Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Michel Stefani

France : les illusions [trompeuses] d’Edmond Simeoni

3 Janvier 2015

Alors que la somme des richesses créées n’a jamais été aussi importante, 2014 s’affirme comme l’année de toutes les inégalités. Même le FMI et l’OCDE s’en alarment. Pour autant Edmond Simeoni après avoir lu le Nouvel Economiste du 12 décembre n’a pas mesuré certains aspects de la réalité économique imposée par le système capitaliste et ceux qui le dirigent.

Dans la Corse votre Hebdo du 2 janvier, il nous explique que la France (voir également sur edmondsimeoni.com France : les illusions) serait malade de sa rigidité administrative dans deux domaines celui des institutions, « archaïques » et trop « centralisées », et celui du code du travail « pléthorique mais malthusien et dans des réglementations ubuesques » qui corsettent l’entreprise à travers « un modèle économique français en retard de modernisation, donc moins compétitif ».

Edmond Simeoni parle de la France jamais du MEDEF ni du gouvernement. Il parle aussi de l’Europe jamais de la Commission ou du Conseil qui pondent des directives ultralibérales pour permettre à la concurrence déloyale de s’y déployer sans entrave. Il rêve d’une Corse dégagée du fardeau de la France « conservatrice, - « les droits acquis » - frileuse, corporatiste ; elle est sceptique sur l’union Européenne modernisée - une carte maîtresse - et à fortiori sur une évolution fédérale indispensable pour conférer une harmonie et une efficacité à l’ensemble disparate de 27 nations ».

« La France et ses prétentions ont-elles encore un avenir en tant que nation pesant un poids déterminant sur l'évolution du monde demain ? Très rares sont les prévisionnistes français ou non à tenir ce pari audacieux. Quel que soit le domaine examine (politique, économique, social, culturel) ce pays est déclassé. Et plus il perd son rang qu'il imagine encore être le premier, plus il se crispe sur des dénis de réalités. ». Une telle interrogation suivie d’une telle affirmation mérite qu’on s’y arrête.

Edmond Simeoni oublie toujours dans ses propos, c’est symptomatique, la France de 1789 de 1936 ou de 1945 comme celle des gros actionnaires. Or 2014 a été l’année de tous les records pour ces derniers. Plus de 80 milliards d’euros ont été distribués par les entreprises du CAC 40 qui ont ainsi reversé plus de dividendes que de bénéfices dégagés puisque leurs profits ont reculé de 8 % pour s’établir à 48 milliards. La voracité de la finance est telle que même le magazine « Challenges », peu suspect d’anticapitalisme, parle « d’un très gros effort qui se fait au détriment de l’investissement ». Et, s'il ne parle pas des salaires... Michel Sapin, le ministre des Finances, lui l'a fait, en exhortant les patrons à « faire en sorte que les salaires n’augmentent pas plus que la productivité de leur entreprise ».

La France capitaliste est au deuxième rang mondial, derrière les États- Unis, pour ce qui est de la rétribution des actionnaires. L’année 2014 a donc été celle de l’accélération brutale de la voracité du capital. Dès lors comment parler de « crise » sans préciser qu’elle est consubstantielle de cet appétit démesuré. Depuis 2009 la hausse cumulée des dividendes approche les 60 % dans le monde. Cette année, les 1 200 plus grandes entreprises mondiales ont distribué un peu moins de 1 200 milliards de dollars (980 milliards d’euros), soit 133 milliards de plus qu’en 2013. C’est un record.

Orange, BNP Paribas, Axa, Société générale... caracolent en tête des sociétés françaises les plus généreuses avec leurs actionnaires. De l’autre côté l’austérité fait son œuvre chômage, précarité, pauvreté, mal vie... L’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) dans un rapport paru le 9 décembre s’en émeut : les inégalités se creusent trop. « Jamais en trente ans le fossé entre riches et pauvres n’a été aussi prononcé ».

À l’échelle de la zone de référence (pays pour la plupart du monde occidental), le revenu des 10 % les plus riches est aujourd’hui 9,5 fois plus élevé que celui des 10 % les plus pauvres : ce rapport était de 1 à 7 dans les années 1980. Loin des antiennes libérales qui répètent que déverser des montagnes de cash au sommet de la pyramide permet un ruissellement jusqu’à la base de la société et profite à tous, le rapport établit que ces inégalités ont coûté... 8,5 points de PIB sur 25 ans.

Et de poursuivre : « Ce n’est pas uniquement la pauvreté ou le revenu des 10 % de la population au bas de l’échelle qui inhibe la croissance. Les pouvoirs publics doivent se préoccuper plus généralement du sort des 40 % les plus défavorisés. (...) Lutter contre les inégalités par l’impôt et les transferts ne nuit pas à la croissance. »

Edmond Simeoni nous interpelle : « La France peut-elle sortir de la crise historique qui la mine ? Oui, elle en a les moyens. Par de violentes secousses sociales, conformes à son histoire et capables d’amorcer une révolution démocratique et sociale authentique. C’est une hypothèse plausible ». Le pas suivant est de combattre ce système, la politique injuste et inégalitaire qu’il suscite. Cela commence maintenant. Encore faut-il qu’Edmond Simeoni ne choisisse pas, comme en 1989, le camp hostile au mouvement social.

Michel STEFANI

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article