou vous réclamerez avec le même raisonnement un navire ou deux à CFF et pourquoi pas les avions d’Air France.

Contrairement à ce que vous affirmez, toutes les options ne sont pas sur la table. Cette action confirme que vous rejetez la décision du TC de Marseille issue de la lutte des travailleurs et du plan industriel qui en résulte. Pourtant, celui-ci une fois stabilisé permettait que la CTC entre au capital, dans le cadre par exemple, du renouvellement de la flotte, comme notre groupe le proposait en septembre 2015 dans une motion pour conforter l’emploi et le service public. Le seul groupe favorable fut le nôtre.

Faire échec au plan industriel validé par la juridiction commerciale, c’était aussi l’objectif de la manœuvre frauduleuse d’une partie du patronat local, fondée sur le non respect de la clause de non concurrence, signée par les candidats à la reprise de la SNCM.

Avec l’ouverture illégale de la ligne Corsica linéa, menaçant les 903 emplois préservés, c’est de processus de faillite organisée de la MCM qu’il est question et nous nous étonnons que le parquet du pôle financier de Bastia n’est pas encore ouvert une information à ce sujet comme à propos de la fusion, apparemment réalisée mais contraire aux décisions de la juridiction commerciale.

En même temps, ce schéma poursuit trois objectifs :

  • dégager des excédents sur la dotation de continuité territoriale pour couler du béton et du goudron ;
  • favoriser le démantèlement de la flotte en réclamant les 4 cargos contrairement aux 2 ferries abandonnés aux affairistes ;
  • créer une SEM voire deux sous l’appellation de compagnie régionale.

Au moment où il est beaucoup question de lutter contre le chômage, avec la création de cette compagnie amputée de la desserte de l’Afrique du Nord et cantonnée à la portion congrue d’un service de continuité territoriale en miette, le nombre d’emplois maintenus en Corse passerait sous la barre des 300. Ils étaient 650 en 2013.

Ce faisant, vous rajouter de l’inquiétude pour toutes les familles concernées avec cette demande de rachat des navires avant de les soumettre à appel d’offres.

Enfin le calendrier prévoit de lancer l’appel d’offres en septembre ce retard oblige à une prolongation et une procédure supplémentaire juridiquement fragile à la suite de la résiliation de la DSP de 2013. Il faudra bien régler ce point avant l’été pour éviter toute rupture du service public de continuité territoriale effectué dans le cadre de la subdélégation en cours. A défaut la brèche sera ouverte pour un nouveau contentieux de CFF.

(1) Aller simple par personne (ou unité) Tarifs résidents corses

Passages

Adulte : 30 il était dans la délibération de 2013 de 35 euros HT

Enfant : 18 il était dans la délibération de 2013 de 20 euros HT

Installations

Cabine hublot : 49 il était dans la délibération de 2013 de 51 euros HT

Cabine intérieure : 45 il était dans la délibération de 2013 de 46 euros HT

Fauteuil : 7 il était dans la délibération de 2013 de 7 euros HT

Véhicules

Inférieur ou égal à 4,5 m : 44 il était dans la délibération de 2013 de 46 euros HT

Entre 4,5 m et 5 m : 49 il était dans la délibération de 2013 de 51 euros HT

Supérieur à 5 m : 54 il était dans la délibération de 2013 de 56 euros HT

Pour un trajet Tarifs fret

le mètre linéaire de fret roulant ou conventionnel : 40 il était dans la délibération de 2013 de 42.5 euros HT

Voiture dite de commerce Inférieur à 4 m : 146 euros HT inchangé

Entre 4 et 4,5 m : 160 euros HT inchangé

Supérieure à 4,5 m : 175 euros HT inchangé

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