Air France : le scénario écrit dans le maritime s’écrit désormais dans l’aérien
Les effets du plan perform 2020 aujourd’hui, comme ceux du plan transform 2015 hier, touchent les escales d’Air France à Bastia et Ajaccio. Le 2 octobre, à l’Assemblée de Corse nous avions indiqué que la direction d’Air France prévoyait de supprimer 106 postes. Certains mettaient en doute ce chiffre le ramenant à moins de 50. Aujourd’hui la réponse « officielle » tombe : il est question de 150 postes supprimés en trois ans.
Au moment du débat sur la nouvelle convention de délégation de service public (DSP) Paris-Corse, le groupe communiste et citoyen du Front de gauche avait voté contre les choix de l’Exécutif en raison de la politique tarifaire, des OSP défavorables à une desserte équilibrée entre les différentes plateformes, de la fragilisation du partenariat Air Corsica Air France.
Comme nous le craignions ces choix devaient forcément être repris comme des arguments justifiant la politique antisociale de la direction d’Air France au prétexte des couts d’escales plus élevés en Corse.
De ce point de vue il n’est pas inutile de rappeler que la compensation financière pour la DSP Paris-Corse, en 2010 2011 2012, était établie à 30 M€ annuel. Pour la convention 2013 2014 2015 elle avait été réévaluée à 41M€ pour garantir l’exécution des obligations de service public et l’emploi en maintenant un niveau de fréquences et de capacités conforme à ce double objectif.
Ces 11 M€ supplémentaires représentaient une prise en charge annuelle à hauteur de 3 millions d’euros du surcoût des nouvelles OSP ainsi qu’une participation à hauteur de 8 millions d’euros pour alléger la charge d’exploitation.
La nouvelle DSP 2016-2020, avec un montant annuel moyen de 35 M€ doit se terminer à 31 M€ ce montant constituant l’étalonnage de la DSP suivante. La direction d’Air France trouve dans cette réduction drastique de la compensation une aubaine pour préparer un abandon total de la desserte de la Corse.
De son côte la direction d’Air Corsica envisage une révision du partenariat déjà très entamé par le refus d’attribuer le traitement au sol de plusieurs de ses appareils par les agents Air France. Partant de là, l’idée mûrit chez certains de cantonner Air Corsica sur le bord à bord en espérant que dans cet isolement elle résistera mieux à une concurrence de plus en plus rude.
Rien n’est moins sur, en 2013-2014 il a fallu recapitaliser Air Corsica (12M€) et modifier la convention pour stopper l’hémorragie due à la perte de 100 000 passagers par an sur les correspondances de bord à bord à Marseille et Nice.
L’autre idée de l’Exécutif qui consiste à vouloir dégager des excédents sur l’enveloppe de continuité territoriale et à demander sa déspécialisation pour pouvoir couler du béton et du goudron participe de la stratégie à courte vue en cours.
D’ores et déjà l’Exécutif annonce que la Commission européenne pourrait s’opposer à ce que la CTC maintienne une DSP sur Paris ou à tout le moins concède l’ouverture en grand aux low cost. Dans cette stratégie Ryannair qui vient d’attaquer la convention Paris Figari ne fait qu’anticiper.
Au final les usagers paieront une lourde facture après que les travailleurs aient servi de variable d’ajustement. Avec un léger décalage, le scénario écrit dans le maritime s’écrit désormais dans l’aérien, contre la desserte publique de continuité territoriale et l’intérêt de la Corse. En conséquence, il faut faire obstacle à cette stratégie et écrire, ensemble usagers et salariés, un autre scénario favorable aux hommes et au service public.
Michel Stefani