SNCM : l’essentiel est relégué au second plan
Vente frauduleuse du Bonaparte, départ indemnisé grassement pour Dufour, opacité de l’Etat. Ces affirmations du président du Conseil Exécutif de la CTC ont fait le scoop dans les médias et le buzz sur la toile.
Le ton et les propos sont forts mais les actes.... Nous avons tous en mémoire l’épisode du vol de la taxe de transport dénoncé avec virulence mais aussi la suite : aucun opérateur n’a été poursuivi ou sanctionné. Si comme le dit Paul Giacobbi l’intérêt public est bafoué il doit saisir le procureur sans tarder.
Cela étant l’essentiel est relégué au second plan notamment pour ce qui est de l’ingérence permanente de la Commission européenne dans ce dossier et en définitive l’objectif de faire place nette aux low cost dans le maritime et tout autant dans l’aérien où Ryannair vient d’attaquer la nouvelle DSP sur Figari en visant Air Corsica et Air France.
Pour le gouvernement comme pour l’Exécutif la question est de savoir qui portera le chapeau soit du démantèlement soit au pire de la liquidation judicaire d’une entreprise de 1500 salariés qui n’aurait jamais du se trouver au Tribunal de commerce. Les actionnaires déloyaux que sont l’Etat et Veolia avaient promis un exercice simplement technique pour faire oublier à la Commission européenne les amendes anti-service public et pro low cost réclamées à la demande des dirigeants de Corsica Ferries France.
Les prises de positions de l’Union européenne alimentent donc une manœuvre ultralibérale et hostile contre la compagnie et le service public de continuité territoriale. Pour autant le Tribunal de commerce n’a pas voulu prendre le risque de suivre ces injonctions et d’attribuer la SNCM à un repreneur ayant fait une offre médiocre et insuffisante en fonds propres.
Dès lors que la période d’observation était prolongée de six mois jusqu’en novembre 2015 c’est carrément un diktat qui a été prononcé ordonnant au Tribunal de commerce de revoir sa décision pour écourter cette prolongation. Autrement dit la Commission ne s’interroge pas sur la qualité des offres de reprises, réputées médiocres, mais elle exige qu’une d’entre elles soit retenue incessamment et que soit mis en œuvre tout aussi rapidement une sous délégation permettant avec la CMN la continuité de la DSP jusqu’au 1er octobre 2016 conformément à l’étrange décision du Tribunal administratif de Bastia.
Dans cet entrelacs opaque où l’affairisme figure désormais en première place, l’un des enseignements essentiel qui peut être tiré à travers les six premiers mois d’observation du redressement judiciaire, est que la SNCM est viable dans toutes ses activités. Cela a de quoi rendre nerveux ses détracteurs car effectivement elle est parvenue à dégager de la trésorerie alors même que tout a été fait pour l’en empêcher. Malgré une publicité négative portée à dessein, il se trouve encore des usagers, professionnels ou particuliers, pour faire des réservations et voyager avec la SNCM.
Par conséquent, même si rien objectivement n’y oblige, pour les liquidateurs de la SNCM il faut que le redressement judicaire s’arrête par tous les moyens. Le premier Ministre en visite à Marseille parle d’une proche solution et Paul Giacobbi à l’Assemblée de Corse accuse l’Etat donc le gouvernement de vouloir se passer de son avis. Pourtant le président de l’Exécutif n’hésite jamais à le soutenir dans ses choix comme il l’a montré dans toutes ses interventions à l’Assemblée nationale et particulièrement en juin 2014 lorsqu’il s’agissait de liquider le plan Cuvilliez de relance de la compagnie et au passage de remercier le ministre lui même.
Au delà des postures cyniques ou politiciennes, il eut été plus judicieux, non de courir aux devants de la Commission européenne, comme cela a été fait, gouvernement et Exécutif confondus, mais de s’opposer à son ingérence insupportable pour dégager une solution de continuité dans laquelle l’Etat jouerait son rôle d’actionnaire autant que de garant de la continuité territoriale de service public et la CTC le sien c'est-à-dire celui de l’autorité délégante. Au lieu de cela, ils manœuvrent afin que le Tribunal de commerce soit in fine accablé de la responsabilité d’offrir à des affairistes ce fleuron de la marine marchande française ou de licencier 1500 personnes.
Le moment particulier nécessite une transparence irréprochable de la part de l’Etat, de l’Exécutif et des actionnaires, mais cette transparence fait défaut. L’ensemble des organisations syndicales à juste raison récusent les deux offres de reprise encore en lice et demandent qu’une solution pérenne soit trouvée. Il faut les écouter.
Michel Stefani