Le pire, le moins pire et la « fachotte »
Nicolas Sarkozy se lance à nouveau dans la course au pouvoir suprême.
Deux ans et demi après sa défaite il pense se repaître des valeurs de gauche, assassinées par le duo libéral social Hollande-Valls. Il peut en effet tout à loisir se rependre dans les fractures béantes d’un paysage politique dévasté par le non respect des engagements pris, les mensonges, les affaires et la corruption du pouvoir libéral monarco-républicain. Quant à l’UMP sur lequel M. Sarkozy veut reprendre la main, il semble bien à l’agonie. D’un congrès calamiteux à des élections internes douteuses, des ambitions personnelles au vol de l’argent des adhérents, des petits arrangements entre jeunes loups aux prestations surfacturées de conseils ultralibéraux, l’écurie serait promise à une nouvelle appellation pour faire oublier ses turpitudes.
Pour compléter le portrait du grand ami de Bolloré, habitué du Fouquet’s et amateur de Rolex, il y a un long cortège d’affaires pendantes et louches au parfum de scandale. Sarkozy parle d’alternative. Pour lui, la stratégie est simple : traverser le champ de ruines en dénonçant l’incapacité de Hollande ; se refaire comme au poker, non sur un contenu politique anti-austérité, antilibéral n’en parlons même pas, mais sur la promotion de sa seule personne dont la caractéristique essentielle reste l’amour de l’argent et le service du capital. Fondamentalement, il ne trouve rien à redire à l’actuelle politique sinon qu’avec lui cela irait encore plus loin, plus vite et plus fort dans la désintégration des droits économiques et sociaux. Voilà pourquoi son retour nous a été servi comme un événement planétaire, éclipsant la crise, les guerres, les ravages d’Ebola, les manifestations pour sauver le climat...
Antenne 2, la chaine du service public, ne pouvait faire moins, qu’accorder à cet homme politique, exemplaire dans sa conduite et ses pratiques politiques, 45 minutes au 20 heures. Ainsi, tout est fait, -à peine à mi-mandat de F. Hollande- pour engager la campagne présidentielle, comme dans un cirque alors que les souffrances sociales, résultant du chômage, de la précarité, des baisses de pouvoir d’achat, rendent la vie quotidienne de l’immense majorité des familles populaires de plus en plus insupportable. Cette quête permanente du pouvoir royal-présidentiel, accentuée par le quinquennat et l’inversion du calendrier électoral, creuse irrémédiablement le fossé entre les citoyens et ladite représentation politique. Cette forme de représentativité où tout dépend constitutionnellement d’un seul homme, camoufle en définitive les raisons de la crise et la responsabilité politique des décideurs, pour soumettre l’Etat à la finance contre l’intérêt général. L’artillerie idéologique assure, par médias interposés et aux ordres, le pilonnage des cerveaux pour imposer le renoncement à une véritable alternative économique, sociale, culturelle et écologique, capable de répondre aux attentes des français.
Le locataire actuel de l’Elysée a d’ailleurs été très insistant à ce propos lors de sa conférence de presse rituelle, en indiquant qu’il n’y avait pas d’autre choix que l’austérité et en omettant les propositions du Front de gauche et du Parti communiste mais surtout celles qui montent à l’intérieur de son propre parti, le Parti Socialiste. C’est plus qu’un signe ! A travers ce processus sclérosant pour la démocratie, un piège est tendu aux électeurs visant à les enfermer dans un triumvirat – Hollande ou Valls-Sarkozy-Le Pen. Le seul moyen d’y échapper c’est de montrer avec force la contradiction qui s’aiguise autour des intérêts divergents entre le travail et le capital. Cela implique de résister et de combattre avec détermination les choix de plus en plus lestés par l’austérité. Forces populaires et mouvement social sont ici au rendez-vous des luttes, des convergences et du rassemblement pour obtenir dans l’immédiat un changement de cap et reconstruire l’espoir à gauche sur une alternative antilibérale.
Cette combativité est d’autant plus nécessaire que l’Europe de Junker négocie en catimini le TAFTA pour le compte de Merkel et de ses amis banquiers et industriels. Les banques doivent être contraintes au financement de la transition écologique et à la relance de l’industrie comme de l’agriculture, lesquelles filières s’appuieraient sur les avancées technologiques pour répondre aux besoins humains et environnementaux. Au lieu de laisser pénétrer partout l’économie low cost et la finance sulfureuse, il s’agit de promouvoir les services publics pour les besoins des populations et la démocratie aussi bien dans la société que dans l’entreprise. C’est une nouvelle République dont il est question pour « l’humain d’abord » et non pour la finance, où le peuple reprendrait le pouvoir. Dans le contexte actuel, il est de la responsabilité des forces de gauche qui portent une alternative à l’austérité ultralibérale d’inventer ensemble avec les citoyens, d’autres chemins qui permettront d’échapper au scénario pré-écrit par les forces de l’argent mêlant le pire, le moins pire et la « fachotte ». L’invention commune est à l’ordre du jour.
Michel Stefani