Entachée, une… mandature nouvelle s’ouvre à Bastia.
« Une ère nouvelle s’ouvre à Bastia », 40 ans après Aleria, celui que la presse décrit comme « le fils d'Edmond Simeoni, le père fondateur du nationalisme corse », a la gorge nouée par l’émotion en prononçant, ceint de l’écharpe tricolore, son discours d’investiture devant le nouveau conseil municipal.
A l’extérieur ceux qui sont venus assister à l’événement sont moins nombreux qu'au soir du second tour. Les « bandiere corse » sont aussi plus discrètes, pour ne pas dire absentes, signe des temps sans doute pour saluer, pragmatisme oblige, sobrement l’accession du militant nationaliste modéré aux plus hautes fonctions d’élu local qu’il exercera désormais dans la deuxième ville de Corse.
« Ce que les Bastiaises et les Bastiais ont voulu a valeur d’enseignements pour la Corse » l’idéal pour lequel « tant de militants nationalistes ont payé le prix fort » ne peut faire oublier « les erreurs et les excès, trop d’excès sans doute » qui jalonnent cette histoire. Cette victoire à Bastia est aussi le résultat de « cette lutte pour la langue et la culture corses, pour la reconnaissance des droits du peuple corse ». Elle confirme la validité « de la démarche fondée sur l’action démocratique », porteuse « d’un avenir meilleur et d’une société corse apaisée » offerte aux générations futures.
Le message se veut rassurant pour tous mais en posant les prémices d’une autocritique du nationalisme corse il semblait s’adresser particulièrement aux candidats de Corsica Libera qui ont vu la porte du rassemblement se fermait devant eux au lendemain du premier tour.
« Quand on ouvre un chemin il faut faire un premier pas » gageons que le second passera rapidement à une condamnation claire de la violence indépendantiste indispensable dans l’objectif de faire prévaloir définitivement la confrontation des idées dans le débat démocratique. Le peuple corse dans son immense majorité le veut. De même « l’ouverture aux autres » ne peut se concevoir sans un rejet tout aussi clair du slogan xénophobe et diviseur IFF.
En attendant, les élus ont été invités à respecter « la tradition qui veut que le nouveau conseil municipal fleurisse le monument aux morts pour la France mais aussi pour la Corse ». Invite également à rendre hommage à Pascal Paoli le 6 avril pour l’anniversaire de sa naissance « homme des lumières père de la patrie » associé à la devise de « Liberté Egalité Fraternité » partagée dans son universalité « par celles et ceux qui se sont engagés devant les Bastiaises et les Bastiais à servir leur ville dans l’intérêt général ».
Voila comment les symboles de « l’Etat oppresseur et aliénant », sans reprendre le qualificatif ordinaire de colonial, n’ont donc pas été exclus du droit de cité durant cette cérémonie à la fois solennelle et hautement symbolique pour l’institution. C’était important notamment dans ses relations, envisagées de manière « plus partenariale », avec ses voisines et l’Etat sans que ne soit véritablement aborder la question essentielle du rapport à la France.
Bastia dans son « environnement naturel et européen rayonnera sans entrave », par-dessus « les divergences et les différences assumées » à travers « l’union réalisée, sans se renier », pour et sur son seul nom. On aura cependant du mal à croire à la conversion des libéraux de l’UMP en défenseurs des services publics communaux ou du logement social et celle des socialistes en contempteurs de ces nouveaux alliés frontalement opposés au gouvernement et à François Hollande.
Cet aspect politique des choses laisse penser que derrière l’intitulé de liste « Bastia », structurant en surface l’imposture d’une alliance contre nature, le dénominateur commun n’ait été que l’accord de fond sur la politique libérale et sa déclinaison depuis Bruxelles sur tous les tons de l’austérité d’une Europe antisociale de régions désolidarisées et de peuples moins considérés que les marchés financiers.
Pour l’instant le voile persiste mais les partenaires issus du conclave de Bastia promettent une méthode transparente de « rupture avec les pratiques clientélistes et l’opacité dans les marchés publics ». La campagne électorale est terminée mais la dénonciation du système par des allégations calomnieuses persiste malgré la volonté affirmée de rechercher avec l’opposition un travail commun pour Bastia.
Favorisée par une situation financière saine, une pression fiscale gelée depuis 20 ans au bénéfice des ménages, de nombreux projets en cours de réalisation ou à venir, la nouvelle municipalité, indépendamment des contradictions masquées par un caricatural tout sauf Zucarrelli, a devant elle le ciel bleu qui s’expose à ceux qui ont entrepris et réussi un holdup (électoral) parfait.
Tout en étant grisant, c’est la loi du genre, il ne dérogera pas à la règle et réservera des surprises. Les dissonances ne manqueront pas après un tel concert aux ambitions, marqué ici par la trahison des électeurs de gauche et un besoin abusif de reconnaissance personnelle identifiable aux postes revendiqués puis attribués ceux du premier adjoint de la ville et du président de la CAB. Ainsi entachée, une… mandature nouvelle s’ouvre à Bastia.
Michel Stefani