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Michel Stefani

SNCM : l’inconséquence du gouvernement, la proposition socialement sanglante de l’Exécutif et la volonté des Jaillanac, Frérot et Lota de porter le coup grâce...

2 Juin 2014

Michel Stefani, Conseiller à l’Assemblée de Corse, répond aux questions de Olivier Morge pour le Petit Bastiais.

Terre Corse : Pouvez-vous nous dire quelle est votre appréciation de la situation quant au devenir de la SNCM et de ses emplois ?

Michel Stefani : On ne peut dissocier l’avenir de la compagnie de celui du service public de continuité territoriale. L’un et l’autre sont étroitement liés. Il y a par conséquent la réponse à un besoin des usagers dans leurs déplacements et une exigence économique à satisfaire s’agissant du transport de marchandises. Nous savons que ce service ne peut être exécuté hors du concours de la solidarité nationale puisqu’il nécessite, comme pour l’aérien, une compensation financière. Les lignes exploitées sont réputées déficitaires. La ligne inscrite au budget de la Nation sous le libellé « dotation de continuité territoriale » est prévue à cet effet.

L’Etat a une double responsabilité en tant qu’actionnaire de la SNCM et de garant du principe d’égalité de traitement du citoyen sur territoire national. Le gouvernement ne peut s’en affranchir et plier à la logique libérale du low cost, dominée par le dumping fiscal, social et commercial. Sauf à vouloir encourager une situation identique à celle imposée aux sardes avec des tarifs augmentés de 170 %. Voilà de quoi il est question.

4 000 emplois sont concernés de part et d’autre de la méditerranée en Corse et sur le continent. Les usagers le sont tout autant puisque le périmètre du service public est de plus en plus réduit. Aujourd’hui le gouvernement ne respecte pas ses engagements afin de pérenniser l’emploi, le service public et la compagnie. Il s’en remet à Messieurs Frérot et Jaillanac, patrons de Veolia Transdev, alors que leurs intentions sont connues depuis des mois. Pour eux, la SNCM est un « boulet ». En un mot ils ont tout dit.

Toutefois la Commission européenne réclame à la SNCM 440 M€ ?

La Commission européenne sur saisine des dirigeants de Corsica Ferries France (CFF), réclame cette somme. C’est indiscutable mais elle sanctionne la compagnie en lieux et places de l’Etat et de la Collectivité territoriale de Corse (CTC). Leur objectif est d’imposer le monopole low cost sur le trafic passager, le plus juteux, et accessoirement de pouvoir continuer à écrémer le fret en période creuse. Cette connivence est d’autant plus évidente que « le gendarme de la libre concurrence » est muet à propos des 180 M€ de subventions versés illégalement à CFF par la CTC autorité organisatrice.

Si mauvaise gestion de la SNCM, il y a eu, elle ne peut servir d’alibi et masquer artificiellement cette gabegie que les élus communistes ont été souvent seuls à combattre. Aucune collectivité n’organise ainsi le service public avec d’un côté ses propres délégataires, qu’elle subventionne dans le cadre d’un appel d’offres, d’une convention, d’obligations de service public contraignantes et de l’autre côté, avec un dispositif illégal, la même collectivité autorise et subventionne en sus une concurrence déloyale, sous pavillon de complaisance, pour retirer des parts de marché à ses délégataires et par là même conduire au déséquilibre financier de sa délégation de service public (DSP).

Ce beau monde des affaires s’efforce de présenter la note aux travailleurs, aux usagers du service public et aux contribuables comme si ces derniers avaient privatisé la SNCM en 2005 et rédigé l’appel d’offres de 2007 avec deux services distincts pour permettre aux dirigeants de CFF d’attaquer le service dit complémentaire. La Commission, qui bafoue au passage l’article 14 (*) du Traité de Fonctionnement de l’Union (TFUE), est en mission ultralibérale pour tuer la SNCM quand elle lui réclame 440 M€. Or, la responsabilité de la privatisation scandaleuse de 2005 incombe au gouvernement de Villepin Sarkozy et le contenu de l’appel d’offres de 2007 à la majorité régionale précédente.

