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Michel Stefani

PADDUC : promouvoir le progrès social contre le recul libéral

6 Octobre 2015

Intervention à l'Assemblée de Corse 02 10 2015

En 2010, nous estimions que la Corse avait besoin de plus de démocratie et d'un nouveau modèle de développement, s'appuyant sur les services publics, la promotion du secteur productif industriel et agricole, une meilleure utilisation de l’argent public. Ce défi nous proposions de le relever avec nos concitoyens parce que nous mesurions l’importance de la tache.

Il consistait à garantir le développement durable du territoire en remettant l’homme au centre de l’action publique, en répondant aux besoins essentiels au cœur des préoccupations (logement, nourriture, santé, éducation, travail, transport) avec l’objectif de réduire son empreinte écologique.

Dans cette perspective, nous avons fait plusieurs propositions inscrites dans une véritable alternative à l’économie capitaliste et financière qui détruit la planète et les hommes. Cette alternative citoyenne est indispensable à la diminution des inégalités et à l’arrêt du pillage des ressources naturelles, pour la survie sur la planète. En ce sens, nous nous inscrivons dans une démarche radicalement opposée à la politique d’austérité déclinée à tous les niveaux Europe gouvernement région.

Nous sommes convaincus que le progrès pour les peuples et particulièrement le notre passe bien par cet objectif de dépassement du système et la mise en œuvre de politiques alternatives anti-austérité à partir du niveau local où il est possible de promouvoir le progrès social contre le recul ultralibéral.

Ce choix n’est en rien comparable à ceux inscrits dans la réforme de l’architecture administrative et institutionnelle de la France. Les critères qui les caractérisent sont directement inspirés par la déclinaison des politiques d’austérité depuis Bruxelles. On ne parle plus de solidarité mais de compétitivité.

Le big-bang territorial des méga régions, habillé du vocabulaire technocratique, promet l’intelligence économique quand la concurrence débridée amène le low cost le dumping social et fiscal. Les systèmes financiers absorbent la richesse produite et les riches n’en peuvent plus d’engranger des profits colossaux sans renoncer à leurs privilèges exorbitants. Et quand la faillite menace c’est sur l’épargne populaire que le sauvetage des banques s’opère.

Chaque région devra faire avec ses moyens dans cette jungle et affronter le fédéralisme européen en gestation derrière ces réformes bientôt couronnées par l’accord commercial transatlantique, le TAFTA, ouvrant le marché européen de 500 millions de personnes essentiellement aux firmes américaines. Au cœur de la crise capitaliste ce formatage de la France programme la fin de « l’Etat social » et la marginalisation assurée de la Corse.

Nous voulons autre chose pour la Corse nous l’avons montré à travers notre participation à la rédaction du PADDUC depuis les Assises du foncier et du logement social afin qu’il ouvre la voie d’un nouveau cap. En effet, c’est lors du débat d’orientations politiques que les premiers jalons d’une rupture assumée avec le modèle économique de la rente et de la désanctuarisation ont été posés.

Cette rupture devrait contribuer à l’épanouissement des hommes et femmes vivant sur ce territoire, indépendamment de leurs origines. Mais d’ores et déjà elle se heurte à la volonté farouche de détruire le code travail et le statut de la fonction publique portée par les ministres socialistes Macron et Lebranchu autant que par la majorité parlementaire qui soutien le gouvernement.

De même elle est confrontée à la politique antisociale de casse du service public au bénéfice des low cost dans l’aérien comme le maritime. Des centaines d’emplois sont ici menacés directement alors que le chômage ne cesse de s’aggraver.

Ces deux exemples montrent combien il est risqué de prétendre « faire société » juste en adoptant ce PADDUC dont la vocation centrale est d’offrir un cadre à tous les acteurs concernés par l’aménagement et le développement du territoire. Il ne s’agit pas de remettre en cause ce qui a été fait jusqu'à l’enquête publique mais de rester lucides sur le niveau d’exigences posé pour répondre aux attentes les plus fortes des Corses.

Une récente enquête d’opinion l’a montré leurs préoccupations se portent sur la santé le pouvoir d’achat, l’emploi et le logement. Face à cela et à la profondeur de l’urgence sociale la Charte de lutte contre la précarité risque elle aussi d’être insuffisante tant il est évident qu’une issue ne peut se trouver dans une solution corso-corse.

Dans l’immédiat c’est de solidarité nationale qu’il est question, de transparence dans l’utilisation de l’argent publique, d’intervention pour mettre fin aux détournements des réfactions de TVA et de la taxe de transport pour rendre du pouvoir d’achat aux ménages insulaires.

