Michel Stefani : je vais me présenter aux sénatoriales
Le conseiller territorial et secrétaire du Parti communiste en Haute Corse annonce à Corse Matin qu’il sera candidat aux élections du 28 septembre. Il fait un tour d’horizon de l’actualité régionale.
Interview réalisée par Jean Baptiste Croce parue ce jour dans Corse Matin
Socioprofessionnels inquiets, chômage en hausse la Corse s’enfonce dans la crise ?
La suractivité estivale ne permet plus de freiner le chômage. L’économie du low cost et de la mono activité touristique, tributaire de la conjoncture, s’étouffe alors que la commande publique recule.
La grève à la SNCM n’a rien arrangé !
Imputer cette dégradation à ce conflit est faux, comme stigmatiser le syndicalisme en visant la CGT est dangereux pour la démocratie.
Les organisations syndicales auraient pu renoncer à prendre la Corse en otage ?
En négligeant le préavis d’un mois, c’est le gouvernement qui a pris la Corse en otage !
Pour autant l’impact est réel !
Des chiffres fantaisistes ont été annoncés 230 000 passagers perdus, 120 millions d’euros en moins pour l’économie locale. En réalité sur 30 000 passagers concernés 28 000 ont pu venir en Corse. L’impact économique, non encore vérifié, serait d’environ 15 millions. Par contre la SNCM c’est 25 millions par an et 600 emplois directs quant au vol de la taxe de transport par les low cost c’est 5 millions sur 3 ans.
« ouvrir la perspective sur un cap à gauche »
A l’assemblée de Corse vous avez voté contre une motion réclamant le service minimum ?
Cette motion de la droite parlait aussi de « violence faite à la Corse ». Quand, contrairement aux engagements écrits du ministre des transports, une procédure collective doit être engagée au Tribunal de commerce avec des milliers de licenciements à la clé, à qui est-il fait violence ?
La compagnie est en difficulté ne faut-il pas accepter qu’elle change ?
La concurrence déloyale impose une logique prédatrice du service public et destructrice des droits sociaux. Pour faire bonne mesure, les travailleurs devraient accepter docilement d’être licenciés. Le service minimum, voté par tous les groupes de l’Assemblée sauf le notre, vise à ça.
Néanmoins, ne devraient-ils pas renoncer à des avantages ?
Pourquoi ne pas inverser le raisonnement et exiger de Corsica ferries qu’elle s’aligne au pavillon 1er registre français. Non seulement pendant 10 ans ça n’a pas été fait mais avec l’aide sociale une prime au dumping social, fiscal et commercial lui a été versée.
Le gouvernement a fait publier le décret de pavillon national
Il a tardé mais si les contrôles sont faits, il devrait permettre d’assainir les pratiques.
Le Concordia est arrivé à Gênes sans incident.
Toutefois, si la maîtrise technologique a tourné à la démonstration, chaque jour des dizaines de navires naviguent dans le canal de Corse après être passés par Bonifacio. La course aux profits dans le transport maritime est ici un risque permanent. Dernièrement un navire de Corsica ferries est entré au port de Bastia à la remorque avec une brèche sous coque.
Mélenchon s’éloigne du PC, le Front de gauche, s’étiole ou en êtes-vous ?
S’il y a des choses à changer au Front de gauche, nous devons y travailler sans instrumentaliser les désaccords. L’objectif des communistes est ainsi de le faire rayonner pour ouvrir une perspective sur un cap à gauche.
Municipales et européennes ne lui ont pas été favorables ?
Le dénominateur commun de ces deux élections c’est la sanction du renoncement de François Hollande. Sa politique de droite assèche l’espoir à gauche. Même si nous résistons bien dans les villes dirigées par un maire communiste, nous avons soufferts du mécontentement qu’elle produit à gauche.
« le peuple doit être consulté »
Mais, peut-on rester enfermés sur le clivage droite-gauche ?
La recomposition politique c’est le « non changement ». Les démarches sont comparables entre la réforme pour établir des régions de taille européenne aptes à la compétition économique la plus féroce et la surenchère permanente qui dans ce cadre, toujours plus libéral, situe la Corse en marge de la solidarité nationale incontournable dans son cas.
