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Michel Stefani

SNCM : construire un projet industriel crédible

22 Juin 2015

Le tribunal de commerce de Marseille a confirmé, le 10 juin, son analyse des offres de reprise de la SNCM : médiocres et insuffisantes en fonds propres. A juste titre, il a donc été décidé de lancer un nouvel appel à candidatures avec échéance au 25 septembre.

Cette décision est plus rassurante, elle sera plus opérante si cette période est effectivement mise à profit pour rechercher une solution conforme au constat qui peut être fait objectivement à partir des éléments que les sept premiers mois de redressement judiciaire de la SNCM donnent à voir. En effet la compagnie viable, dans toutes ses activités, dégage dans ce contexte peu propice aux bons résultats commerciaux de la trésorerie. Nous n’en doutions pas, mais cette expérience, douloureuse pour les salariés, apporte un éclairage nouveau à la procédure dont on voit bien qu’elle n’a été initiée que pour réduire le périmètre du service public de continuité territoriale et dégager l’espace à la compagnie low cost Corsica Ferries France.

Même si les taches peu honorables ont été réparties entre bons libéraux, la Commission européenne et sa Direction générale de la concurrence sont chargées de donner le ton à chaque étape. Ingérence et diktat caractérisent cette domination insupportable au motif que la continuité territoriale telle qu’elle est exercée par les opérateurs attributaires de la Délégation de service public (CMN SNCM) constituerait une distorsion de concurrence. Prise à son propre piège libéral elle avait indiqué que le recouvrement des amendes antiservice public de 440 millions d'euros ne serait pas exigé si une décision rapide était prise.

Cette incohérence de taille met en relief la passivité manifeste à l’égard de la compagnie low cost Corsica Ferries France, en situation de quasi monopole sur le transport de passagers et néanmoins subventionnée, douze ans durant, au titre de l’aide sociale sur l’enveloppe de continuité territoriale (aide d’Etat) à hauteur de 180 millions d’euros alors même qu’elle n’assurait pas de délégation de service public. De même la question du pavillon de premier registre français se pose avec force au moment ou revient subrepticement dans la loi Macron, au prétexte de mieux l’encadrée, la directive « travailleurs détachés » au bénéfice des sociétés de Manning adeptes du travail dissimulé.

La mole attitude de l’Exécutif de la Collectivité territoriale de Corse et du gouvernement range ces deux intervenants majeurs dans la catégorie des complices au détriment de l’exercice réel des compétences qui sont les leurs. Leur rôle devrait être de faire face aux lobbies des armateurs sans scrupule qui se cachent derrière la Commission omnipotente en charge de dicter ainsi leur loi au mépris de l’intérêt général. Peu importe que les sociétés soient domiciliées dans les paradis fiscaux, qu’elles naviguent sous pavillon liquidateurs de droits sociaux, qu’elles perçoivent de l’argent public, ce qui compte avant tout c’est de détruire le modèle du service public français issu du programme du Conseil National de la Résistance.

Les syndicats ont dénoncé la vacuité des offres faites par les trois repreneurs inconsistants notamment au regard de l’hémorragie d’emplois programmée : seuls 780 à 900 salariés, sur les 1 500 CDI de la compagnie, auraient été repris. A cela s’ajoute la désertion de Véolia Transdev qui persiste dans son irresponsabilité à la fois antisociale et antiéconomique et s’empresse d’affirmer « Quelle que soit la solution in fine retenue (…), il n’apportera aucune contribution supplémentaire au financement de la SNCM et n’ira pas au-delà des engagements pris à ce jour quant à l’abandon de ses créances et au financement de la restructuration sociale ». Cette obstination, à ne pas vouloir prendre d’engagement financier précis, est coupable. Elle confirme, en entrainant l’Etat sur ce terrain inacceptable, que le cap de la liquidation judiciaire est le sien depuis l’ouverture de la procédure judiciaire qui n’a jamais été une « formalité technique » mais bien un choix politique.

Dans la confusion le groupe STEF-TFE, géant européen de la logistique, est sorti du bois. Dans une note blanche de six pages, adressée aux administrateurs judiciaires, ce spécialiste du transport frigorifique a plaidé pour le renvoi de la décision du tribunal de commerce au mois de septembre estimant qu’« un choix précipité sans la moindre adhésion du personnel ne peut que déboucher sur un conflit majeur, avec blocage total de l’approvisionnement de la Corse ». Société holding de la CMN, la compagnie cocontractante avec la SNCM à la délégation de service public, STEF se dit prêt à agir pour « monter un tour de table » et porter un projet à six navires. Mais la aussi les chiffres annoncés laissent perplexes. 800 salariés seulement seraient gardés et la fourchette financière de l’offre resterait, comme celles des candidats non retenus, entre 15 et 20 millions d’euros. Ce montant représente moins de 10 % de la valeur des actifs de la SNCM.

Le tribunal de commerce de Marseille dans sa décision a, semble-t-il, résisté aux nombreuses pressions exercées sur lui. C’est une bonne chose qui doit permettre de revenir à la continuité sauf à cautionner, après la privatisation sulfureuse de 2005 et les 60 millions d’euros offerts à Buttler par le gouvernement Villepin Sarkozy, un nouveau scandale d’Etat à mettre cette fois-ci à l’actif du gouvernement Valls Hollande. Désormais il s’agit de construire un projet industriel crédible avec des engagements politiques et financiers permettant de garantir la pérennité sociale, industrielle et économique de la SNCM.

Michel Stefani

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