On ne peut être dupe, si le gouvernement et les dirigeants de Veolia Transdev utilisent cette condamnation, c’est pour accélérer une procédure de liquidation judiciaire, alors que la SNCM depuis l’attribution de la DSP 2014-2024, dispose d’une garantie financière de 600 M€. Le scénario Tribunal de commerce est inacceptable, comme son prolongement, la SEM d’investissement. Il faut stabiliser le capital de la SNCM avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et confirmer le plan long terme, validé par les organisations syndicales, sauf le STC, avec huit navires dont quatre nouveaux commandés aux chantiers navals STX neufs et financés par la Banque publique d’investissements (BPI).

Maria Giudicelli dit à Cuntrastu que la seule solution est celle de la SEM d’investissement proposée par Paul Giacobbi ?

Maria, comme Paul Giacobbi, tire un trait sur 2600 emplois et encourage une « solution » qui n’a pas le soutien des salariés dans leur très grande majorité mais qui « limiterait la casse sociale... en Corse ». Indépendamment, de cette précision dommageable, cette « solution », la SEM d’investissements, rendrait la CTC propriétaire de quatre navires tout au plus, sans les personnels et avec un préalable non négligeable, la liquidation judicaire suivie de l’interruption de la DSP.

Pour notre part, nous nous situons du côté des personnels sans distinguer ceux qui vivent en Corse, de ceux qui vivent sur le continent. Lors de la dernière session de l’Assemblée de Corse, le groupe du Front de gauche a interpellé l’Exécutif avec une question orale dont le contenu rappelait au gouvernement ses obligations de représentant de l’Etat actionnaire de la compagnie et de garant de la continuité territoriale de service public.

La solution défendue par notre groupe, en résumé, était la suivante : le plan long terme (PLT), une flotte renouvelée de huit navires dont quatre neuf commandés au chantier STX et financés par la BPI, la stabilisation du capital de la compagnie par le maintien de la CDC. Maria n’ayant alors fait aucune remarque, on ne peut donc qu’être surpris de ses propos à Cuntrastu.

Un préavis de grève est déposé avec effet au 24 juin. Comment éviter le conflit ?

L’attitude du gouvernement, des dirigeants de Transdev et Veolia, colle les personnels de la SNCM le dos au mur. Il y a, à la fois une inconséquence stupéfiante du gouvernement, une proposition socialement sanglante de l’Exécutif de la CTC et une volonté singulière des Jaillanac, Frérot et Lota, de porter le coup grâce à cette compagnie « fleuron de la marine marchande française » comme l’a dit Frédéric Cuvillier.

Face à cela, l’esprit de responsabilité des travailleurs et de leurs organisations syndicales est à souligner. Jusqu’au 24 juin, tous les jours doivent être utilisés pour sortir de cette impasse, éviter la liquidation de la compagnie et le chômage à 4000 personnes sur nos deux régions, la Corse en comptant déjà 20 000 et PACA, 450 000. Le seul moyen d’éviter le conflit c’est de mettre en œuvre l’accord intervenu le 9 janvier dernier avec le Ministre des transports.

Propos recueillis par Olivier MORGE

(*) L’article 14 TFUE consacre un protocole (texte adossé au traité de même valeur juridique) aux SIEG constituant de ce fait une catégorie juridique à part entière. Selon ce protocole : les Etats sont libres de définir, d'organiser et de financer les services qu'ils souhaitent qualifier de SIEG. Les échelons locaux ont pour mission de les mettre en place pour répondre aux besoins des citoyens. L'UE n'interfère donc en rien dans l'organisation des services publics. Ainsi, les SIEG admettent des disparités géographiques, sociales et culturelles.

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