Vous êtes en désaccord avec Paul Giacobbi ?
Sa fuite en avant sur la réforme interpelle et le désaccord ressort dans les votes. De même quand il explique qu’à Bastia, la gauche n’a pas perdu, il conforte une stratégie d’alliances « hors clivages » et l’affaiblissement de la gauche.
Toutefois François Tatti et Emmanuelle de Gentili ont été élus !
Sans la trahison des électeurs de gauche c’eut été mieux et Bastia serait restée à gauche. Incontestablement la principale force politique à gauche était la liste de la majorité sortante avec laquelle ils n’ont pas voulu d’union.
Les partis et leur logique d’appareil n’ont-ils pas empêché cette union ?
François Tatti vient de constituer un parti après les avoir dénoncés. Mais au delà de sa volte face la mise en cause des partis consacre l’exercice d’un pouvoir personnel. Dans une région où la démocratie est fragilisée par la dérive mafieuse, elle peut avoir des conséquences graves.
La majorité régionale a souffert de cet épisode ?
Bien sur il y a eu des tensions d’autant que les positions divergent sur l’évolution institutionnelle et constitutionnelle devenue au fil de la mandature un préalable à tout.
Jean Charles Orsucci parle de cheminement vers la paix ?
Cela interpelle plus encore si dans cet esprit cette évolution est en quelque sorte une monnaie d’échange...
La visite de Marylise Lebranchu a semble-t-il relancé le dialogue ?
Elle n’a que confirmé ce que nous savons depuis le longtemps. La représentation de la Corse ne peut à elle seule décider de changer la Constitution du pays. En revanche nous pensons que le peuple doit être consulté dans tous les cas.
« déposer les armes, c’est bien, les mettre au pilon, c’est mieux »
Elle a mis l’accent sur le logement social ?
C’est le bons sens. Pour cela pas besoin de passer par le Congrès du parlement. La spéculation, la pénurie de logements sociaux, comme la cherté de la vie et les bas salaires, relèvent avant tout de choix politiques non « d’obstacles institutionnels et constitutionnels ».
Serez-vous candidat aux sénatoriales ?
Oui avec Marie Jeanne Fedi, adjointe au maire de Vescovato.
Avec quel message
Défendre la décentralisation contre le projet libéral destructeur de la démocratie locale, des emplois statutaires et des services publics. Une fois l’Etat dégagé de ses obligations de solidarité, sa tutelle sera renforcée pour décliner la politique européenne des marchés financiers.
Les régionales auront lieu en décembre 2015, plusieurs élus de la majorité régionale ont interpellé Paul Giacobbi, vous non ?
Notre préoccupation n’est pas de savoir si Paul Giacobbi nous accepte sur sa liste mais ce qu’il faut faire pour reconstruire l’espoir à gauche. Empêcher la droite de reprendre la région, nécessite, à nos yeux, d’être lisibles et identifiables à gauche face à l’urgence sociale.
Le rapprochement de Paul Giacobbi avec les nationalistes vous met hors jeu ?
Les libéraux en rêvent. Sur le fond il s’agit de substituer au positionnement et au contenu de gauche le préalable institutionnel et constitutionnel. Si cette confusion persiste la manœuvre de Bastia pourra se répéter à la région pour nous écarter et avec nous la contestation du libéralisme.
Les clandestins ont déposé les armes est-ce un tournant politique ?
Déposer les armes c’est bien les mettre au pilon c’est mieux. Après des années de plomb, d’attentats, de morts, ce climat ne pouvait perdurer. C’est une situation nouvelle. La jeunesse et le monde du travail la transformeront en tournant politique s’ils se mobilisent sur la question sociale.
Jean Guy Talamoni propose un scénario à l’écossaise, avec un processus de dévolution qui conduirait à terme à un référendum sur l’indépendance, qu’en pensez-vous ?
C’est au peuple d’écrire le scénario.Seulement au peuple.
Propos recueillis par
Jean Baptiste Croce