La nécessité de pouvoir se soigner correctement et se loger dignement implique une réponse forte que la CTC seule ne peut produire d’une part parce que ces politiques n’entrent pas dans ses compétences et d’autre part parce que les moyens financiers pour s’attaquer aux déserts médicaux et à la pénurie de logements sociaux sont considérables.

Voila pourquoi, le gel des dotations de l’Etat et la politique d’austérité doivent être combattus comme nous le faisons sur ces bancs de manière déterminée.

Il fallait donc s’interroger sur le modèle de développement et ses finalités. Comme nous l’indiquions au début des travaux de ce PADDUC il fallait passer de l’économie de la rente à l’économie productive en visant l’autosuffisance alimentaire de notre île, qui importe aujourd'hui 80 % des produits et matières afin de satisfaire ses besoins. Il était donc nécessaire que ce PADDUC réserve 105 000 hectares de terres agricoles pour endiguer la spéculation, contrer les dérives affairistes et mafieuses et restituer à ces terres à forte potentialité leur vocation vivrière.

Il est bien évident qu’une telle mesure devra s’accompagner de politiques publiques visant l’installation d’agriculteurs désireux de favoriser les produits locaux et sains, pour lesquels des débouchés peuvent être assurés par les collectivités locales à travers les circuits courts approvisionnant les cantines scolaires, maisons de retraite, hôpitaux....

Nous avons défendu le développement de l’économie sociale et solidaire avec son ancrage territorial fort, créateurs d’emplois et la mobilisation citoyenne qu’il exige pour progresser encore. Sur ce plan nous ne pouvons que nous étonner de l’incompréhension manifestée à propos de la monnaie complémentaire. Celle-ci existe déjà ailleurs et montre son efficacité sociale et économique. Elle se justifie également au regard de la volonté prioritaire de relocaliser l’activité économique par la création d’entreprises sociales et solidaires pour que la richesse créée sur le territoire lui profite.

L’objectif c’est effectivement de s’attaquer aux inégalités qui minent la Corse avec une poignée de personnes disposant de revenus très élevés et une large majorité condamnée à se débattre dans la précarité et la pauvreté. Le taux de pauvreté des ménages en Corse est de 19.7 % contre 14 % au plan national. Plus de 22 000 personnes sont au chômage. Ces personnes sont souvent en difficulté pour se loger alors que des centaines de logements neufs, invendus, constituent une bulle immobilière menaçante, et que la pénurie de logements sociaux aggrave les tensions sur le marché. Une telle urgence sociale interpelle et appelle des mesures immédiates en matière de politique du logement et particulièrement du logement social.

Nous avons voulu que la Corse soit en sécurité énergétique et pour cela avons obtenu que les centrales thermiques fonctionnent au gaz naturel et que le développement des énergies renouvelables et des techniques de stockage soient accrus, avec en ligne de mire l’autonomie énergétique.

Concernant les transports, nous avons défendu, le service public de continuité territoriale contre le low cost, destructeur d’emplois et d’activités sur notre île. Nous avons promu les Chemins de fer de la Corse comme un outil public performant et incontestable de l’aménagement écologique et solidaire du territoire.

En bref, nous avons voulu répondre en priorité aux besoins de la population et protéger le bien commun environnemental par une gestion durable protectrice du linéaire côtier et ouvrant des perspectives de développement dans l’intérieur. Pour ce faire nous avons soutenu la création de l’EPF et de l’AAUC.

Il s’agissait de défendre un territoire et une culture remarquables, non vis-à-vis d’un Etat colonial menaçant encore moins de personnes venant d’ailleurs, mais plutôt d’une politique gouvernementale déclinée jusque dans cette enceinte et qui prône un système économique néolibéral dévastateur pour l’emploi et les services publics.

Sans remettre en cause ce système et cette politique d’austérité la volonté de préserver le territoire par des changements institutionnels d’inspiration libérale relève de la mystification. Pour nous l’économie est au service des besoins des hommes et non le contraire. Passer du système actuel où l’accumulation du profit, la compétition et l’argent sont les critères de sélection et de pouvoir, à une humanité harmonisée parce que construite sur la confiance en la vie, la solidarité, le partage responsable et la coopération dans un objectif de paix et de progrès.

Tel était le défi auquel nous nous proposions de répondre à travers la co-élaboration de ce Plan de développement durable de la Corse. Son adoption n’est aujourd'hui qu’un premier pas en ce sens.

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